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Echange automatique: l’UE somme Berne de négocier

Au siège de la Commission européenne, on se bat pour l'échange automatique d'informations. Keystone

Les ministres des finances de l’Union européenne ont confié à la Commission européenne un mandat de négociation avec la Suisse. Le but: étendre l’actuel accord sur la fiscalité de l’épargne et discuter de l’échange automatique d’informations. La presse suisse s’attend à des négociations difficiles.

Pour les journaux de mercredi, la décision des ministres des finances ne constitue pas véritablement une surprise. En effet, confrontée à la crise économique, les Etats de l’UE ont urgemment besoin d’argent pour financer leurs plans de relance. Or la taxation des fonds placés à l’étranger par des contribuables indélicats représente une manne.

Dans de telles circonstances, la pression sur la Suisse est forte. «Même les deux derniers alliés de Berne à l’intérieur de l’Union européenne – l’Autriche et le Luxembourg – ont cédé sur le secret bancaire. Ou mieux, ils ne l’ont pas encore fait formellement mais le feront si la Suisse fait de même. L’objectif véritable des ministres de l’Economie et des Finances européens reste donc les banques suisses», note le quotidien tessinois La Regione.

Ne pas être «l’idiot du village»

Les analystes de la presse remarquent qu’en raison de la position du Luxembourg et de l’Autriche, la Suisse se trouve directement impliquée dans le jeu interne européen. Cela pourrait donc permettre à Berne d’obtenir des compensations pour son abandon du secret bancaire dans le cadre des négociations. Par exemple obtenir un accès illimité au marché bancaire européen ou des avances dans de dossier de l’énergie.

Le Tages-Anzeiger invite toutefois à la prudence. «S’imaginer qu’un nouveau grand marchandage soit possible pourrait s’avérer être une stratégie risquée. Tout lier à tout pourrait conduire à un blocage total des relations bilatérales, ce dont la Suisse souffrirait en fin de compte davantage que l’UE», écrit le quotidien zurichois.

Les commentateurs soulignent toutefois que l’UE ne représente pas l’acteur principal dans le dossier du secret bancaire. «L’Union européenne n’est pas la bonne arène pour négocier l’échange automatique d’informations entre autorités fiscales. C’est d’abord au sein de l’OCDE, seule organisation à même d’établir des standards applicables à toutes les grandes places financières mondiales, qu’il faut mener cette discussion», estime le quotidien fribourgeois La Liberté.

C’est le même son de cloche dans les colonnes du Tages-Anzeiger. «La Suisse devra probablement totalement renoncer au secret bancaire sous la pression du G-20, et non de l’UE. La Suisse se retrouvera alors les mains vides face à Bruxelles. C’est pourquoi, plutôt que de compter sur un marchandage, il serait préférable de lutter avec Bruxelles pour un changement de système en vue d’un échange automatique qui soit le plus global possible à l’intérieur de l’OCDE. Ce serait une stratégie proactive», juge le quotidien zurichois.

LaLiberté en appelle pour sa part le gouvernement suisse à faire preuve d’habileté dans les négociations à venir. «On aimerait voir la Suisse défendre ses intérêts de manière plus rusée. Jusqu’ici, Berne a plutôt donné l’impression d’être le seul acteur sincère d’une gigantesque partie de poker menteur. Cette partie se joue aussi à l’OCDE, où les pays anglo-saxons mènent la guerre au secret bancaire sans remettre en question leurs propres véhicules d’évasion fiscale, trusts en tête. Le Conseil fédéral devra obtenir de sérieuses garanties sur ce plan, s’il veut éviter de faire des Suisses les idiots du village global», note le quotidien fribourgeois.

En 2005, l’UE a introduit une directive qui permet à chaque pays d’obtenir automatiquement les données concernant les avoirs et les revenus du capital de ses propres citoyens résidant dans les autres Etats-membres.

Cet échange automatique d’informations a jusqu’à présent été rejeté uniquement par l’Autriche et le Luxembourg, qui encaissent cependant un impôt à la source de 35% sur les revenus du capital des citoyens des Etats-membres.

Ces prélèvements sont ensuite reversés aux autres Etats, sans

indication des noms des clients de ces banques. La Suisse a également adopté ce modèle dans ses relations avec l’UE.

Compte tenu des lacunes du système actuel, l’UE a décidé d’étendre dès 2015 l’échange automatique d’informations à cinq catégories de revenus et de capitaux: les revenus du travail, les jetons de présence, les produits d’assurance-vie, les pensions, les propriétés et les rentes immobilières.

L’UE exige également de l’Autriche, du Luxembourg et de la Suisse l’abandon du secret bancaire et l’adoption de l’échange automatique d’informations. Selon Bruxelles, l’évasion fiscale fait perdre chaque année 1000 milliards d’euros aux membres de l’UE.

Standard international

Berne a pris note du mandat de négociations. Dès qu’une demande concrète sera adressée à la Suisse pour élargir l’accord sur la fiscalité de l’épargne, le Conseil fédéral y répondra après l’avoir analysé, a indiqué mardi le Secrétariat d’Etat aux questions financières internationales (SFI).

De son côté, l’association suisse des banquiers (ASB) a estimé qu’un accord serait souhaitable, car les établissements helvétiques souhaitent améliorer leur accès au marché européen à moyen terme. La Suisse ne pourra toutefois accepter que des mesures équivalentes aux réglementations internes européennes, a précisé l’ASB.

Par le passé, la Suisse s’était déjà dit disposée à discuter d’un élargissement du champ d’application de l’actuel accord fiscal avec l’UE. Le Conseil fédéral exige par contre que l’échange automatique d’informations devienne un standard international.

Autriche et Luxembourg font encore de la résistance

Les ministres des finances étaient appelés à se prononcer sur la révision d’une directive européenne, dite sur la fiscalité de l’épargne, en souffrance depuis 2008. Elle prévoit l’échange automatique d’informations sur les intérêts versés à des personnes physiques non résidentes. La Commission souhaite la renforcer et en étendre le champ d’application, notamment à l’assurance-vie.

L’Autriche et le Luxembourg bloquent le texte depuis plusieurs années dans le souci de préserver leur secret bancaire. Les deux pays n’ont pas complètement levé leurs restrictions, contrairement à ce qu’espéraient leurs partenaires. Or, l’unanimité est requise au sein des 27 sur les sujets fiscaux.

Le commissaire européen chargé de la Fiscalité, Algirdas Semeta, s’est dit «déçu» de l’absence de consensus pour adopter la directive sur la fiscalité de l’épargne. Les discussions sur le sujet sont désormais renvoyées au sommet européen du 22 mai.

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