Didier Burkhalter a un coeur pour la Corée
Didier Burkhalter s'est déplacé en Corée du Sud pour son premier grand voyage outre-mer en tant que ministre des Affaires étrangères. Il s'y rendait pour le Sommet sur la sécurité nucléaire, mais aussi parce qu'il entend soigner les "partenariats stratégiques".
Ils portent le costume traditionnel des cantons primitifs, maîtrisent le yodel comme s’ils étaient nés dedans, sont passés virtuoses du schwyzerörgeli … mais ces petits armaillis ont tous les yeux bridés. C’est un ensemble de très jeunes Coréens qui pratiquent un folklore suisse digne des vallées alpines. Ce groupe d’enfants animait la soirée inaugurale des « Semaines suisses de Séoul », en présence de Didier Burkhalter.
C’est une année particulière pour la Suisse et la Corée du Sud. Les deux pays célèbrent 50 ans de relations diplomatiques, et la Suisse présentera un pavillon à l’Exposition internationale de Yeosu, à partir de début mai. C’est précisément pour renforcer l’image de la Suisse en Corée que Berne organise en marge de ces deux événements toute une série d’activités culturelles et artistiques, sous la houlette de Présence suisse.
L’image de la Suisse est excellente en Corée du Sud, l’engouement des petits yodleurs en est la preuve. « Les relations avec la Corée sont bonnes, mais pourraient être intensifiées », estime pour sa part Didier Burkhalter, qui découvre le pays. « La Suisse se réjouit de travailler encore plus étroitement avec la Corée et de renforcer nos partenariats », déclare-t-il dans son discours. Cette intention a été exprimée lors de sa rencontre avec le ministre sud-coréen des Affaires étrangères et du Commerce.
Un modèle d’absurdité
C’est le hasard qui a voulu que le premier grand déplacement du nouveau chef de la diplomatie helvétique le mène à Séoul. Il venait y représenter la Suisse au Sommet sur la sécurité nucléaire. Mais il se réjouit de l’opportunité. « Nous souhaitions un pays comme cela, … vraiment dynamique, qui correspond à l’une de nos priorités stratégiques, celle des partenariats avec les acteurs globaux. » Et le conseiller fédéral d’insister sur la nécessité de s’investir pour nourrir et soigner les contacts. Or « au niveau des ministres des Affaires étrangères, je crois qu’il n’y a eu aucun contact depuis 8 ans. »
« Je pense que le cocktail qu’on a ici, avec le design, la jeunesse, l’art, la culture, ces événements qui rapprochent les populations, c’est une très bonne chose », dit-il à propos de ces « Semaines suisses ». Quant au folklore, aux clichés, les montagnes, les traditions, « évidemment il faut en profiter », déclare Nicolas Bideau, le directeur de Présence suisse. « Mais dans cette tradition on essaie de mettre un accent sur autre chose. On va jouer sur deux facettes, c’est comme ça qu’on communique en Asie en général. »
En matière de communication, la zone démilitarisée qui sépare les deux Corées est un modèle d’absurdité. Des soldats du sud et du nord s’y regardent en chiens de faïence, de part et d’autre de la ligne de démarcation qui coupe le pays en deux depuis près de 60 ans. Didier Burkhalter a profité de son voyage pour aller sillonner la zone, et pour y rencontrer les soldats suisses qui y surveillent le respect des termes de l’armistice de 1953.
L’utilité de la neutralité
Depuis le point d’observation Dora, le conseiller fédéral a pu scruter l’horizon nord-coréen: la zone industrielle spéciale de Kaesong, le pont du non-retour, le gigantesque drapeau nord-coréen (deuxième plus grand au monde) qui nargue le sud, un no man’s land qui s’étend sur plus de 240 km et illustre les positions inconciliables d’un peuple pourtant convaincu d’être fait du même bois, de la même veine.
Il y a « dans l’air une charge assez forte et une situation très spéciale », constate le ministre, qui pense aussi que « la neutralité de la Suisse démontre ici son utilité ». La veille, il avait fait le point avec son homologue sud-coréen sur la menace de Pyongyang, qui annonce le prochain lancement d’une fusée porteuse d’un satellite à usage prétendument civil, mais dont personne n’est dupe. « La Corée du sud est un peu nerveuse, c’est une situation qui est délicate », reconnaît Didier Burkhalter, qui répète que l’instabilité régionale justifie l’aide de la Suisse. « Pour le moment, c’est toujours nécessaire. »
L’engagement suisse, pourtant, se limite à bien peu: 5 officiers à croix blanche, rien de plus. « La mission est principalement symbolique », concède le divisionnaire Urs Gerber, commandant du contingent suisse de la CSNN (Commission de supervision des nations neutres en Corée). « Mais aussi longtemps qu’on nous le demande, on reste! » Cela semble particulièrement nécessaire en cette période de nouvelles crispations. Pour Didier Burkhalter, c’est clair: la Suisse « est responsable – comme d’autres – de faire en sorte que notre monde s’améliore. »
Un morceau du massif du Mont Rose a été acheminé vers Yeosu, pour prendre place dans le pavillon suisse à l’exposition internationale qui ouvre le 12 mai. Sous le titre «La source est dans votre main», le pavillon suisse propose aux visiteurs un voyage au coeur des montagnes helvétiques. Il présentera le château d’eau de l’Europe que constitue la Suisse. Le clou du pavillon sera une carotte glacière vieille de plus de 4000 ans.
Berne a réagi face aux menaces nord-coréennes de lancement d’une fusée porteuse d’un satellite prétendument civil. L’ambassadeur de Corée du Nord en Suisse a été cité, l’ambassadeur de Suisse en Chine et en Corée du Nord ne participera pas aux festivités du 15 avril (pour le 100ème anniversaire de la naissance de Kim Il-sung), en marge desquelles le lancement est prévu.
Didier Burkhalter regrette et condamne une annonce qu’il considère comme une « véritable provocation », par ailleurs « contraire aux résolutions de l’ONU ».
1962: Berne et Séoul établissent des relations.
2006: Signature d’un accord de libre-échange entre l’Association européenne de libre-échange et la République de Corée.
2010: les exportations suisses ont atteint 2271,61 millions de francs. Les importations atteignent 439,54 millions.
La colonie suisse compte 223 personnes.
1974, Berne et Pyongyang nouent des relations diplomatiques.
1995: début de l’engagement de la Coopération suisse au développement dans le cadre de la famine. Un bureau de coordination a été ouvert en 1997 à Pyongyang où il emploie 3 Suisses et 5 Nord-Coréens. 2003, la Suisse et la Corée du Nord entament un dialogue politique, qui se tient une fois par an, alternativement à Berne et à Pyongyang.
La colonie suisse compte 8 personnes.
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