Comment la Suisse transmet des messages entre l’Iran et les États-Unis
Alors que les tensions se font de plus en plus vives entre l’Iran et les États-Unis, le rôle d’intermédiaire joué par la Suisse revient sur le devant de la scène. Mais pourquoi ce petit pays neutre s’implique-t-il dans de tels conflits?
Depuis que les États-Unis ont assassiné le général iranien Qassem Soleimani vendredi dernier en Irak, les tensions ne cessent de croître entre les gouvernements américain et iranien, chacun annonçant tour à tour les pires représailles.
Le président des États-Unis, Donald Trump, a enchaîné les menaces sur son compte Twitter. Si bien que les autorités iraniennes ont convoqué dimanche le messager suisse qui fait l’intermédiaire entre les deux pays. Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAELien externe) confirme qu’une rencontre a bien eu lieu dans le cadre du mandat de puissance protectriceLien externe de la Suisse. Mais il précise que le contenu de cette discussion est «confidentiel».
Les derniers rebondissements:
- 5 janvier 2020: les députés irakiens demandent que les États-Unis retirent leurs troupes du pays et le gouvernement annonce mettre fin aux restrictions de son programme nucléaire prévues dans l’accord de VienneLien externe de 2015.
- 3 janvier 2020: le général iranien Qassem Soleimani est assassiné lors d’un raid de l’armée américaine à Bagdad, en Irak.
- 31 décembre 2019: des milliers d’Irakiens attaquent l’ambassade américaine à Bagdad pour protester contre des frappes américaines qui ont tué 25 personnes dans l’Ouest du pays.
«Lorsque deux pays se déclarent la guerre, la première chose qu’ils font est de rompre les relations diplomatiques. C’est la plus grosse bêtise qu’ils peuvent faire, mais c’est ce qui arrive toujours, nous expliquait l’ancien ambassadeur de Suisse en Iran, Philippe Welti, dans un entretien datant de 2013. Donc, dès que deux pays rompent leurs relations diplomatiques, ils ont besoin d’un tiers pour maintenir un canal avec leur ennemi. Un type de mandat que la Suisse neutre a pu remplir.»
Concrètement, cela signifie qu’un émissaire suisse fait office de messager et ouvre ainsi un canal de communication entre deux États. Trois conditions doivent être remplies, relève Philippe Welti: «Être en mesure de transmettre les messages 24h/24; la procédure doit être totalement confidentielle; la transmission du message, y compris au niveau oral, doit être totalement impartiale et fidèle au message.»
Par définition, le mandat de puissance protectrice consiste à exécuter les ordres du pays représenté et rien de plus.
La première fois que la Confédération a assuré ce rôle d’intermédiaire remonte à la guerre franco-prussienne de 1870-1871. Elle représentait en France les intérêts du Royaume de Bavière et du Grand-Duché de Bade.
La Suisse a été particulièrement active durant la Seconde Guerre mondiale, apparaissant comme le messager idéal en raison de sa neutralité. Durant cette période, elle a représenté les intérêts de 35 États, dont certaines des grandes puissances en guerre, à travers plus de 200 mandats ponctuels. Actuellement, elle exerce des mandats de ce type pour l’Iran, les États-Unis, la Russie, la Géorgie et l’Arabie saoudite.
La Confédération représente les intérêts américains en Iran depuis 1980. Lors de la proclamation de la République islamique d’Iran, l’ambassade des États-Unis à Téhéran avait été prise d’assaut et des diplomates américains retenus en otage. Les USA avaient alors décidé de rompre leurs relations diplomatiques avec l’Iran, tout en confiant à la Suisse un mandat de puissance protectrice. «La section des intérêts étrangers de l’ambassade de Suisse à Téhéran traite l’ensemble des affaires consulaires des États-Unis en Iran: cela comprend les demandes de passeport, les changements d’état civil ou encore la protection consulaire de ressortissants américains», précise le DFAE sur son site internetLien externe.
Dans le conflit actuel, la Suisse transmet des messages confidentiels entre les deux pays. Un canal de communication discret qui peut permettre de trouver des compromis ou d’apaiser certaines tensions. Mais rien n’est garanti.
Adapté de l’anglais par Marie Vuilleumier
En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !
Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.