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A Genève, les régimes autoritaires font de la résistance

Pour marquer l'anniversaire du renversement du président Moubarak en 2011, un petit groupe d'Egyptiens ont manifesté en janvier dernier leur soutien au président al-Sissi. Ses opposants, eux, subissent une répression implacable. Keystone

La 31e session de l’organe onusien de défense des droits humains s’est achevée sans recul majeur. Mais Russie en tête, les pays hostiles au renforcement des droits civils et politiques ont cherché à diminuer la portée de certains textes. Une résolution suisse sur le droit de manifester pacifiquement a failli en faire les frais.

Ces derniers jours, l’inquiétude montait chez les défenseurs des droits humains, alors que la principale session annuelle du ConseilLien externe des droits de l’homme à Genève s’approchait de la phase des votes, après plus de trois semaines de travaux.

En cause, l’offensive de gouvernements autoritaires pour tenter de limiter au maximum la portée de résolutions en faveur de la société civile.

C’est ainsi qu’un texte proposé par la Norvège sur la «protection des défenseurs des droits humains engagés dans la promotion des droits économiques, sociaux et culturels» a suscité une pluie d’amendements cherchant à affaiblir la portée du texte.

Ce qui a fait réagirLien externe, avant le vote de la résolution, une cinquantaine d’ONG. Soulignant l’importance du texte qui concerne aussi bien des associations écologistes que de protection des minorités comme les peuples premiers, les ONG ont fustigé les amendements déposés par «un petit groupe d’Etats emmenés par la Russie, la Chine, l’Egypte, Cuba et le Pakistan.»    

Ces amendements, ont dénoncé les ONG, visaient par exemple à enlever toute référence au terme «défenseurs des droits de l’homme» ou dénier toute légitimité à ces défenseurs. Au final, la résolution a tout de même été adoptée.

Une initiative suisse en ligne de mire

Une autre résolutionLien externe portée par la Suisse a également polarisé les fronts, avant d’être finalement adoptée. Le texte a pour thème la «promotion et la protection de tous les droits de l’homme dans le contexte de manifestations pacifiques.»

La diplomatieLien externe suisse a lancé une première fois le sujet en 2011 dans la foulée des soulèvements dans nombre de pays arabes. Au fil des ans, le thème s’est précisé avec par exemple un catalogue de bonnes pratiques pour permettre la tenue de marches de protestations pacifiques.

A ses débuts, le projet a pu se développer sans vote des membres du CDH, à l’unanimité donc. Puis, depuis 2014, le sujet a été mis au vote. Ce qui a entraîné une pression accrue sur certains Etats ne désirant pas froisser des grandes puissances comme la Chine ou la Russie, même si au départ ils soutenaient l’initiative suisse. 

Face à ce nouveau climat, la Suisse a décidé pour cette session de proposer une résolution technique, censément moins clivante, pour faire avancer son projet. Mais rien n’y a fait. La Russie a émis une série d’amendements qui là encore cherchaient à affaiblir le projet. L’un d’eux voulait remplacer le terme manifestation par l’expression assemblée. Au final, ces requêtes ont été rejetées et la résolution légèrement modifiée par la Suisse a été adoptée par 31 voix (5 contre et 10 abstentions).

De quoi susciter le soulagement de Barbara Fontana, cheffe de section des droits de l’homme à la mission suisse auprès de l’ONU et des organisations internationales basées à Genève: «Le résultat est très positif. Mais il a fallu beaucoup batailler pour y arriver.»

Autoritarisme sans complexe

Miguel Martín Zumalacárregui, chef du bureau bruxellois de l’Organisation mondiale contre la torture (OMCTLien externe), s’inquiète, lui,  de la suite des travaux du Conseil: «Ce qui est nouveau, c’est qu’une série d’Etats montrent de moins en moins de scrupules à restreindre les libertés publiques et se montrent de plus en plus offensifs au Conseil des droits de l’homme.»

Miguel Martín Zumalacárregui pointe en particulier le rétrécissement de l’espace accordé à la société civile dans de nombreux pays: «L’Union européenne n’est pas épargnée, comme le montre par exemple la Hongrie.» Le militant prend l’exemple des législations à l’encontre des financements étrangers en faveur d’ONG ou sur la présence des ONG internationales dans des pays comme la Russie, le Kenya, le Venezuela ou Israël.

Face à l’activisme des régimes autoritaires, le représentant de l’OMCT estime que les pays occidentaux manquent de vigueur, tenaillés qu’ils sont par la menace du terrorisme islamiste et la crise des réfugiés. Ce qui les entraîne à prendre des mesures aux limites du droit international. Miguel Martín Zumalacárregui relève également les intérêts économiques et géopolitiques qui poussent les Occidentaux à ne pas critiquer trop fort certains de ces Etats.

Encore une fois, le Conseil des droits de l’homme a évité un important recul. Mais le climat s’est notablement durci entre ses 47 membres.

Autres décisions marquantes

L’ONU a mis sur pied mercredi un groupe d’experts sur la Corée du Nord, chargé de réfléchir à un mécanisme juridique pour établir la responsabilité des dirigeants nord-coréens dans des crimes contre l’humanité.

Dans une résolution adoptée par consensus, le Conseil des droits de l’Homme souligne «sa vive préoccupation face aux conclusions» d’une commission d’enquête de l’ONU «selon lesquelles l’ensemble des témoignages recueillis et les informations reçues permettent raisonnablement de penser que des crimes contre l’humanité ont été commis en République populaire démocratique de Corée (RPDC), dans le cadre de politiques établies au plus haut niveau de l’Etat depuis des décennies.»  Le Conseil a également renouvelé le mandat du rapporteur spécial sur le régime de Pyongyang.

Le Conseil des droits de l’homme a par ailleurs renforcé son suivi face aux nombreuses violations dénoncées au Soudan du Sud. Il a approuvé le lancement d’une Commission d’enquête pour un an renouvelable. Il y a deux semaines, le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme avait dénoncé des abus « particulièrement choquants » en 2015 au Soudan du Sud. Plus de 1300 viols ont été enregistrés dans un seul Etat de ce pays.

La résolution du Conseil a été approuvée sans vote. La Commission sera constituée de trois membres. Ils devront être nommés par le président du Conseil des droits de l’homme au plus tard début juillet, à la fin de la prochaine session de l’enceinte.

Sur la Syrie, la Commission d’enquête dirigée par Paulo Sergio Pinheiro, et dont la Tessinoise Carla Del Ponte est membre, pourra poursuivre ses investigations. Sa prolongation d’un an a été validée par 27 Etats, contre six oppositions et 14 abstentions.

Même décision pour le rapporteur spécial sur l’Iran.

Source: ATS



 

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