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En Tunisie, l’économie doit encore faire sa révolution

Deux ans après la révolution tunisienne, le chômage reste l'ennemi numéro un. AFP

«Travail, liberté, dignité», scandaient les Tunisiens qui sont descendus dans les rues pour chasser Ben Ali. Mais deux ans après la révolution, le travail reste encore un mirage pour nombre d’entre eux. Et c’est justement sur cet aspect que la coopération suisse met l’accent.

«On cherche téléopérateurs et téléopératrices». En parcourant les offres d’emploi dans les journaux tunisiens, on a l’impression que pour un jeune diplômé maîtrisant les langues européennes, une des rares possibilités de trouver un job est de s’engager, pour quelque 600 dinars (400 francs suisses), dans un des centres d’appel qui ont poussé comme des champignons dans le pays ces dernières années.

Plus qu’une impression, c’est une réalité, a confirmé Belgacem Ben Abdallah, membre du bureau national de l’Union des diplômés chômeurs (UDC) en s’adressant aux membres de la délégation suisse présents à Tunis à l’occasion du Forum social mondial. Son organisation fait partie de celles qui ont le plus contribué à allumer la mèche de la révolution en décembre 2010. Le slogan «Travail, liberté, dignité» est d’ailleurs né des luttes de l’UDC.

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«Ennahda ne veut pas d’une société rétrograde»

Ce contenu a été publié sur Vainqueur avec 37% des suffrages lors des élections organisées en octobre 2011 pour former l’Assemblée nationale constituante (ANC), le Mouvement de la Renaissance (Ennahda) est le plus important des trois partis de la «troïka» qui dirige la Tunisie pendant la phase de transition post révolutionnaire, avec le Congrès pour la République et Ettakatol. Pour l’opposition…

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Selon les statistiques officielles, il y avait à fin 2012 653’000 chômeurs dans le pays, soit 16,7% de la population active. Un chiffre que beaucoup jugent sous-évalué. L’UDC, par exemple, parle d’un million de sans emploi. Dont un tiers environ sont de jeunes diplômés universitaires.

Une situation rendue encore plus grave par le fait que «le sous-emploi s’est développé et que la société est de plus en plus fragile, en raison notamment de la hausse incroyable des prix», souligne Fathi Chamkhi, membre de Raid/Attac Tunisie. Pour 2012, le taux officiel d’inflation est de 5,6%, mais l’organisation locale de protection des consommateurs estime que le chiffre réel est plutôt compris entre 10 et 15%.

Superficie: 163’610 km²

Population: 10,549 millions

Croissance démographique annuelle (depuis 1990): 1%

Espérance de vie à la naissance, femmes / hommes: 76,7 / 72,6 ans

Taux d’analphabétisme, femmes / hommes adultes: 29 / 13,6%

Revenu national brut par habitant: 4198 dollars US

Manque de vision économique

«Personne ne sait comment absorber 800’000 sans emploi, observe de son côté Hédi Sraieb, économiste, consultant pour la Banque mondiale et orateur d’un des nombreux ateliers du Forum social mondial qui s’est tenu à fin mars. Mais le plus grave, c’est que le modèle a définitivement atteint sa limite. L’ascenseur social que représentait autrefois le diplôme n’existe simplement plus».

Jusqu’ici, la révolution n’a pas donné les résultats espérés. «Rien n’a changé par rapport aux options économiques et sociales du régime Ben Ali. On continue dans la voie néo libérale», souligne Belgacem Ben Abdallah, qui, comme des dizaines de milliers de ses pairs, essaye de joindre les deux bouts en donnant quelques cours privés à quatre dinars de l’heure (2 francs 50). Pour un jeune, il est très compliqué de lancer un nouveau projet. «Il y a énormément de bureaucratie et il est très difficile d’obtenir un crédit», constate ce diplômé en sciences naturelles.

Pourtant, la question économique est pour l’heure la grande absente du débat sur l’avenir du pays. «Chaque semaine, Ennahda [le parti islamiste vainqueur des dernières élections] lance une provocation pour faire parler de lui: la polygamie, la femme complémentaire de l’homme, et ainsi de suite. Mais il ne s’occupe pas des thèmes mis en avant pendant la révolution. Notre problème, ce n’est pas l’islam, comme ils voudraient le faire croire, mais bien la pauvreté et le chômage», martèle la journaliste Sophia Hammami.

