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Emmanuel Macron, la participation comme rempart à la démocratie directe

Emmanuel Macron s'adresse à quelque 600 maires dans la ville normande de Grand Bourgtheroulde, le 15 janvier 2019, dans le cadre du lancement officiel du «grand débat national». AFP

Son Grand Débat a sorti le Président français de la crise des Gilets jaunes. Emmanuel Macron pourrait creuser ce sillon participatif, qu’il préfère de loin aux périlleux référendums plébiscités par nombre de candidats et candidates à l’élection présidentielle française.

C’est un véritable torrent de référendums qui attend la France si l’élection présidentielle (premier tour le 10 avril, second tour le 24 avril) est remportée par… l’un des adversaires d’Emmanuel Macron. À droite, Valérie Pécresse promet d’en organiser trois, rien que ça: sur l’immigration, la sécurité et la laïcité. S’il est élu, le nationaliste Éric Zemmour soumettra aux Français son plan visant à stopper l’immigration et à renvoyer des millions d’étrangers.

Des référendums à la française, version Ve République: le Président décide, selon son bon plaisir, quel sujet il soumet au peuple. Le dernier remonte à 2005, lorsque Jacques Chirac avait consulté les Français sur le projet de Constitution européenne. Le peuple avait dit «non».

Mais une bonne partie de l’opinion publique ne se contente plus de cette démocratie verticale, organisée d’«en haut», par l’Élysée. Les Français réclament davantage. La démocratie directe est à la mode.

On vote, même si ça ne change pas grand-chose. Près de 170’000 Alsaciens et Alsaciennes viennent de plébisciter une sortie de la région Grand Est. Un vote purement consultatif. Son initiateur, Frédéric Bierry, président de la Collectivité européenne d’Alsace, milite pour un système «comme en Suisse, avec un vrai pouvoir réglementaire. L’idée est de pouvoir consulter la population sur les grands enjeux locaux ou nationaux, et que le résultat de cette consultation s’impose aux institutions», indique-t-il dans le journal Le Monde.

La Suisse, «Eldorado» démocratique

Le RIC figure dans quasi tous les programmes des candidat-es de gauche. Le RIC? Référendum d’initiative citoyenne, principal slogan des «Gilets jaunes» en 2018-2019. À l’époque, les manifestants affichent ces trois lettres sur leurs banderoles, à côté de «Macron démission!». Et voient dans la Suisse une sorte d’Eldorado démocratique, en tout cas une source d’inspiration.

Clara Egger, espoir RIC
Clara Egger Neyer Valeriano

Clara Egger a porté le drapeau du RICLien externe à l’élection présidentielle. Avec seulement 34 parrainages d’élu-es sur les 500 requis, elle n’ira pas plus loin dans sa campagne. «C’est un échec bien sûr, mais cette aventure a permis à notre référendum de gagner en visibilité», se réjouit Clara Egger, qui enseigne les relations internationales à l’Université de Groningen, aux Pays-Bas.

Son système référendum/initiative populaire est presque un copier/coller du système helvétique, qui l’a beaucoup impressionnée au cours de ses années d’enseignement à Genève. Son RIC a même été présenté à l’Assemblée nationale par le député centriste Jean Lassalle, lui aussi candidat à l’élection présidentielle. Sans succès. «Sept députés seulement ont voté pour, alors que les sondages montrent que 73% des Français soutiennent ce système», s’étrangle Clara Egger.

D’autres candidats, par exemple Jean-Luc Mélenchon (gauche radicale), proposent le RIC. «Mais il est souvent flou et mal détaillé dans leurs programmes», regrette Clara Egger.

Les incursions de Macron en démocratie participative

De son côté, Emmanuel Macron s’illustre par sa prudence. Macron, l’homme de la haute administration, de la finance, n’a aucune prédilection pour la démocratie directe ou participative quand il est élu à l’Élysée en 2017. C’est pourtant à cet exercice qu’il a su regagner, en partie, la confiance des Français et des Françaises.

François Chérix. RTS-SWI

Pour surmonter la crise des Gilets jaunes, il lance début 2019 le Grand Débat, puis la Convention citoyenne sur le Climat. Des dizaines de milliers de citoyens et citoyennes à ces forums, débattent, inventent, rêvent, écrivent des «Cahiers de doléance». Sans résultat législatif, si ce n’est quelques propositions reprises dans la Loi sur le Climat.

«Macron a eu raison d’essayer de développer la démocratie participative», estime François Chérix, politologue suisse, qui a écrit récemment «Le Crépuscule du récit révolutionnaire» (éditions Slatkine).

«Pour Macron, le Grand Débat et la Convention Climat sont davantage qu’une parade aux Gilets jaunes, plus qu’un ‘truc’ pour sortir de la crise, veut croire le socialiste François Chérix. Il y a alors une vraie tentative de renforcer les courroies de transmission entre citoyens et décideurs.» Sans céder le pouvoir au peuple. «L’exercice est très complexe, ajoute François Chérix. La démocratie participative ne doit pas entrer en concurrence avec la démocratie représentative.»

Tout changer pour que rien ne change

Plus sévère, le politologue Guillaume Gourgues, qui étudie depuis dix ans les incursions de la France en démocratie participative, estime que l’«’État participatif’ consiste bel et bien à tout changer pour que rien ne change.» C’est l’État qui édicte les contours de cette participation «conforme», où toute initiative citoyenne est rejetée, qui s’apparente plutôt à un outil de management, pointe Guillaume Gourgues, qui enseigne à l’Université Lumière de Lyon.

Guillaume Gourgues. © Alexis Grattier-Université Lumière Lyon 2

Or, le candidat Macron pourrait bien poursuivre dans cette voie. «L’idée d’une plus grande participation citoyenne dans l’élaboration des lois, hier considérée comme un gadget politique un brin démagogique, fait maintenant consensus au sein de la Macronie», note le journal Le Monde. Parmi les sujets qui pourraient faire l’objet de débats citoyens au cours de l’éventuel second mandat d’Emmanuel Macron: la fin de vie, la réforme des institutions, voire même les retraites.

Cette participation citoyenne, vue comme une «aide ponctuelle à la décision», n’a aucune portée contraignante, à la différence de la démocratie directe en Suisse, déplore Guillaume Gourgues.

Alors, l’agitation autour du référendum est-elle purement électoraliste? «En 1993 déjà, de nombreux candidats à l’élection présidentielle parlaient d’initiative populaire…», se désole Clara Egger.

Du plébiscite au RIP

Au cours du Second Empire (1851-1870), Napoléon III formalise le plébiscite, déjà pratiqué par son oncle Napoléon 1er. Toute modification de la Constitution est soumise à plébiscite. Il s’agit, en fait, d’un instrument de pouvoir personnel permettant de contourner le parlement et les pouvoirs intermédiaires. Sur les bulletins, le «oui» est souvent imprimé, alors que le «non» doit être rédigé par des électeurs parfois… analphabètes.

De retour au pouvoir en 1958, le général de Gaulle institue dans sa Ve République le référendum, pour ratifier un traité ou modifier l’organisation des pouvoirs publics. Mais si de Gaulle présente ces référendums comme des «questions de confiance», ses adversaires les dénoncent comme des plébiscites déguisés.

Institué en 2008 sous la présidence de Nicolas Sarkozy, le référendum d’initiative partagée (RIP), censé donner plus de pouvoirs aux citoyens, demeure très restrictif. Pour lancer un RIP, il faut rassembler le cinquième des parlementaires et le dixième du corps électoral, soit environ 4,7 millions d’électeurs. Aucun RIP n’a abouti pour l’instant.

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Modéré par: Katy Romy

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