La chute des écologistes et la percée de l’UDC se confirment au Parlement suisse

Christian Merz/Keystone

L'Union démocratique du centre est la grande gagnante des élections législatives de dimanche en Suisse. Avec 27,9% des voix*, le parti de la droite conservatrice conforte encore son statut de premier parti du pays. Les partis écologistes - Vert-e-s en tête - boivent en revanche la tasse. Les socialistes et les partis de centre-droit sont pour leur part relativement stables.

Les derniers développements:

• L’UDC fait figure de grande gagnante avec 27,9% des voix (+ 2,3 points de pourcentage depuis 2019) et un glissement à droite s’annonce au Parlement.
• Les Vert-e-s reculent à 9,8% des voix (-3,4 points de pourcentage depuis 2019).
• Dans un camp de gauche globalement en recul, le PS limite la casse et conserve son statut de 2e parti du pays.
• Autres faits marquants: Le Centre dépasse pour la première fois le PLR et l’extrême gauche disparaît du Parlement.
• 31 des 46 sièges du Conseil des Etats sont d’ores et déjà attribués. Les seconds tours auront lieu en novembre.
• Le taux de participation a atteint 46,9%, en légère hausse par rapport aux dernières élections fédérales.

Les partis et leur positionnement

UDC: Union démocratique du centre – droite conservatrice

PS : Parti socialiste – gauche

PLR: Parti libéral radical – droite

Le Centre : centre

PSE : Parti écologiste suisse (Vert-e-s) – gauche

PVL : Parti vert’libéral – centre

En 2019, la domination UDC/PLR avait été bousculée par une vague verte. Mais c’est cette fois l’UDC qui est la grande gagnante et le Parlement sera plus à droite à l’issue de ces législatives. L’Union démocratique du Centre remporte 27,9% des voix (+2,3 points par rapport à 2019). C’est le 3e meilleur score de son histoire.

Rien de changé non plus pour le Parti socialiste, qui reste la deuxième formation politique du pays en importance. Le parti à la rose a réussi à convaincre 18,3% de l’électorat, en progression de 1,5 point par rapport aux dernières élections fédérales.

Les choses se sont en revanche beaucoup moins bien passées pour les deux formations écologistes. La défaite la plus cinglante concerne les Vert-e-s, qui décrochent de 3,4 points et terminent sous la barre symbolique des 10% (9,8%). Quant aux Vert’libéraux, ils chutent beaucoup moins brutalement (- 0,2) et se retrouvent à 7,6%.

Pour la première fois dans l’histoire de la Suisse moderne, Le Centre – l’ancien Parti démocrate-chrétien -, passe devant le PLR en nombre de sièges au Conseil national. Le PLR obtient 14,3% (-0,6%) des voix et Le Centre 14,1%  (+0,3), mais avec un siège de plus pour ce dernier (29 contre 28). Malgré ce résultat, Le Centre ne revendiquera pas de 2e siège au Conseil fédéral, a assuré dimanche le centriste genevois Vincent Maître sur la RTS. 

Au niveau de l’histoire toujours, l’extrême gauche perd ses deux sièges (un à Genève et un à Neuchâtel). Ce n’est que la seconde fois depuis 1922 que l’extrême gauche ne dispose d’aucun siège au Parlement.

Du côté des petits partis, le Parti évangélique (PEV) engrange 2% des voix à l’échelle nationale (-0,1) et l’Union démocratique fédérale (UDF) 1,2%, progressant de 0,2 point. Le POP recule à 0,7% (-0,3) et la Lega tessinoise à 0,6% (-0,2). Le Mouvement citoyen genevois (MCG) crée pour sa part la surprise en décrochant deux sièges au Conseil national. Le parti anti-frontaliers vire également en tête dans la course au Conseil des Etats à Genève grâce à son populaire chef de file et ancien ministre Mauro Poggia.

En termes de sièges au Conseil national, les choses se présentent de la manière suivante:

Inquiétudes à gauche, satisfaction à droite

Pour le vice-président des Vert-e-s Nicolas Walder, le recul de son parti, mais aussi de l’alliance climatique (PS, PVL et Vert-e-s), est non seulement une déception, mais aussi « un signal très inquiétant » par rapport à la capacité qu’aura la société à empoigner les vrais enjeux. Il faudra atteindre la neutralité carbone, qu’on le veuille ou non, a rappelé le Genevois sur les ondes de la RTS.

