Un nouvel avion avec du matériel sanitaire chinois est attendu à Genève
Plus de 90 tonnes de masques, gants et thermomètres seront livrées jeudi à l’aéroport de Genève. La Chambre de commerce Suisse-Chine et la Chambre genevoise du commerce ont réussi à organiser un nouveau vol en provenance de Shanghai pour alimenter en matériel sanitaire les hôpitaux et les pharmacies helvétiques.
Pour lutter contre la propagation du coronavirus, les pays du monde entier se livrent une guerre économique autour du matériel sanitaire. Un avion en provenance de Shanghai devrait atterrir ce jeudi à Genève, avec à son bord 90 tonnes de masques, gants et thermomètres destinés aux hôpitaux publics romands et tessinois, ainsi qu’aux pharmacies faîtières des cantons de Genève, Vaud, Valais et Fribourg. Du matériel fabriqué par SinoPharm GroupLien externe, entreprise étatique chinoise cotée en bourse.
Le 6 avril, un premier vol avait déjà permis de transporter à Genève 92 tonnes de produits chinois, pour une somme estimée à plus de 3 millions de francs. En Suisse alémanique aussi, du matériel sanitaire a été importé via l’aéroport de Zurich.
«La pression est aujourd’hui très forte sur le transport aérien, en raison notamment de la demande américaine.»
Mais voilà qu’entre-temps, les prix du fret ont flambé. En deux semaines, le coût du vol a augmenté d’un tiers. «Le premier trajet nous a coûté 800’000 dollars, mais celui-ci avoisine déjà 1,1 million», ont confié à swissinfo.ch les partenaires de cette opération: Christophe Weber, président de la Chambre de commerce Suisse-Chine (SCCCLien externe) et Vincent Subilia, directeur général de la Chambre de commerce de GenèveLien externe. «La pression est aujourd’hui très forte sur le transport aérien, en raison notamment de la demande américaine», expliquent-ils. Pour certains vols, le plafond des 2 millions de francs aurait déjà été percé.
Pénurie cruelle de blouses
À cette frénésie mondiale pour acheminer dans l’urgence et dans chaque pays touché par le Covid-19 suffisamment de matériel de protection, s’ajoute actuellement une pénurie de blouses pour le personnel soignant. «Le monde entier se les arrache, car la Chine ne possède plus de matière première en quantité nécessaire pour satisfaire la demande. Et les fabriques ne sont plus en mesure de faire face aux requêtes désormais mondiales», observent Christophe Weber et Vincent Subilia.
Si ces derniers se réjouissent d’avoir au moins pu compter en Romandie sur un généreux donateur pour couvrir la moitié des frais occasionnés par ce second vol vers Genève, ils anticipent déjà et suggèrent à la Confédération de faire venir la prochaine fois de Chine, dans l’optique d’un futur troisième trajet, non plus des produits déjà manufacturés mais bien des machines pour fabriquer des masques directement en Suisse.
«Nous avons aujourd’hui largement les moyens de jouer les facilitateurs. Nous en avons déjà informé les autorités. Nous devrions nous interroger sur notre capacité à produire ici même les équipements de ce nouvel or bleu», estiment-ils. Les deux hommes souhaiteraient aussi qu’une coordination nationale se mette en place pour approvisionner la Suisse en matériel, car jusqu’à présent Romands et Alémaniques travaillent plutôt chacun de leur côté.
Environ 50 centimes le masque
Pour édifier ce pont aérien entre Shanghai et Genève, «nous nous sommes appuyés sur un réseau entretenu de longue date avec la Chine, par l’entremise cette fois-ci du ministère chinois du Commerce, précisent Christophe Weber et Vincent Subilia. Ainsi, nous avons pu bénéficier de tarifs corrects pour ces masques». Pour les modèles simples qui atterriront par millions à Cointrin, le prix à l’achat est de 50 centimes par pièce. Un tarif auquel les hôpitaux et pharmacies devront encore rajouter deux à trois centimes afin de couvrir les frais de transports et de sécurité.
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«Sur place, à Shanghai, ces produits made in China ont été certifiés en un temps record par l’entreprise genevoise SGS, participant aussi à l’élan de générosité», éclairent les deux hommes. Christophe Weber avoue travailler nuit et jour depuis près d’un mois, à coup de WeeChat (le WhatsApp chinois), pour mettre ce pont aérien en place. «Une opération citoyenne et bénévole», tient-il à rappeler.
Alors que la Chine, et surtout la ville de Wuhan (province du Hubei), commence timidement à entrevoir enfin le bout du tunnel, Christophe Weber parie déjà sur l’avenir avec l’espoir d’un redémarrage des échanges commerciaux avec ce pays. «Les sociétés helvétiques basées en Chine sont déjà actuellement à environ 80-85 % de leurs capacités de production. Nous en comptons environ un millier sur place et je n’ai pas reçu d’informations selon lesquelles une partie souhaiterait quitter demain l’Empire du Milieu».
Future courbe en V
Depuis son bureau genevois, Christophe Weber ne souhaite pas s’appesantir sur les statistiques publiées mardi par le Secrétariat d’État à l’économie (Seco) sur le commerce extérieur de la Suisse et sa balance commerciale avec la Chine au cours d’un premier trimestre 2020 des plus tourmenté. Des chiffres qui affichent un plongeon des exportations vers l’Empire du Milieu et Hong Kong de 445 millions de francs, avec un chiffre d’affaires en recul de 8 % avec la Chine. «Des chiffres mauvais, mais les affaires vont reprendre leur cours normal un jour ou l’autre», se rassure-t-il. Sans doute songe-t-il déjà aux potentialités offertes par le secteur sanitaire, domaine où excelle la Chine.
«Les chiffres sont mauvais, mais les affaires vont reprendre leur cours normal un jour ou l’autre.»
«En la matière, c’est l’usine du monde. De 55 à 60 % de ce marché provient de l’Empire du Milieu (masques, gants, thermomètres)». Christophe Weber fait le pari d’une future courbe en V, soit une remontée constante de l’économie après avoir touché le fond. Mais pour autant que «les États-Unis ne connaissent pas une crise d’une telle ampleur qu’elle bloquerait le commerce mondial».
Contacts réguliers à Genève
Pour assurer le bon déroulement du pont aérien entre Shanghai et Genève, «nous sommes en contact régulier avec les ambassadeurs chinois sur place, qui représentent notamment les intérêts de la Chine auprès de l’OMC et à l’ONU», poursuit-il. Une aubaine, car aujourd’hui la Chine vit toujours au ralenti. «Les chaînes de production dans tous les secteurs d’activité sont touchées», concède ainsi Nadine Mathys, porte-parole au Seco.
En dépit de ces difficultés, «la Chine demeure l’un des principaux partenaires commerciaux de notre pays», ajoute-t-elle. Une position facilitée par l’accord de libre-échange conclu avec Pékin en 2013. «Cet accord apporte des avantages considérables aux entreprises suisses, qui plus est aujourd’hui. Avec notamment une réduction significative des droits de douane dans la plupart des secteurs», poursuit-elle. Mais elle ne s’aventure pas plus loin sur une éventuelle augmentation dans le futur des prix du made in China, en raison principalement de la hausse, en Chine même, des coûts du travail.
Fondée en 1980, la Chambre de commerce Suisse-Chine désire continuer de son côté à jouer les facilitateurs dans les relations actuelles entre les deux pays. D’autant qu’elle fêtera en septembre prochain son 40e anniversaire… avec ou sans masque sanitaire made in Switzerland.
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