La Suisse devrait améliorer la protection des migrants vulnérables
Le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe exhorte la Suisse à cesser de détenir les enfants migrants dans les aéroports ou dans certaines prisons.
Dans un rapportLien externe sur la Suisse publié mardi, Nils Muižnieks appelle les autorités suisses à mettre un terme à sa pratique «traumatisante» consistant à détenir les jeunes enfants migrants dans des zones de transit aéroportuaires avec ou sans leurs parents pendant 60 jours en attendant une décision sur leur statut.
«Habituellement, les douaniers ne retiennent pas un enfant arrivant à la frontière terrestre. On ne devrait donc pas non plus le faire à l’aéroport, précise à swissinfo.ch le commissaire. Ce n’est jamais dans l’intérêt supérieur d’un enfant d’être en détention.»
Le commissaire letton-américain s’est également déclaré préoccupé par la détention administrative, pratiquée par certains cantons, d’enfants migrants âgés de 16 à 17 ans. Et ce en insistant pour que toutes les structures d’asile soient «accueillantes pour les enfants et les femmes».
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— Nils Muiznieks (@CommissionerHR) 17 octobre 2017Lien externe
Dans une réponse écriteLien externe, le ministre suisse des Affaires étrangères Didier Burkhalter s’inscrit en faux: «Le maintien en zone de transit dans les aéroports ne constitue pas une privation de liberté, car cette zone n’est pas un lieu de détention. II s‘agit d‘une restriction temporaire de la liberté de mouvement fondée sur une base légale claire, suffisante et nécessaire.»
Nils Muižnieks s’est rendu en Suisse en mai dans le cadre de son mandat d’évaluation des questions relatives aux droits de l’homme dans les 47 Etats membres du Conseil de l’Europe. Au cours de sa visite de trois jours, il a rencontré des responsables suisses, dont Didier Burkhalter, ainsi que des commissions parlementaires et des ONG. Il a également visité des centres d’asile situés au col du Glaubenberg et à l’aéroport de Zurich.
D’une manière générale, Nils Muižnieks s’est dit satisfait du ton constructif des autorités suisses lors de sa visite. Mais le renforcement de la protection des migrants et des demandeurs d’asile ainsi que le renforcement du cadre institutionnel et juridique de la protection et de la promotion des droits de l’homme constituent néanmoins les principales recommandations adressées aux autorités suisses dans le rapport de 40 pages.
Le commissaire salue en particulier la volonté de la Suisse de se doter d’une institution nationale des droits de l’homme, tout en critiquant l’avant-projet de loi sur cet organisme, «parce qu’il n’assure pas suffisamment l’indépendance de l’institution en raison d’un budget très insuffisant et d’un ancrage universitaire sans statut juridique propre.»
Droit d’asile
Nis Muižnieks s’est félicité de la nouvelle loi suisse sur l’asile, qui devrait permettre d’accélérer et d’améliorer les procédures de détermination du statut de réfugié, notamment en fournissant dès le départ une assistance juridique gratuite.
«L’entrée en vigueur de la législation prendra du temps (2019) mais tous ceux que j’ai rencontrés me semblent très satisfaits», a-t-il déclaré.
Il y a par contre urgence, selon le commissaire, à revoir le statut d’admission temporaire accordé à de nombreux demandeurs d’asile syriens. Cela place les personnes dans une situation précaire qui entrave leur intégration: «Je pense que l’octroi d’un statut temporaire aux Syriens est à courte vue. Il est clair que la crise en Syrie et dans d’autres zones de conflit va durer longtemps. Alors pourquoi ne pas reconnaître la réalité et donner à ces gens un statut à long terme pour qu’ils puissent se construire une vie? »
Nils Muižnieks relève que d’autres pays européens, à l’instar de la Suède, appliquaient des règles similaires en matière de permis d’asile. Il s’est récemment rendu dans le pays scandinave et a exhorté les autorités à «dépasser le mode d’urgence» dans le traitement des demandeurs d’asile.
«La pression sur le système et le nombre de nouveaux arrivants est beaucoup plus faible qu’il y a quelques années. La Suisse a les moyens de faire ce pas rationnel et de réviser à la hausse le statut de permis F. Et ce pour donner un statut plus durable à ces personnes afin qu’elles puissent retrouver leur famille et accéder à un travail et à des droits sociaux similaires à ceux des réfugiés», fait-il remarquer.
La Suisse timide pour son institution des droits de l’homme
Le commissaire a noté que les normes relatives aux droits humains semblaient varier selon les cantons. La future institution nationale des droits de l’homme devrait contribuer à remédier à cette situation en veillant à ce qu’«aucun canton ne soit laissé pour compte». Son projet pilote – Le CentreLien externe suisse de compétence pour les droits humains – existe depuis 2011.
Mais il s’est dit déçu par le projet de budget de l’institution – 1 million de francs suisses -, «parce qu’il n’assure pas suffisamment l’indépendance de l’institution en raison d’un budget très insuffisant et d’un ancrage universitaire sans statut juridique propre.»
En réponse, Didier Burkhalter a déclaré que l’engagement de la Suisse en faveur des droits de l’homme était profondément ancré dans son histoire, ses traditions, son cadre juridique et son système politique. Mais il a reconnu que «la protection des libertés fondamentales et des droits de l‘homme reste un défi constant dans nos sociétés en pleine évolution.»
Traduit de l’anglais par Frédéric Burnand
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