Le résultat de ce dimanche représente aussi une menace pour le climat aux yeux de Michel Matter, vice-président des Vert’libéraux: « Bien évidemment, les autres partis se sont emparés du thème du climat. Mais on voit aujourd’hui que le grand vainqueur est peut-être celui qui est le moins favorable à une transition écologique, donc nous avons des inquiétudes. »

Dans un climat général défavorable à la gauche, le PS fait mieux que sauver les meubles, en progressant très légèrement et en confirmant sa position de deuxième formation politique du pays. C’est ainsi que le co-président du parti Cédric Wermuth déclare avoir un oeil qui rit et un œil qui pleure. « L’œil qui rit c’est le PS qui gagne, ce qui n’avait pas été le cas en 2019, et l’œil qui pleure, c’est un glissement à droite très malheureux », a-t-il commenté. 

S’il « regrette » que son parti recule et se fasse ravir la troisième place par Le Centre, le vice-président du PLR Philippe Nantermod se réjouit de son côté du virage à droite du Parlement. Le renforcement de l’alliance de droite au Parlement pourra un peu mieux faire fonctionner la Suisse que depuis quatre ans, a estimé le conseiller national valaisan sur la RTS.

Parmi les partis globalement satisfaits de ces élections fédérales, il y a Le Centre. Le résultat des urnes montre que le passage du PDC au Centre s’est fait sans casse. « Nous n’avons pas effacé nos racines chrétiennes, on partage toujours les mêmes valeurs qu’on avait en tant que PDC et PBD (NDLR: avant la fusion en 2020). Il s’agissait d’une stratégie d’ouverture du parti », a déclaré Gerhard Pfister, président du Centre.

L’appréciation générale est bien entendu particulièrement positive du côté de l’UDC, grand vainqueur du jour. Pour son président, Marco Chiesa, ce succès s’explique par le fait que son parti a su convaincre la population, notamment par rapport à la situation migratoire. « Les gens en ont assez d’une immigration démesurée et du chaos de l’asile », a-t-il déclaré lors du débat télévisé réunissant les responsables de partis.

31 membres du Conseil des Etats ont déjà leur siège assuré

En ce 22 octobre, 31 des 46 sièges de la Chambre haute sont d’ores et déjà occupés. Les 31 sièges déjà attribués se répartissent de la manière suivante: 10 pour Le Centre, 9 pour le PLR, 5 pour le PS, 4 pour l’UDC et 3 pour les Vert-es. 

En Suisse romande, Pierre-Yves Maillard (PS/VD) a été élu dès le premier tour. A Neuchâtel, où l’élection se joue à la proportionnelle, Baptiste Hurni (PS) et Céline Vara (Vert-e-s) sont élus. Dans le Jura, les sortants Charles Juillard (Le Centre) et Mathilde Crevoisier Crelier ont conservé leur siège.

Partout ailleurs, il faudra attendre le second tour. Ce second tour aura lieu au mois de novembre. L’organisation de cette élection étant de la responsabilité des cantons, les dates varient. En Suisse romande, cette élection aura lieu le 12 novembre.

En Suisse alémanique, deux personnalités susceptibles d’être élues à la place du conseiller fédéral sortant Alain Berset ont passé brillamment dès le premier tour. Il s’agit de la socialiste bâloise Eva Herzog, candidate malheureuse à la succession de Simonetta Sommaruga au Conseil fédéral en décembre dernier, et du socialiste zurichois Daniel Jositsch, candidat déclaré à la succession d’Alain Berset.

Pour tout comprendre aux élections parlementaires helvétiques, et pourquoi elles sont importantes:

• Le Parlement suisse pour les nuls
• Notre vidéo sur le fonctionnement des élections parlementaires
• A quoi sert le Parlement dans la démocratie directe suisse?
• Comment les journalistes du service international de swissinfo.ch voient les élections fédérales
• Une historienne française s’est plongée dans l’histoire des campagnes électorales suisses
• Comment a évolué le Parlement depuis 1971

*Les résultats en % des voix obtenus par chaque parti à l’élection au Conseil national ont été corrigés le 25 octobre 2023 par l’Office fédéral de la statistique (OFS). Cela n’a pas d’incidence sur la répartition des sièges.