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Moutier: de la joie, des larmes et des doutes

Menschen feiern den Sieg in der Abstimmung, dass Moutier sich aus dem Kanton Bern verabschiedet und dem Kanton Jura beitritt.
Moutier, place de la Gare. Non, ce ne sont pas des supporters de foot, mais des fans du canton du Jura, auquel Moutier appartiendra désormais. Keystone

La presse suisse salue l’issue pacifique du conflit jurassien. Moutier quitte Berne et rejoint le dernier né des cantons suisses. Les uns exultent, les autres pleurent, mais personne ne sait vraiment de quoi l’avenir sera fait.

«Moutier a vécu sa finale de la Coupe du monde», écrit ‘Le Temps’, après les scènes de liesse qui ont marqué la cité à l’annonce du résultat et qui montrent que «le football n’est pas seul à enflammer les foules». Les citoyens prévôtois en effet, «se sont prononcés sur leur appartenance cantonale comme on tire les penalties: avec fébrilité, nervosité et passion. Moutier a ainsi écrit un chapitre unique de l’histoire de la démocratie directe suisse. Un tel scrutin, exempt de violences, n’aurait pas été envisageable dans les années 1980». 

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Le caractère pacifique de l’issue du conflit jurassien a impressionné jusque dans les Grisons, où la ‘Südostschweiz’ écrit que ce vote a valeur d’exemple pour toute la Suisse, «un exemple positif de la manière dont des conflits à l’intérieur d’un pays peuvent se résoudre, certes lentement, mais finalement avec succès».

Pour la ‘Neue Zürcher Zeitung’, si c’est «le cœur qui a gagné», la victoire des autonomistes doit aussi beaucoup à leur campagne menée «avec professionnalisme et avec passion. Ils ont beaucoup misé sur les bénévoles et su mobiliser les jeunes, qui ont mobilisé à leur tour, malgré qu’ils n’aient pas du tout vécu les conflits violents des années 70».

«Les pro-bernois en revanche, avec leurs affiches et leurs flyers, paraissaient presque un peu amateurs. Et du point de vue des arguments également, ils étaient faibles», juge le journal zurichois.

«Bienvenus chez vous, frères prévôtois», titre ‘Le Quotidien jurassien’, qui voit dans le vote de Moutier «une décision cohérente: il aurait été paradoxal qu’une ville portée par les autonomistes depuis plus d’une génération renonce à franchir le seuil de la maison jurassienne, dont elle a été tenue à l’écart lors des sous-plébiscites des années septante».

«Reste qu’hier, une petite moitié des Prévôtois a rejeté ce transfert, poursuit le quotidien édité à Delémont, capitale du canton du Jura. Il s’agit des Bernois de cœur. Mais aussi des personnes qui ne se reconnaissent pas plus dans l’identité jurassienne que bernoise et qui ont dit non par peur du changement. Des gens à rassurer. Car tous les Prévôtois sont bienvenus. La main jurassienne est tendue, sans arrière-pensées». 

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Comme un air de Brexit

Autre son de cloche, on s’en doute, dans le ‘Journal du Jura’. Sportivement, le quotidien de Bienne commence par «féliciter chaleureusement et sincèrement les vainqueurs», mais juge «qu’il s’agit d’un dimanche noir pour le Jura bernois. Les vainqueurs d’hier, qui n’ont jamais eu véritablement conscience d’appartenir à cette entité, n’en auront forcément cure. Ils devront cependant admettre que d’ici à 2021, date probable du transfert, une longue période de flou artistique se prépare, qui ne fera pas que des gagnants, y compris dans leurs rangs».

«Adieu, Moutier – comme c’est dommage», titre (en français) le ‘Bund’, pour qui le départ de Moutier est un «Brexit à la jurassienne». En effet, juge le quotidien bernois, «la séparation du Jura du canton de Berne en 1978 était un projet progressiste, alors que le nationalisme ethnique des séparatistes d’aujourd’hui est empreint de la nostalgie mélancolique d’une identité culturelle claire».

Dans la même registre, la ‘Luzerner Zeitung’ juge que Moutier a voté «contre la diversité culturelle», suivant en cela «la tendance politique et sociétale à l’homogénéisation. Le canton de Berne, qui s’efforce de maintenir vivant son bilinguisme, lui a semblé aussi peu attirant que la multinationale UE l’a été pour les Britanniques».

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Et Moutier reste divisée, comme le rappelle ‘La Liberté’ de Fribourg. «49% des votants voulaient rester Bernois. Pourtant, le Moutier de demain se construira entre «pro» et «contra». Les difficultés ne tarderont pas à surgir: viabilité de l’hôpital ou santé des finances communales». 

Vers des temps incertains

«Moutier a choisi d’être une grande ville dans un petit canton plutôt qu’une petite ville dans un grand canton. Dont acte. Le Jura fera du bien à Moutier? Disons plutôt que ce sera Moutier qui fera du bien au Jura! Avec Moutier, le nouveau canton retrouvera peut-être du mordant, lui qui a perdu ses dents», prédit pour sa part ‘Le Matin’.

«Une fois l’effervescence du vote dissipée, il est à espérer que chaque camp tienne ses engagements, écrit encore ‘Le Temps’. Moutier n’entrera pas dans le canton du Jura demain. Pour séduire cette fiancée tant désirée, les autorités jurassiennes ont fait de multiples promesses. Elles restent à concrétiser».

«Enfin, conclut le quotidien, le canton de Berne doit à sa minorité francophone restante un égard particulier. Les Jurassiens bernois qui ont rejeté très franchement en 2013 l’idée d’intégrer le nouveau canton n’ont pas à subir les conséquences du vote communal des Prévôtois». 

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Deux siècles de question jurassienne

1815: A la chute de Napoléon, le Congrès de Vienne attribue les sept districts jurassiens de l’Evêché de Bâle au canton de Berne.

Années 1950: Montée en puissance du mouvement séparatiste.

1974-75: Plébiscites en cascade. Le Jura est divisé, les trois districts du Nord forment le nouveau cantonLien externe, les trois du Sud restent bernois, celui de Laufon rejoindra Bâle-Campagne dans les années 90. A Moutier, la décision de rester bernois se joue à 70 voix d’écart.

1979: Entrée en souveraineté du canton du Jura, après un vote de l’ensemble de la Suisse, qui accepte sa création à 82%.

1994: Instauration de l’Assemblée interjurassienne (AIJLien externe), institution de réconciliation, sous l’égide de la Confédération et des cantons du Jura et de Berne.

1998: La commune de Moutier organise un vote consultatif sur son rattachement au Jura, qui est refusé pour 41 voix de différence.

24 novembre 2013: A 72%, les citoyens du Jura et du Jura bernois refusent de lancer un processus visant à réunir les deux régions dans un même canton. A Moutier, les partisans du Jura l’emportent pour la première fois, avec 389 voix d’écart.

18 juin 2017: Par 137 voix d’écart, et avec une participation de près de 90%, les 7700 habitants de Moutier décident le rattachement de leur commune au canton du Jura.

17 septembre 2017: Les deux petites communes de Sorvilier et Belprahon votent à leur tour sur leur appartenance cantonale, marquant en principe le point final de la Question jurassienne.

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