Après l’appel à la mobilisation d’Emmanuel Macron, des Suisses de France à moitié rassurés
Le Président Macron a décrété lundi soir la «mobilisation générale» contre le coronavirus. «Cohérent mais tardif», estime-t-on dans la communauté helvétique de l’Hexagone.
«Nous sommes en guerre» contre un ennemi «invisible, insaisissable», a déclaré lundi soirLien externe Emmanuel Macron. Le Président français a annoncé des mesures exceptionnelles pour lutter contre la propagation du coronavirus. Pendant quinze jours au moins, chacun devra rester chez soi, si ce n’est pour faire ses courses, aller travailler pour ceux qui ne peuvent «télé-travailler», ou se faire soigner.
Un confinement presque total, à l’exemple de ceux pratiqués en Italie et en Espagne. «Ces mesures sont cohérentes, même si elles arrivent un peu tard, estime Jean-Paul Aeschlimann, président de la Société HelvétiqueLien externe de Montpellier-Languedoc-Roussillon. Emmanuel Macron adopte un ton guerrier pour que les gens prennent conscience de la situation.»
«Si les Italiens et les Espagnols le font, pourquoi pas nous?», ajoute ce chercheur dans le domaine de la protection des végétaux soucieux de préserver son anonymat. Les clichés qui font des habitants du sud-ouest de la France des rebelles et des jouisseurs ont la vie dure en ce moment. «Ils sont en train de changer leurs habitudes, je vois beaucoup moins de gens dans les rues ici à Montpellier.»
Des mots évoquant les années sombres
«Guerre», «mobilisation générale»: ces mots forts évoquent pour certains des périodes sombres, d’autant que la police et l’armée seront mobilisées pour faire respecter le confinement général. «Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai pensé à mon père me racontant son évacuation – avec 300’000 autres Alsaciens et Lorrains – vers le sud-ouest septembre 1939, confie Catherine Minck, une Suissesse de la région parisienne. Il devait rester ‘confiné’ et séparé de ses parents pendant cinq ans.»
Pour autant, Catherine Minck comprend parfaitement les mesures annoncées. «Il fallait donner un grand coup dans la fourmilière, pour que les gens se rendent compte.» Des mesures logiques, «même si j’ai une pensée pour les parents obligés de travailler à la maison et qui auront leurs enfants toute la journée sur le dos.»
Contaminé en Alsace
Le confinement, Kurt Nussbaumer le vit déjà depuis une quinzaine de jours. Président du Cercle suisse de MulhouseLien externe, il a contracté le coronavirus, sans doute à l’occasion d’une cérémonie funèbre à laquelle assistaient des membres d’une église évangélique, épicentre de la contamination dans la région de Mulhouse.
Kurt Nusssbaumer a moins souffert de la fièvre que son épouse, testée positive. Convalescent, ne sachant pas s’il est encore contagieux, il se contente de petites sorties du côté de sa maison donnant sur la campagne et les Vosges. Et s’éloigne dès qu’il voit du monde. S’il s’en tire plutôt bien, certains de ses proches sont à l’hôpital, placés en coma artificiel. «Au moins comme ça, je suis immunisé», dit-il, sans en être certain à 100%.
«Les Français ne sont pas disciplinés. La télévision montrait dimanche des Parisiens couchés les uns à côté des autres en bord de Seine. Les hôtels restent ouverts mais les clients n’ont pas le droit d’y manger. Curieux! A Bâle-Campagne, les hôtels sont fermés», tonne ce retraité, qui a travaillé longtemps dans le secteur des machines agricoles.
C’est près de chez lui, à Mulhouse, que devait se tenir en avril le Congrès annuel des Suisses de FranceLien externe. Annulé.
La journaliste de la RTS Anne Fournier devant la gare de Lyon (Paris) ce mardi à midi.
Le second tour reporté
Le second tour des élections municipales, qui devait avoir lieu dimanche, a été reporté au 21 juin. Quatre jours après avoir décidé le maintien du premier tour, Emmanuel Macron change donc d’avis, face à la progression de la pandémie.
Le maintien du premier tour était une «erreur», estime Jean-Paul Aeschlimann. «On ne pouvait pas d’un côté tenir compte de l’avis des scientifiques pour passer au stade 3 de la lutte contre le virus [qui prévoit notamment la fermeture de la plupart des lieux publics] et de l’autre maintenir ce scrutin en dépit des craintes des experts», juge le chercheur.
«C’est vrai que c’est paradoxal de déconseiller à tout le monde de sortir et, au même moment, de les inciter à aller voter», convient François Kneuss, guide touristique et responsable à Paris de Frantour-Railtour.
Le Fribourgeois Jacques-Nicolas de Weck était candidat «majorité présidentielle» à Saint-Maur-des-Fossés, dans la région parisienne. «J’ai fait dimanche matin le tour des 54 bureaux de vote de la commune. Je portais masque et gants et n’ai bien sûr serré la main à personne», témoigne l’ancien maire-adjoint de Saint-Maur, qui a fait son devoir de candidat avec d’autant plus de mérite qu’il est atteint d’une maladie rare.
«J’ai fait ma tournée le matin. A midi, j’ai été alerté du grand nombre d’admissions dues au Covid-19 à l’hôpital Henri-Mondor du département. J’avoue que cela m’a un peu refroidi… »
Le ministre français de l’Intérieur a annoncé que les restrictions de circulation commenceraient mardi à midi, pour quinze jours, éventuellement renouvelables.
Pour chaque déplacement, outre certaines cartes professionnelles et des attestations d’employeurs, les Français devront présenter un «document attestant sur l’honneur le motif» du déplacement, notamment téléchargeable Lien externesur le site du ministère de l’Intérieur.
Les exceptions aux restrictions de circulation «pourront être tolérées pour les déplacements entre le domicile et le travail.» D’autres déplacements échappent aux restrictions, mais pas aux justificatifs: ceux «nécessaires pour faire des courses ou pour les besoins de première nécessité, pour motifs de santé, pour les déplacements au motif familial impérieux, pour les personnes vulnérables, pour venir en aide à un proche dépendant ou pour des parents séparés pour aller chercher ou déposer les enfants.»
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