Sophia Hammami, journaliste

Ennahda ne s’occupe pas des thèmes mis en avant pendant la révolution. Notre problème, ce n’est pas l’islam, comme ils voudraient le faire croire, mais bien la pauvreté et le chômage

Créer des postes de travail

C’est justement un des axes principaux de la coopération suisse en Tunisie: se concentrer sur la création de postes de travail et sur l’amélioration de la compétitivité des entreprises locales. Depuis la révolution, le gouvernement helvétique a décidé de renforcer considérablement son soutien à la Tunisie. En 2013, les montants prévus pour financer des projets dans le pays dépassent les 30 millions de francs, dont les deux tiers environ sont destinés à des initiatives économiques.

Berne a lancé par exemple l’Initiative suisse pour l’emploi et la micro et petite entreprise rurale (I-SEMER), qui vise à créer quelque 10’000 places de travail dans quatre régions particulièrement défavorisées comme celles de Kasserine et de Sidi Bouzid, qui fut il y a deux ans le foyer de la révolution.

Le projet fonctionne grâce au micro-crédit, un système parfois controversé en raison des taux d’intérêt élevés (environ 15%), mais qui semble porter ses fruits. «Actuellement, quelque 1800 micro-crédits ont été accordés, et chacun d’entre eux a permis de créer en moyenne 2,5 emplois», explique Danielle Meuwly, de la Direction du développement et de la coopération.

Après les révolutions en Afrique du Nord, la Suisse a renforcé substantiellement son aide à la région, afin, selon la formule du gouvernement, de «créer les conditions adéquates pour une transition efficace». La stratégie pour la Tunisie, l’Egypte et la Libye se base sur trois points fondamentaux:

Transition démocratique et renforcement des droits de l’homme. Dans ce domaine, Berne soutient par exemple une station de radio, l’Association tunisienne pour l’intégrité et la démocratie des élections ou la Commission électorale indépendante.

Développement économique et création de postes de travail. Outre le programme de production propre et le projet I-SEMER, la coopération suisse intervient par exemple pour restaurer et améliorer les infrastructures hydrauliques dans le gouvernorat de Kasserine ou dans des projets pour adapter la formation professionnelle aux besoins du marché.

Migration et protection. La Suisse et la Tunisie ont ratifié trois accords de partenariat en matière de migration et Berne a mis en place un programme de rapatriement volontaire. En outre, la Suisse fournit notamment un soutien aux autorités tunisiennes pour améliorer la gestion des frontières et des flux migratoires.

Production propre

En collaboration avec l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (ONUDI) et le Centre international des technologies de l’environnement, une agence ministérielle tunisienne, la Suisse finance, entre autres choses, un projet pour améliorer la compétitivité des entreprises tunisiennes à travers une meilleure gestion des ressources et l’usage de technologies innovantes dans le domaine des énergies renouvelables. Le projet permettra notamment de former plus de 200 spécialistes tunisiens en panneaux solaires et en production propre.

«L’objectif est avant tout de faire comprendre que des interventions dans le domaine de l’environnement peuvent représenter un gain du point de vue économique, note Alban Bitz de la Sofies à Genève, une société spécialisée en écologie industrielle, qui travaille avec la coopération suisse. Par exemple, dans un grand hôtel, nous sommes parvenus à réduire la consommation d’eau de 3000 à 700 litres par client, en particulier en améliorant le cycle de renouvellement de l’eau des piscines».

Un gain qui n’est pas indifférent dans un secteur clé de l’économie tunisienne, qui souffre beaucoup en ce moment. Malgré les prix bas, entre le 1er janvier et le 20 février, les nuitées ont baissé de plus de 20% par rapport à la même période de 2010 et de 7,7% par rapport au début de l’année dernière.

Economiser pour investir

Vacpa, le plus gros producteur de dattes en Tunisie, qui emploie 1200 ouvriers (surtout des ouvrières), est une des 75 entreprises qui a pu profiter de ces conseils. «Nous consommons beaucoup d’énergie pour la réfrigération et beaucoup d’eau pour le lavage et le conditionnement des dattes, explique Afef Ftouhi, ingénieure à Vacpa. Nous nous étions fixé pour objectif de réduire ces consommations de 5%, et grâce à une série de mesures, nous y sommes parvenus». L’entreprise a notamment commencé à valoriser ses déchets pour les convertir en biocombustibles.

«Cela nous a permis d’économiser environ 30’000 euros, ajoute-t-elle. Nous avons bien l’intention de continuer ainsi sur la voie des économies d’énergie, afin de libérer des fonds pour d’autres investissements». Et pour créer, si possible, de nouveaux postes de travail.

(Traduction de l’Italien: Marc-André Miserez)

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