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Dick Marty: «La Suisse doit être la voix dans le monde qui rappelle les valeurs de la dignité humaine»

Homme assis qui écoute quelque chose
Dick Marty en 2011 lors de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe qui a discuté de son rapport sur la violence et le trafic d’organes au Kosovo. Keystone / Christophe Karaba

Le dernier livre de Dick Marty, Verità irrivernti. Riflessioni di un magistrato sotto scorta (Vérités irrévérencieuses. Réflexions d’un magistrat sous escorte) vient de sortir de presse. Dans cet ouvrage, l’ancien magistrat se confie sur des vicissitudes personnelles, mais partage aussi ses réflexions sur les crises politiques et économiques qui ont traversé la Suisse, sur la neutralité helvétique et sur la guerre dans le monde.

Dick Marty (78 ans) est venu parler dans les locaux de la radiotélévision suisse de langue italienne (RSI) à l’occasion de la sortie de son dernier livre. Des pages denses dans lesquelles l’ancien conseiller aux États retrace les années de sa carrière politique, les mois sous escorte parce qu’il était la cible de diverses hostilités en raison d’enquêtes menées pour le compte de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe entre 2009 et 2010 et portant sur un prétendu trafic d’organes au Kosovo.

Des pages pleines de «confessions» personnelles, la voix d’un homme qui se sent traqué par des forces plus grandes que lui, jusqu’à la découverte qu’il a un ennemi intérieur contre lequel la bataille ne peut probablement pas être gagnée.

RSI: Quelle est la genèse de ce livre?

Dick Marty: Le livre est né d’une réaction à un événement émotionnel très fort. C’était donc ma façon de gérer cette émotion. En même temps, c’était une réflexion sur le fonctionnement des institutions, sur la dégradation des démocraties dans l’ensemble du monde occidental et aussi sur notre absence de réaction face à quelque chose de colossal qui est en train de se passer. Il y a tout l’équilibre international qui est en train de basculer avec un affaiblissement absolument évident de l’Occident, mais je crains que nos politiques soient à nouveau lentes.

Que voulez-vous dire par «lentes»?

Si je pense aux fonds juifs, à Swissair, au secret bancaire, à UBS, à la banque Credit Suisse, nous voyons comment notre politique a toujours réagi avec retard. Ou plutôt, elle a réagi, mais n’a pas anticipé alors que dans tous ces cas, les signes étaient là pour pouvoir anticiper.

Comment la Suisse devrait-elle évoluer par rapport à un monde en mutation?

Si la Suisse veut jouer un rôle particulier dans le concert international, elle doit se concentrer sur la politique humanitaire, la politique des valeurs, des droits de l’homme, une revalorisation urgente de la Croix-Rouge internationale. Elle devrait être cette voix dans le monde qui rappelle les valeurs de la dignité humaine.

La neutralité est-elle toujours de mise en Suisse?

La crise en Ukraine a donné lieu à un grand débat sur la neutralité, la question étant de savoir si nous devions ou non donner des armes. Des pressions ont été exercées de toutes parts. Au lieu de cela, il fallait jouer le rôle de médiateur, trouver un compromis, protéger la population civile, et il en va de même pour ce qui se passe au Moyen-Orient.

Ce livre est également né d’un moment difficile de votre vie. Vous parlez d’un nouveau défi que vous pensez ne pas pouvoir relever. Ce livre est-il un peu le bilan de votre vie?

Bilan non, parce qu’il y a beaucoup d’autres choses dans ma vie, dans ma famille, dans lesquelles je vois la plus grande réussite. Cependant, c’est une réflexion que j’ai d’abord voulu faire pour moi-même. En faisant de la politique, on court d’un rendez-vous à l’autre et j’ai l’impression qu’on a de moins en moins l’occasion de réfléchir. J’ai ressenti cette urgence maintenant parce que je dois faire face à un défi qui est un ennemi intérieur contre lequel les chances de gagner sont pratiquement nulles.

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