Débat fiscal aux allures d’arène électorale
A vingt jours des élections, les députés ont exposé lundi leurs revendications en matière de fiscalité: pas moins d'une cinquantaine d'interventions à l'ordre du jour.
A l’issue d’un débat marathon très peu suivi, les députés n’ont finalement approuvé qu’un projet de baisse de l’imposition du bénéfice des entreprises.
Cette «session extraordinaire» consacrée à la fiscalité devait permettre de faire le point sur les différents projets dans le domaine. En plus de quatre heures de séance, les députés se sont penchés sur 52 interventions – motions et autres postulats.
Comme d’habitude dans ce dossier, les positions traduisent le classique affrontement entre droite et gauche, la première souhaitant une diminution d’impôts, la seconde un frein à la concurrence fiscale et une plus grande solidarité.
Pas de surprises
La semaine dernière, dans un communiqué, le Parti socialiste estimait que cette session permettrait de «faire tomber les masques». Selon lui, les électeurs auraient l’occasion de voir qui se bat pour plus de justice fiscale et qui roule pour des intérêts particuliers.
Parmi les (rares) députés rencontrés lundi dans les couloirs du Parlement, le ton était franchement moins optimiste. Cette session n’a en effet donné lieu à aucune surprise et les positions de chacun étaient connues depuis longtemps.
«Le débat est assez convenu; on peut déjà savoir qui va dire quoi à la virgule près, déclare ainsi Yvan Perrin, vice-président de l’Union démocratique du centre (UDC / droite nationaliste). Il s’agit essentiellement d’un débat à usage externe à trois semaines des élections fédérales.»
Une seule motion acceptée
La quasi-totalité des projets présentés devant les députés ont été refusés. A droite, l’UDC – qui avait réclamé cette «session extraordinaire» – demandait surtout une baisse de 1% de la TVA à partir de 2010.
L’UDC n’a guère convaincu hors de ses rangs, puisque sa proposition a été balayée par 125 voix contre 54. Les députés des autres partis se sont rangés à l’avis du ministre des Finances Hans-Rudolf Merz qui a souligné qu’une telle baisse priverait la Confédération de plus de 3 milliards de recettes sans pour autant que les consommateurs n’en perçoivent les effets.
Le Parti radical démocratique (PRD / droite) a lui aussi subi une déconvenue. Il n’a en effet pas réussi à faire passer sa grande idée en matière de fiscalité, soit l’établissement d’un taux unique d’imposition à partir d’un certain revenu. Son projet, sensé rendre le système suisse plus simple et plus concurrentiel, a été balayé par 102 voix contre 43.
La gauche présentait pour sa part toute une batterie de propositions destinées à atténuer le concurrence fiscale entre les cantons et les privilèges fiscaux. Mais tous ses projets ont été rejetés par la majorité bourgeoise de la Chambre du peuple.
Une seule motion émanant de l’UDC a été retenue. Les députés ont accepté par 98 voix contre 80 l’idée de taxer les bénéfices des entreprises à raison de 5% contre 8,5% aujourd’hui. La gauche et le ministre des Finances se sont opposés en vain à ce projet qui ferait perdre 3,7 milliards à la Confédération. La motion ayant été acceptée, l’idée doit maintenant se transformer en projet de loi.
Un débat pour rien?
Une seule motion acceptée: au final, on a l’impression que la montagne a accouché d’une souris. Une matinée entière de débats n’a en effet débouché sur pratiquement rien de concret, si ce n’est la réaffirmation des positions des uns et des autres en matière de fiscalité.
Une situation qui peine le député démocrate-chrétien (PDC / centre droit) Pierre Kohler. «Il y a une foule d’interventions qui sont complètement contradictoires, souligne-t-il. Aujourd’hui, j’ai plus l’impression que nous sommes en face d’une tribune politique en vue des élections plutôt que devant une réflexion en profondeur pour réformer la fiscalité suisse.»
«C’est un débat qui tombe complètement à froid, renchérit Joseph Zisyadis, du Parti du travail (gauche de la gauche). Il n’y aura aucunes conséquences. C’est juste une liquidation des interventions parlementaires qui sont dans le pipeline depuis longtemps.»
Alors, un débat pour rien? «Un débat n’est jamais pour rien, mais c’est vrai qu’aujourd’hui on a plus l’impression qu’on veut faire de la politique politicienne en vue des élections fédérales plutôt que de trouver des solutions en faveur des citoyens», conclut Pierre Kohler.
swissinfo, Olivier Pauchard
Parallèlement au Conseil national (Chambre du peuple), le Conseil des Etats (chambre des cantons) tenait lui aussi lundi son débat extraordinaire sur les questions fiscales.
Par 30 voix contre 6, les Etats ont refusé pour la deuxième fois consécutive d’entrer en matière sur le projet élaboré par le National d’exonération fiscale pour les personnes les plus pauvres.
Le texte laissait aux cantons (responsables de la perception de l’impôt) le soin de concrétiser les nouvelles réglementations. Ils auraient notamment été libres de fixer le montant permettant à un contribuable d’être exonéré. Un délai transitoire de trois ans leur aurait en outre été accordé pour légiférer.
Mais ces assurances n’ont pas suffi. Lors de la consultation, 17 cantons s’étaient déclarés hostiles à ce projet, le jugeant superflu ou difficile à appliquer. La majorité bourgeoise du Conseil des Etats n’a dès lors pas voulu leur forcer la main.
La pratique actuelle est très différenciée. Certains cantons commencent à taxer leurs contribuables dès un revenu modeste, alors que d’autres commencent beaucoup plus haut.
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