La vague verte déferle sur Zurich
Les résultats des élections zurichoises confirment l’essor des partis écologistes. Les Verts triomphent alors que la droite conservatrice subit une lourde défaite. Le canton le plus peuplé de Suisse fait office de baromètre pour les élections fédérales, qui se tiendront le 20 octobre 2019.
Stupéfaction dimanche au moment de découvrir les résultats des élections du canton de Zurich. Les Verts sont les grands gagnants du jour. Ils font leur retour à l’exécutif en ravissant un siège au Parti libéral-radical (PLR / droite). Au Parlement, la droite perd sa majorité au profit des Verts et des Vert’libéraux (PVL /centre).
«Peut-être que les chiffres ne sont pas encore exacts», a d’abord pensé le candidat Vert Martin Neukom, qui a été élu au Conseil d’Etat zurichois, ravissant un siège au PLR.
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Le PLR Thomas Vogel a donc échoué dans sa tentative de défendre le second siège de son parti, laissé vacant par Thomas Heiniger qui ne se représentait pas. Proche des milieux économiques, le PLR n’aura ainsi pour la première fois par qu’un seul représentant à l’exécutif d’un canton qui est pourtant considéré comme l’un de ses fiefs historiques. «Un jour catastrophique», a commenté le candidat malheureux.
La droite conservatrice en perte de vitesse
Concernant l’élection au Grand Conseil (Parlement) zurichois, les Verts et le PVL remportent chacun neuf sièges supplémentaires et passent ainsi à 22, respectivement 23 députés sur 180.
Plus grand parti du canton, l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice) est aussi le plus grand perdant de cette élection. Il cède neuf mandats et régresse à 45 députés. Jamais l’UDC n’avait encaissé une défaite aussi lourde en terres zurichoises. En part d’électorat (24,5%), il faut remonter à 1995 pour trouver un résultat inférieur.
Les autres partis dits bourgeois (droite) aussi sont en perte de vitesse, mais dans des proportions plus faibles. Le PLR perd deux sièges et descend à 29 mandats. Le Parti démocrate-chrétien (PDC / centre-droit) recule d’un siège et passe à huit élus. Le Parti bourgeois-démocratique (centre-droit) disparaît carrément du Parlement en perdant ses cinq mandats. L’Union démocratique fédérale (UDF / parti chrétien utlra-conservateur) perd un député et se retrouve à quatre représentants.
Effet Greta Thunberg
Les observateurs s’accordent à dire que les écologistes ont indubitablement profité de l’omniprésence des thématiques climatiques dans le débat public au cours des dernières semaines. En 2011, on avait pu observer «l’effet Fuskushima», aujourd’hui c’est «l’effet grève pour le climat ou Greta Thunberg», du nom de la jeune suédoise qui a inspiré une génération entière d’étudiants à manifester pour sauver la planète, qui semble à l’œuvre.
«La course aux Chambres fédérales se teintera de vert dans les semaines et les mois à venir, pour répondre aux préoccupations des citoyens»
C’est d’ailleurs ce que proclame le quotidien alémanique Blick. Il souligne que les élections zurichoises sont un bon baromètre pour les élections fédérales, «pour autant qu’un grand événement n’intervienne pas cet été, comme il y a quatre ans avec la crise des réfugiés».
Pour la Tribune de Genève et 24 heuresLien externe, «ce succès ne tombe pas du ciel». Il s’agit d’une «récompense» pour «les deux partis qui ont mis, avec constance, la défense de la planète au centre de leur message politique». «La course aux Chambres fédérales se teintera de vert dans les semaines et les mois à venir, pour répondre aux préoccupations des citoyens», parient les deux journaux.
Pour le commentateur de la Radio Télévision Suisse (RTS), «c’est une journée historique», car «personne ne s’attendait à une telle vague verte dans un canton aussi bourgeois».
>> Ecouter l’analyse de Jean-Marc Heuberger dans le 19h30
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Interviewé par le quotidien genevois Le TempsLien externe, le politologue zurichois Michael Hermann qualifie ce glissement à gauche de «véritable tempête». Il souligne que les thèmes de droite, comme la peur de l’immigration, du terrorisme ou de la crise économique, ont été relégués au second plan. «Or, lorsque le sentiment de peur et d’insécurité faiblit, les thèmes propres aux sociétés prospères, comme le climat, peuvent revenir sur le devant de la scène.»
Le climat, «un trend» médiatique
La droite conservatrice, qui a enchaîné les pertes électorales ces dernières années dans différents cantons, devra «travailler très dur jusqu’aux élections fédérales du mois d’octobre», a reconnu le député UDC Manfred Bühler sur les ondes de la Radio Télévision Suisse (RTS). Il estime que la thématique climatique et les manifestations des jeunes sont devenues «un trend», bénéficiant de «la complicité bienveillante des médias qui leur donnent un espace énorme». «Nous devrons montrer à quoi mène la politique prônée par les Verts et les Vert’libéraux sur la vie et le porte-monnaie des gens», a encore ajouté le député.
>> Ecouter la réaction de l’UDC Manfred Bühler
«Débâcle climatique pour les partis bourgeois», titre le commentateur du journal zurichois Neue Zürcher Zeitung (NZZ)Lien externe. Le quotidien relève que la question des étrangers, thème de prédilection de l’UDC, n’est plus porteur. Il note que le parti n’a pas non plus été en mesure de mobiliser avec ses critiques virulentes sur les relations avec l’Union Européenne. Autre problème de la droite conservatrice: «Elle se bat en vain, depuis un certain temps, pour remplacer son ‘père dominant’ Christoph Blocher par de nouvelles personnalités qui soient tout aussi populaires.»
La LibertéLien externe estime de son côté que «le discours des autosatisfaits, ceux qui proclament que ‘le pays va bien et qu’il n’y a aucune urgence’, est définitivement dépassé». Une chose est sûre aux yeux du quotidien fribourgeois: «Ceux qui se moquaient ou se moquent encore de l’énergie et des revendications des jeunes suivant l’exemple de Greta Thunberg devraient y réfléchir à deux fois: les manifestants sont sérieux. Même s’ils n’ont pas encore l’âge de voter, ils veulent du changement. Tout de suite. Et ils ne se tairont pas de sitôt.»
La progression des Verts se reflète également dans les changements de sièges lors des élections cantonales depuis 2015.
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