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Politique suisse, le règne des hommes

Politiciennes en discussion
Les élections 2019 pourraient marquer un tournant au niveau fédéral: pour la première fois, 40% des candidats sont des candidates. Keystone / Alessandro Della Valle

En Suisse, il y a plus de femmes que d’hommes qui ont le droit de vote. Pourtant, elles se trouvent en minorité depuis les parlements cantonaux jusqu’aux Chambres fédérales, où les hommes sont deux fois plus nombreux.

Jessica Wiser, membre du PDC jurassien, l’admet : quand elle a intégré le monde politique, elle y a retrouvé très peu de femmes. Même si elle a été très bien accueillie par son parti, cette étudiante en droit a perçu une certaine «réticence à voir les femmes s’engager en politique», en particulier, chez les plus âgés. À ses yeux, le déséquilibre demeure notamment parce que «les jeunes qui ont plus de facilité à envisager les femmes en politique, se mobilisent moins».

Même si la part des candidatures féminines connaît une forte hausse pour les élections fédérales 2019, le Parlement élu le 20 octobre prochain ne bouleversera probablement pas la donne. Il restera, vraisemblablement, dominé par les hommes.

Assemblées masculines

Du militantisme jusqu’à une éventuelle carrière politique, les femmes se retrouvent systématiquement confrontées à une majorité d’hommes.

Elles sont 93’000 parmi les membres des grands partis, contre 138’000 hommes.

La sous-représentation féminine n’est pas uniforme. Il y a deux fois plus de membres masculins que féminins au PBD ou à l’UDC. Le PDC et le PS annonce environ 40% de femmes, le PLR ne communique aucun chiffre. Seuls les Verts s’approchent de la parité.

 

Les photos des assemblées de délégués que nous avons décryptées symbolisent parfaitement la dimension masculine de certains événements politiques. Au centre ou à droite, on compte une femme pour deux, voire trois hommes.


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Alice Glauser, conseillère nationale vaudoise UDC, porte un regard critique sur son propre camp: «en règle générale, les femmes de droite font confiance à leurs hommes et s’investissent un peu moins». Cette politicienne expérimentée n’en rejette pas pour autant la faute sur les seules femmes. «Les structures sont faites pour les hommes, cela fait si longtemps que la gent masculine est au pouvoir».

Cette emprise sur le pouvoir a des effets très concrets. «Les sujets abordés par les partis de droite ne sont pas toujours ceux qui intéressent le plus les femmes», explique-t-elle. Et sur les thématiques qui les concernent plus particulièrement, les positions sont «figées dans le marbre», comme sur la question de l’égalité salariale, «une réalité qui n’a pas été comprise [par son parti], même quand j’ai essayé de l’expliquer».

Une femme pour deux hommes depuis 28 ans

Pour porter ces sujets au sein des parlements, il faut passer par une étape obligatoire: la campagne électorale. Les femmes représentent 53% des votants mais elles sont encore et toujours minoritaires sur les listes. Au niveau des élections cantonales, un des premiers échelons de la vie politique, les hommes sont deux fois plus nombreux à se présenter. Ce taux n’a pratiquement pas augmenté lors des quatre dernières législatures, à l’échelle de la Suisse. Toutefois, plusieurs cantons qui organisaient des élections en 2019 ont connu une forte progression du nombre de candidates et d’élues. Ce fût le cas à Zurich, au Tessin et à Lucerne.

Martine Docourt fait partie de celles qui ont franchi le pas. La Neuchâteloise a été élue à la Ville puis au canton. Elle est aujourd’hui candidate socialiste au Conseil des États. En avançant dans la vie politique, elle a senti «un plafond de verre, comme dans le milieu professionnel». Les commentaires sexistes, les difficultés à concilier vie familiale, professionnelle et politique, ont émaillé son parcours. Ces obstacles ont nourri sa motivation mais elle ne s’étonne pas que, souvent, «ce soient les femmes qui arrêtent à l’arrivée d’un enfant».

Au niveau fédéral, l’année 2019 pourrait casser ce plafond invisible – une femme pour deux hommes. Toujours minoritaires, les femmes représentent plus de 40% des candidats. Il s’agit d’une progression très significative, après plus de 28 ans et sept législatures où ce taux a stagné entre 32 et 35%.

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Dans certains bastions partisans et dans certains cantons, le déséquilibre reste toutefois marqué. En Valais, à Saint-Gall ou à Schwyz, la barre des 40% est loin d’être franchie. Au niveau des partis, l’UDC propose toujours une candidate pour trois candidats. Les Vert’libéraux et le PLR sont les partis qui ont le plus fait progresser la part des femmes pour ce scrutin, passant respectivement à 41 et 37%.

Un succès inférieur

Historiquement, le succès des femmes auprès des électeurs a toujours été inférieur à celui des hommes. L’écart tend toutefois à se réduire, voire à disparaître.

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Là encore, la situation varie selon les partis. En 2015, les candidates UDC, vertes ou PS ont rencontré un succès quasi similaire à celui de leurs collègues masculins. Du côté du PLR en revanche, les femmes ont été largement moins plébiscitées que les hommes.

Cette différence s’accompagne d’un autre phénomène: moins nombreuses, les candidates étaient encore plus rares aux premières places des listes électorales. Ainsi, en 2015, au centre et à droite, plus de deux têtes de liste sur trois étaient des hommes, et près de trois sur quatre à l’UDC.

Chez les Verts et les socialistes, la majorité des têtes de liste étaient des femmes. Même si une bonne place sur une liste n’assure pas un siège, elle augmente considérablement la probabilité d’être élue.

Là aussi, la donne change pour les élections 2019. A l’exception du PBD, tous les partis ont placé plus de femmes en têtes de leur liste. La progression est, encore une fois, particulièrement forte au PLR, qui s’approche de la parité à ce niveau.

Selon la politologue Petra Huth, cette évolution est la réponse des partis à «une grande urgence, une pression sociétale». «C’est de l’ordre du politiquement correct désormais. […] Si vous ne le faites pas, vous devez défendre votre choix», ajoute-t-elle. Petra Huth souligne toutefois que le virage a été compliqué à droite, «où le pool de candidates n’est pas aussi important qu’à gauche, car ils n’ont pas poussé ce thème [l’égalité femme-homme] autant que la gauche».

Bon gré mal gré, même au centre et à droite, l’idée de candidatures plus paritaires a fait son chemin. L’électorat n’aura jamais eu autant de femmes parmi les choix possibles pour le Parlement fédéral – 1’859, contre 2’740 hommes. Si les scrutins cantonaux de l’année écoulée constituent un avant-goût du scrutin fédéral, celui-ci pourrait bien déboucher sur une progression historique des femmes.

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