«Coup de poker» du président Obama
Avec le plan en faveur des énergies propres annoncé lundi par Barack Obama, les Etats-Unis pourraient reprendre le leadership mondial dans la protection du climat. A condition toutefois de vaincre la forte opposition des Républicains et de l’économie, selon la presse suisse, car le problème se pose d’abord aux Etats-Unis.
«Obama s’attaque au climat», «La Maison blanche devient verte», «Réchauffement: Obama sort du bois», «Obama redécouvre le climat», «Barack Obama s’expose à un raz de marée de plaintes», «Intention exemplaire»… ces quelques titres sont tirés de la presse nationale.
«Barack Obama s’accroche», relève «Le Temps». Rappelant que «le président américain avait bataillé en vain, il y a six ans à Copenhague, pour obtenir un accord international sur le climat», le quotidien francophone remarque que celui-là «a affiché son intention de remonter au front sur la scène intérieure comme à l’échelon international, lors de la conférence sur le réchauffement qui se tiendra en fin d’année à Paris».
Le plan «Clean Power»
S’exprimant à la Maison-Blanche, à quelques mois du sommet Cop21 prévu en décembre à Paris, le président des Etats-Unis a jugé qu’une inversion des changements écologiques risquait de ne jamais pouvoir s’accomplir si des mesures draconiennes n’étaient pas prises.
Le plan «Clean Power» vise à réduire de 32%, à l’horizon 2030, les émissions de C02 provenant du secteur de la production d’électricité, par rapport à leur niveau de 2005. Il augure d’une transformation notable du secteur de l’électricité. Il encourage en effet le passage aux énergies renouvelables aux dépens de la production d’électricité à partir du charbon.
Si le plan est mis en œuvre, la part du charbon dans la production d’électricité aux Etats-Unis tombera de 39% en 2014 à 27% en 2030. La part du gaz naturel dans la production d’électricité restera à 30%, tandis que les énergies renouvelables représenteront 28%. Le nucléaire présente quant à lui 20% de l’énergie produite aux Etats-Unis.
(Source: ats)
«Fondations fragiles»
«L’équation a aujourd’hui changé, poursuit le quotidien francophone. Alors qu’il approche de la fin de sa présidence, Barack Obama ne court plus les mêmes risques et peut davantage se permettre de provoquer ses adversaires. (Mais) le président est privé d’un des principaux ingrédients de la réussite: le temps.»
De son côté, «La Tribune de Genève – 24 Heures» reconnaît également que «les fondations du chantier climatique du président sont fragiles. Barack Obama a promis de mettre son veto à tout projet de loi au Congrès qui empêcherait la mise en pratique de son programme. Son administration va sûrement devoir le défendre devant les tribunaux, mais le plan élaboré depuis des mois est conçu pour ‘résister’ à l’élection potentielle en 2016 d’un anti-Obama.»
Cela dit, le quotidien lémanique donne plus de chances à l’un des deux autres «grands chantiers» d’Obama, Cuba: «Les fondations du chantier cubain semblent les plus solides pour résister aux puissants vents contraires qui soufflent au Congrès. Selon un sondage publié en juillet par le Pew Research Center, 72% des Américains sont en faveur de la fin de l’embargo américain frappant Cuba.» Quant à l’accord nucléaire avec l’Iran, «face au Congrès, il dépend notamment du soutien des élus démocrates indécis».
La résistance des républicains – qui ont la majorité dans les deux Chambres – contre des lois efficaces sur le climat est programmée, estime l’«Aargauer Zeitung». Le quotidien alémanique estime même que le «tour de vis bureaucratique» du président ne lui permettra pas d’atteindre son but de freiner le changement climatique, car «le service public va crouler sous les plaintes en justice du pays entier».
La fonte des glaciers s’accélère
Depuis le début du XXIème siècle, les glaciers fondent plus vite que jamais, même si le changement climatique venait à faire une pause. C’est la conclusion du Service de surveillance mondial des glaciers à Zurich, qui récolte des données depuis plus de 120 ans.
Les experts ont constaté qu’à l’heure actuelle, la couche de glace des glaciers observés perd chaque année entre 50 centimètres et un mètre, c’est deux à trois fois plus que la moyenne correspondante au XXème siècle.
Pronostic du «Corriere del Ticino»: «Si le plan Obama gagne, les futurs investissements des Etats-Unis bénéficieront aux producteurs d’énergies renouvelables, mais au prix du scepticisme et de l’obstruction des républicains et de l’économie étatsunienne». Mais la plus grande menace, pour le quotidien italophone, viendra «du charbon, de l’or noir, et autres substances polluantes qui continueront à dominer pendant de nombreuses années.»
Avis contraire du «Tages Anzeiger» et le «Bund», pour qui «l’intention d’Obama est exemplaire», c’est «un pas en avant: «Ce n’est qu’un début. Cela fait longtemps que les scientifiques demandent de remplacer l’énergie du charbon par des formes plus propres, la moitié du chemin est faite puisque le charbon est la cause des plus fortes émissions de CO2 (et) il n’aura aucune place dans une société post-énergie fossile.»
«Un signal fort»
En outre, en laissant les Etats fédéraux décider comment réduire les émissions, le plan «acquiert une grande force contre la résistance annoncée des Etats qui dépendent des mines de charbon». Le «Tages Anzeiger» estime que sur le plan international aussi, «Obama donne un signal fort en prévision de la Conférence de Paris sur le climat». «Avec l’intention de diminuer les émissions de 2% jusqu’à 2025, les Etats-Unis font mieux que la Suisse».
La «Neue Zürcher Zeitung» remarque que la volonté du président américain de diminuer la part de l’électricité à base de charbon (les deux cinquièmes du total) «ne repose pas seulement sur des considérations sur le climat, mais vise à endiguer des maladies telles que l’asthme».
«Le changement climatique préoccupe de plus en plus de gens, mais la politique climatique n’est pas un critère décisif de l’élection» présidentielle, poursuit le quotidien zurichois, qui estime que «indépendamment du contenu, c’est la manière dont Obama annonce ses intentions qui est une provocation pour le camp républicain: c’est le discours d’un président impérial». Il s’agit pour lui de «montrer, l’avant-dernière année de sa présidence que malgré beaucoup de douches froides, sa devise de départ, ‘Yes, we can!’ est toujours valable.» Et la «NZZ» de souhaiter que «la politique climatique de demain montre que l’Amérique est capable, grâce à Obama, de rester capable de projeter un leadership global… sans envoyer de troupes.»
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