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Affaibli par la vague verte, le chef de file des socialistes suisses s’en va

Éléphant de la politique suisse, Christian Levrat a décidé de quitter la présidence du Parti socialiste, au moment où son parti réalise le plus mauvais score de son histoire. © Keystone / Jean-christophe Bott

Trois semaines après les élections fédérales, le président du Parti socialiste a annoncé sa démission. Malgré la féroce concurrence des Verts, les socialistes suisses résistent encore face au déclin de leurs camarades européens.

Après la défaite électorale du Parti socialiste (PS / gauche), son président Christian Levrat démissionne. En poste depuis 2008, il a annoncé mardi qu’il passerait la main en avril prochain.

Dans quel contexte intervient la démission du président du Parti socialiste?

Lors des élections fédérales du 20 octobre, le PS n’a obtenu que 16,8% des suffrages, son plus mauvais résultat depuis 1919. La deuxième force politique du pays a ainsi perdu quatre sièges à la Chambre basse du Parlement (Conseil national). Depuis, plusieurs élus socialistes avaient publiquement demandé le départ de Christian Levrat. Certains estimaient notamment que le PS devait devenir plus jeune et féminin.

Même si tous les grands partis sont à leur plus bas niveau, seul le président du PS a décidé de s’en aller. Les socialistes avaient déjà perdu des voix lors des élections de 2015, mais Christian Levrat avait gardé son poste, contrairement aux présidents des trois autres grands partis gouvernementaux. Les chefs de file de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice), du Parti libéral-radical (PLR / droite) et du Parti démocrate-chrétien (PDC / centre droit) avaient passé la main, malgré une progression de la droite.

Pourquoi Christian Levrat part-il? 

«J’ai été président pendant douze ans, avec beaucoup de plaisir et d’énergie. Mais ça use, aussi bien sur le plan politique que personnel. Il faut savoir passer la main», explique Christian Levrat dans le quotidien La Liberté. Il affirme que son départ n’est pas lié au mauvais score électoral du PS, puisqu’il avait été «décidé depuis longtemps». Le président du PS reconnaît néanmoins avoir «une part de responsabilité dans ce résultat», tout en relevant que tous les grands partis sont à leur niveau le plus bas. «Ça me paraît aussi être le bon moment pour mener une discussion sur le positionnement et l’avenir du parti», ajoute-t-il.

Quel rôle a joué Christian Levrat à la tête du parti?

Du point de vue électoral, son bilan n’est pas très réjouissant. Aussi bien en 2015 qu’en 2019, le PS a perdu des suffrages sous la présidence de Christian Levrat. Le Fribourgeois a toutefois été un habile stratège, qui a réussi à obtenir des compromis avec le centre et parfois même le centre droit pour remporter d’importantes votations. On peut notamment citer la stratégie énergétique 2050Lien externe, acceptée par le peuple suisse en 2017, qui prévoit la mise en œuvre de la sortie de la Suisse de l’énergie nucléaire. La réforme de la fiscalité des entreprises, liée au financement de l’assurance-vieillesse (AVS), fait aussi partie des succès obtenus par le président sortant.

Christian Levrat a également joué un rôle actif dans l’éviction du tribun UDC Christoph Blocher du Conseil fédéral (gouvernement) en décembre 2007.

Comment se portent les socialistes suisses en comparaison européenne?

Alors que les socialistes sont à la peine en Europe, le PS suisse affiche une meilleure santé. Il reste la seconde force politique du pays et est représenté au gouvernement. Il est aussi considéré comme l’un des plus à gauche et les plus écologistes d’Europe. Le système politique suisse permet aux partis d’être davantage idéologique. «Ils peuvent être extrêmes, car ils ne pourront jamais réaliser tout ce qu’ils disent mais devront faire des compromis avec beaucoup d’autres acteurs», expliquait récemment le politologue Sean Müller à swissinfo.ch.

Pourquoi le PS perd-il des voix?

Comme dans les autres pays européens, les socialistes helvétiques subissent de plein fouet la concurrence des Verts. Depuis une trentaine d’années, les deux partis disposent quasiment du même bassin d’électeurs. Ainsi, lorsque les écologistes gagnent, le PS perd, et vis versa. La répartition de l’électorat entre les deux partis dépend aussi de la conjoncture. Lorsque l’économie se porte bien, les Verts progressent et les socialistes reculent. Lorsque la conjoncture souffre et que le chômage augmente, les socialistes regagnent du terrain, alors que les Verts stagnent ou s’affaiblissent.

«En Suisse, le PS fait déjà partie du gouvernement depuis plus de 50 ans. Il se sent donc moins motivé pour faire des concessions dans sa politique»
Michael Hermann

La gauche suisse n’a cependant jamais réussi à conquérir plus de 30% des voix, à la différence de pratiquement tous les autres partis sociaux-démocrates en Europe. Le PS n’a jamais réussi à séduire l’électorat du centre, notamment en raison de son positionnement plus à gauche que dans les autres pays. «En Suisse, le PS fait déjà partie du gouvernement depuis plus de 50 ans. Il se sent donc moins motivé pour faire des concessions dans sa politique», selon le politologue Michael Hermann.

À quoi ressemblera l’après-Christian Levrat?

Le successeur de Christian Levrat sera élu par le Congrès du PS suisse agendé les 4 et 5 avril 2020. La Jeunesse socialiste revendique une direction du parti plus jeune, activiste et militante. «Il est désormais temps de rajeunir la direction du parti et de renforcer la visibilité des femmes», a-t-elle écrit mardi dans un communiqué. 

«La pression va être forte pour élire une femme à la tête du parti», affirme aussi le politologue bernois Michael Hermann, interviewé par Keystone-ATS. Il estime que le parti a besoin d’une voix forte et dominante. Le politologue socialiste Nenad Stojanovic souligne, lui, que le PS va devoir «absolument garder un ancrage solide à gauche tout en conservant une aile plus à gauche, syndicale, et une aile centriste, plus libérale».

>> Écouter l’interview de Christian Levrat dans la matinale de la Radio Télévision Suisse 

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