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Différend fiscal: refus d’enterrer la hache de guerre

Keystone

La Suisse et la Commission européenne, pour une fois sur la même longueur d'onde, ont fait chou blanc cette semaine au Conseil de l'Union européenne (UE), où les experts du «groupe AELE» des Vingt-Sept ont débattu du problème de la fiscalité cantonale helvétique.

Mercredi soir, la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne ont en effet refusé d’enterrer la hache de guerre, même si Berne a accepté de lâcher du lest. Mais tout n’est pas perdu: le dossier sera de nouveau examiné le 1er septembre…

La Commission a soumis à l’appréciation des Vingt-Sept des «éléments de déclaration» sur la nouvelle réforme de l’imposition des entreprises que Berne envisage d’entreprendre, de façon autonome, dans l’espoir d’aplanir la polémique sur certains régimes fiscaux cantonaux dont le maintien menace, selon l’Union, le «bon fonctionnement» de l’accord de libre-échange que la Suisse et l’UE ont conclu en 1972 (lire swissinfo du 2 juillet).

Dans le collimateur de Bruxelles: les avantages spécifiquement réservés aux sociétés d’administration, aux holdings et aux sociétés mixtes, qui favorisent les délocalisations d’entreprises vers la Suisse.

Dans ce texte, la Commission «se félicite du dialogue constructif» que la Suisse a accepté de nouer avec elle en 2007 afin de démêler l’écheveau. L’exécutif communautaire estime qu’il a été couronné de succès: plusieurs concessions que la Suisse s’est déclarée prête à faire – l’abolition du régime des sociétés d’administration (boîtes aux lettres) et l’interdiction pour les holdings d’exercer une quelconque activité commerciale – «répondent aux préoccupations» que Bruxelles avait exprimées, poursuit la déclaration.

Engagement salué

La Commission «salue» par ailleurs l’engagement de la Suisse à soumettre désormais à l’impôt cantonal, fût-ce partiellement, les revenus des holdings qui ne sont pas liés à la perception de dividendes (frais de management, etc.) ainsi que les recettes que les sociétés mixtes tireront de leurs activités et transactions à l’étranger – elles ne pourront plus exercer d’activité commerciale en Suisse et devront changer d’appellation.

«Vu ces progrès», la Commission européenne se dit prête à mettre le sujet au frigo, provisoirement en tout cas. Elle «ne reviendra pas sur le sujet» pendant toute la durée du processus législatif suisse, qui devrait débuter à l’automne et durer plusieurs années. Toutefois, elle «se tiendra régulièrement informé» de l’évolution de la situation et «se réservera le droit» de revenir à la charge du gouvernement helvétique au cas où il ne respecterait pas ses promesses.

Conscient que la Suisse est allée au bout de ses possibilités, Bruxelles propose même de clore définitivement le dossier dès que la Suisse aura «intégralement mis en œuvre» la réforme envisagée de l’imposition des sociétés.

Parallèlement, la Commission est prête à faire un geste supplémentaire, attendu avec impatience en Suisse: les efforts consentis par Berne sont suffisants pour «poursuivre les négociations dans tous les secteurs d’intérêt mutuel», souligne la déclaration. L’Union lambine, actuellement, qui a érigé en dogme le principe du «parallélisme approprié» entre différents dossiers.

Voisins réticents

Le Luxembourg, surtout, mais également la Grande-Bretagne, le Danemark et la Hongrie ont reconnu mercredi l’opportunité d’adopter cette déclaration très favorable à la Suisse, mais la France, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie l’ont jugée sinon déplacée, du moins prématurée.

En vertu de la législation européenne, la plupart des pays de l’Union ont dû abolir certains régimes fiscaux jugés dommageables pour la concurrence. Paris, Berlin, Rome et Madrid estiment que la Suisse, qui profite largement des avantages du marché intérieur de l’UE, devrait être logée à la même enseigne.

Peut-être se montreront-ils plus coulants à l’automne, toutefois. De source diplomatique, on souligne en effet que la France veut avant tout obtenir la garantie que la Suisse respectera ses engagements avant de faire la paix avec elle.

Tanguy Verhoosel à Bruxelles, swissinfo.ch

Privilèges. Le conflit entre Berne et Bruxelles tourne autour des régimes fiscaux de certains cantons suisses. L’UE dénonce les privilèges qu’ils accordent.

Déloyauté. L’UE juge déloyale et contraire à l’Accord de libre-échange de 1972 l’imposition des sociétés étrangères à Zoug, Schwyz et Obwald, entre autres.

Position suisse. Berne estime que les procédures de taxation des entreprises d’administrations, de sociétés mixtes et des holdings sortent du champ d’application de l’Accord de libre-échange de 1972. Cet accord concerne uniquement le commerce de certains biens (produits agricoles transformés et industriels).

OCDE. De son côté, l’Organisation de coopération et de développement économique ne voit rien à redire aux régimes fiscaux des cantons suisses.

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