Les pourparlers sur les robots tueurs sont accueillis avec prudence
Cette semaine, plus de 120 États membres des Nations Unies se réunissent au Palais des Nations pour poursuivre les discussions d'experts sur les défis futurs posés par les Systèmes d'armes létales autonomes (SALA / LAWS). Les organisations non gouvernementales (ONG) qui militent contre ces robots tueurs autonomes sont prudemment optimistes.
Depuis 2014, diplomates, experts en désarmement et groupes de la société civile se sont réunis cinq fois dans le cadre de la Convention sur certaines armes classiques (CCACLien externe) pour discuter des multiples défis éthiques, juridiques, opérationnels et techniques de ces systèmes autonomesLien externe.
La plupart des États reconnaissent que certaines mesures sont nécessaires pour répondre aux préoccupations concernant les robots, mais ils divergent sur les mesures à prendre. Bien que les pays conviennent que le droit international devrait s’appliquer au développement futur des SALA, il n’existe toujours pas d’accord sur la définition exacte de tels engins ou sur le mécanisme par lequel un «contrôle humain» continu doit être exercé sur un tel système d’armes.
Plusieurs pays se sont engagés à ne pas acquérir ou développer des robots tueurs et 22 pays soutiennent une interdiction préventive. Mais les militants avertissent que des pays comme les États-Unis, la Chine, Israël, la Corée du Sud, la Russie et la Grande-Bretagne font avancer l’utilisation et le développement de drones armés et d’autres systèmes d’armes autonomes où les niveaux de contrôle humain diminuent.
La «bonne direction»
Avant la réunion de Genève, les ONG ont déclaré que les pourparlers sur les robots tueurs semblaient aller dans la bonne direction.
«Nous passons clairement d’une discussion technique à un débat politique», a déclaré Maya Brehm, de la branche suisse de l’Article 36Lien externe, une ONG engagée contre la prolifération des armes.
Mary Wareham, qui coordonne la campagne Stop killers robotsLien externe, signale que les activistes sont «prudemment optimistes». Cette plateforme d’ONG inclus les groupes qui se sont engagés contre les bombes à sous-munitions et les mines terrestres, favorisant l’adoption des traités qui les prohibent.
«Permettre à une machine de prendre la vie humaine sur le champ de bataille va trop loin. Cela va au-delà d’une ligne morale qui ne devrait jamais être franchie. Je pense que beaucoup de gouvernements partagent cette grave préoccupation», affirme-t-elle.
Why are we working to retain meaningful human control over the use of force? Because no country would be safe from fully autonomous weapons systems: https://t.co/Kl4anUri9YLien externe #CCWUNLien externe pic.twitter.com/yFycdfGsDPLien externe
— Campaign to Stop Killer Robots (@BanKillerRobots) April 7, 2018Lien externe
Aucune décision formelle n’est attendue lors de la réunion de cette semaine, ni lors d’une autre réunion prévue en août. L’objectif cette année est de présenter une proposition sur la voie à suivre qui pourrait être adoptée lors d’une réunion de la CCAC du 21 au 23 novembre.
Les activistes, quant à eux, soutiennent qu’avec une volonté politique adéquate et un effort coordonné, un traité international interdisant le développement, la production et l’utilisation de robots tueurs pourrait être négocié d’ici la fin de 2019.
Leadership ?
Le temps presse, met en garde la campagne mondiale, et si la CCAC n’est pas à la hauteur, d’autres options diplomatiques devraient être explorées.
«Personne ne parle d’agir en dehors de ces négociations cette année. Mais la pression deviendra de plus en plus forte si les gouvernements tardent à décider ce qu’ils veulent faire à ce sujet», avertit Mary Wareham.
Toutefois, s’il fallait qu’un État dirige le processus, comme le Canada avec le mouvement contre les mines terrestres dans les années 1990 ou la Norvège dans les années 2000 et la lutte contre les armes à sous-munitions, «qu’est-ce qui empêcherait la Suisse d’agir dans ce domaine?» demande-t-elle.
«La Suisse est très engagée dans cet effort diplomatique et met sur la table le respect du droit international humanitaire. Nous savons par expérience que la Suisse est un bon acteur lorsqu’il s’agit de résoudre ces questions en se fondant sur ce droit. La taille de votre pays ne devrait pas avoir d’importance lorsqu’il s’agit de multilatéralisme et de diriger un large groupe de pays.»
La SuisseLien externe est sceptique quant à une interdiction préventive à ce stade, mais elle soutient des mesures pratiques et, si nécessaire, des mesures réglementaires pour empêcher toute utilisation des robots tueurs qui violerait le droit international.
L’année dernière, Berne a déposé un document de travail intitulé «Une approche du système d’armes autonome fondée sur la conformitéLien externe», qui réaffirme l’importance du droit international.
Sabrina Dallafior, représentante permanente de la Suisse à la Conférence du désarmement, a récemment déclaréLien externe à la télévision publique suisse, SRF: «En fin de compte, en termes d’armes autonomes, nous devons décider si nous pouvons déléguer une décision de vie ou de mort à une machine. Nous devons nous mettre d’accord sur le degré d’autonomie acceptable ou inacceptable. L’autonomie acceptable ou souhaitable pourrait inclure des armes si précises qu’il n’y a pas de dommages collatéraux ou de victimes civiles.»
Les parlementaires Chantal Galladé et Beat Flach ont pour leur part interpellé le gouvernement l’année dernière, l’exhortant à demander une interdiction internationale des Systèmes d’armes létales autonomes. Le Conseil fédéral a rejeté cette proposition, faisant valoir qu’il avait des «réserves» au sujet d’une interdiction. Didier Burkhalter, ministre des Affaires étrangères de l’époque, a déclaré au Parlement que «toutes les questions devraient être clarifiées» à la CCAC avant de décider d’une éventuelle interdiction.
Traduit de l’anglais par Frédéric Burnand
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