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«Je partage les vues libérales de Jair Bolsonaro»

Jair Bolsonaro
Le candidat d'extrême droite Jair Bolsonaro a été élu dimanche soir à la présidence du Brésil. Keystone/EPA/Fernando Bizerra Jr.

Le candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro est depuis dimanche le nouvel homme fort du Brésil. Certains Suisses qui ont une activité entrepreneuriale dans le pays le plus peuplé d’Amérique latine accueillent favorablement ses projets de réforme économique.

C’est le cas de Michaël C. Duc, un avocat suisse qui vit à de Rio de Janeiro depuis sept ans. Il y est actif comme conseiller juridique. Il conseille des Brésiliens et des Suisses sur des questions juridiques ayant un lien helvético-brésilien, notamment en ce qui concerne l’ouverture d’une entreprise, les successions, les questions bancaires, la sécurité sociale ou les visas.

swissinfo.ch: Êtes-vous satisfait de l’élection de Jair Bolsonaro?

Michaël C. Duc: Nous avions le choix entre deux candidats extrêmes qui n’étaient pas des candidats idéaux pour moi. Mais il s’agissait de décider s’il fallait continuer comme ça ou faire demi-tour.

Jair Bolsonaro est donc un moindre mal?

Pour des raisons personnelles et professionnelles, je pense qu’une ouverture des marchés, ainsi que des réformes fiscales et du droit du travail sont nécessaires. J’espère que le pays va prendre ce chemin avec le nouveau président.

Vous êtes membre du Conseil des Suisses de l’étranger et avez de nombreux contacts avec d’autres Helvètes qui vivent au Brésil. Pensent-ils comme vous?

Je ne peux bien sûr pas parler au nom de tous. Il y a un groupe suisse à Sao Paulo qui se compose principalement d’entrepreneurs, dont beaucoup partagent mon avis. 

La Suisse et le Brésil

En 2017, 14’124 Suisses de l’étranger vivaient au Brésil, selon les statistiques de la Cinquième Suisse. A l’inverse, quelque 80’000 Brésiliens vivent en Suisse. Il s’agit de l’une des plus grandes communautés brésiliennes d’Europe, par rapport à la population.

Dans de nombreux médias occidentaux, l’élection de Jair Bolsonaro est expliquée par l’insatisfaction généralisée de la population face aux scandales de corruption et à la récession. Les médias brésiliens voient-ils les choses de la même manière?

Beaucoup d’électeurs n’étaient ni pour Jair Bolsonaro, l’autoritaire de droite, ni pour l’homme politique de gauche Fernando Haddad, mais contre l’un ou l’autre candidat. Ils ont ainsi opté pour le moindre mal. Les gens en ont assez de la corruption et de la misère économique. Je travaille au Brésil depuis environ sept ans et la situation économique est devenue de plus en plus difficile. Chaque jour, des entreprises disparaissent, des compagnies internationales ne viennent plus au Brésil et beaucoup de celles qui étaient ici partent parce que l’incertitude est devenue trop grande. 

Une grande partie de l’establishment est impliquée dans des scandales de corruption. Cette corruption est-elle également perceptible dans la vie quotidienne?

Bien sûr. Le problème est profond dans la société brésilienne. Cela fonctionne sur le principe: «Je t’aiderai si tu m’aides». Dans la vie de tous les jours, vous vous trouvez également dans des situations où ça n’avance pas et le fonctionnaire vous laisse entendre qu’il pourrait résoudre le problème. C’est ce qu’on appelle «Jeitinho» au Brésil [s’en sortir, ndlr.].

Nous avons récemment eu un technicien à la maison. Mais rien n’a fonctionné et c’est devenu de plus en plus bureaucratique. Finalement, le technicien a dit: «Je peux venir à 18h et résoudre le problème.» Il apparaît alors en tenue officielle et avec le matériel officiel, mais travaille pour son propre compte.

La crise économique renforce cette mentalité :tout le monde essaie de s’en sortir d’une manière ou d’une au^tre. Et pour cela, au Brésil, on accepte très vite une quelconque voie «alternative».

Au tournant du millénaire, le Brésil a connu une prospérité durable. Désormais, c’est la récession. Quelles en sont les raisons?

À mon avis, cette prétendue croissance n’a jamais été saine. Je suis venu au Brésil pour la première fois en 2009 et j’ai découvert qu’il est possible de payer les factures de consommation privée en très petits versements.

J’ai appris à connaître des gens qui avaient des appartements et des voitures de luxe qui gagnaient moins que la somme de leurs diverses versements mensuels. De nombreux Brésiliens ont des dettes qu’ils ne pourront jamais rembourser.

On ne pouvait pas continuer comme ça. Une grande partie de la classe moyenne, qui est apparue après le tournant du millénaire, a depuis disparu à nouveau.

Jair Bolsonaro est-il le bon président pour sortir le pays de ce malaise?

Je ne sais pas non plus. Je partage ses vues libérales sur l’économie, à savoir l’ouverture des marchés, la simplification des systèmes fiscaux, et j’espère qu’il nommera des ministres compétents. 

L’homme politique d’extrême droite s’est forgé une mauvaise image en raison de sa rhétorique discriminatoire et autoritaire. Dans ses discours, par exemple, il a fait l’éloge des dictatures ou a dit qu’il voulait autoriser la torture pendant les enquêtes policières. Cela ne vous inquiète-t-il pas en tant qu’avocat?

Oui, évidemment. Son penchant pour l’armée et la religion ou ses déclarations irréfléchies soulèvent la question de l’influence qu’il peut réellement exercer.

Mais de nombreux Brésiliens font confiance à la démocratie, qui peut l’empêcher de mettre en œuvre ses positions politiques extrêmes, parce qu’il n’en a pas le pouvoir et ne représente qu’une personne au sein de l’entité politique.

(Traduction de l’allemand: Katy Romy)

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