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«C’est une période sombre pour les droits humains»

AFP

Les droits de l’homme ne sont pas une priorité des relations internationales et restent un «parent pauvre» du commerce, de la sécurité et des questions économiques. C’est l’avis d’Andrew Clapham, directeur de l'Académie de droit international humanitaire et de droits humains.

Depuis 1950, l’ONU invite tous les Etats et les organisations internationales concernées à célébrer chaque 10 décembre la Journée des droits de l’homme. Une date qui marque l’anniversaire de l’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme par l’Assemblée générale de l’ONU en 1948.

Pour Andrew Clapham, directeur de l’Académie de droit international humanitaire et de droits humains (Genève), c’est l’occasion de rappeler que le respect des droits de l’homme est loin d’être une réalité dans le monde.

swissinfo.ch: Les droits de l’homme ont-ils la place qu’ils méritent aujourd’hui auprès des Etats, des institutions et des individus?

Andrew Clapham: Je voudrais dire oui. Mais je pense que nous vivons une période sombre pour les droits de l’homme. La situation en Syrie –  où les droits humains sont violés chaque jour – ne provoque pas à travers le monde les réactions qu’on pourrait attendre.

Il y a une sorte d’inquiétude frustrée.  Mais les priorités sont toujours ailleurs. De même, dans le monde de l’investissement, du commerce, je ne pense pas que les droits humains aient la priorité qui devrait leur être donnée.

Même si nous avons  un Haut-Commissariat aux droits de l’homme doté d’un personnel nombreux et des bureaux partout dans le monde, je pense que sur le plan des relations internationales, les droits de l’homme sont encore le parent très pauvre des préoccupations liées au commerce, à la sécurité nationale et au développement économique.

swissinfo.ch: Les objections culturelles ou religieuses à l’universalité de la Déclaration des droits de l’homme sont-elles toujours vives?

A.C.: Je pense que dans l’ensemble, nous sommes allés au-delà de ce débat. Il est très rare aujourd’hui à l’ONU qu’un Etat affirme que les droits humains ne sont pas applicables chez lui ou qu’ils sont une sorte de construction occidentale.

Nous avons une acceptation universelle, du moins officiellement. Mais cela ne suffit pas à garantir leur plein respect. Plus que de continuer à sensibiliser les gens  à l’existence des droits de l’homme, nous devrions nous concentrer sur l’arrestation de ceux qui les violent et la prévention des abus.

swissinfo.ch: Quand vous parlez des difficultés liées à la reconnaissance des droits de l’homme, est-ce le problème d’une région du monde en particulier?

A.C.: Le propos sur les droits de l’homme n’est plus «nous les acceptons ou non» ou «peut-on accepter certains droits ou pas». La discussion est aujourd’hui plus détaillée et je pense que c’est une bonne chose.

Prenons l’exemple des États-Unis  qui n’ont jamais été de grands partisans des droits économiques, sociaux et culturels. Toutefois, le président Barack Obama a fait indirectement référence au droit à la santé avec sa réforme du secteur. Cela représente le début de quelque chose. La loi sur la santé qu’il a réussi à faire passer a joué un grand rôle dans sa réélection. L’idée que l’État a l’obligation d’assurer l’accès de tous aux soins de santé est de plus en plus acceptée aux Etats-Unis.

Un autre exemple: la Chine n’a pas ratifié le Pacte des droits civils et politiques et continue de rejeter les revendications en termes de droits politiques et de liberté d’expression. Mais elle ne nie pas l’existence de ces droits. Pékin invoque la sécurité nationale pour justifier les restrictions imposées à ces droits.

swissinfo.ch: Votre académie contribue à former des gens à la promotion des droits de l’homme. Croyez-vous que le respect des droits de l’homme doit venir des individus ou des institutions?

A.C.: Tous les progrès en la matière sont venus parce que des individus ont aiguillonné les institutions censées les protéger, parfois en collaborant avec des gouvernements ou les Nations Unies.

Les grands traités de l’ONU ont souvent été dirigés par des individus dévoués, travaillant habituellement dans le secteur non gouvernemental. Par exemple, les conventions sur la torture, sur les disparitions forcées ou les personnes handicapées doivent toutes leurs origines à des personnes qui travaillent pour obtenir que ces droits soient protégés. Ce n’est donc pas une question de générosité ou de noblesse, mais une lutte continuelle. Et ce même si la collaboration avec l’Etat concerné est nécessaire.

Instituée par l’ONU en 1950, la Journée  des droits de l’homme est l’occasion, chaque année, de célébrer les droits de l’homme et de mettre en lumière un problème particulier.

Cette année, l’accent est mis sur les droits de tous les individus – les femmes, les jeunes, les minorités, les personnes handicapées, les autochtones, les personnes pauvres ou marginalisées – afin que leurs voix soient entendues dans la vie publique et prises en compte dans les décisions politiques.

Ces droits fondamentaux – droits à la liberté d’opinion et d’expression, droit de réunion et d’association pacifiques, droit de prendre part aux affaires publiques (articles 19, 20 et 21 de la Déclaration universelle des droits de l’homme) – ont été au cœur des bouleversements historiques survenus dans le monde arabe ces deux dernières années.

Dans d’autres parties du monde, les « 99 % » se sont exprimés à travers le mouvement mondial des indignés pour protester contre les inégalités économiques, politiques et sociales.

Source: ONU

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