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Entre la Suisse et l’Inde, de nouvelles impulsions

La présidente indienne était accompagné d’une délégation économique forte de 45 personnes. Keystone

Après la visite en Suisse de la présidente indienne Pratibha Patil, les deux pays comptent bien conclure rapidement leurs négociations de libre-échange. Même si de gros obstacles restent à aplanir.

Avec un volume d’échanges de 3,6 milliards de francs l’an dernier, l’Inde fait partie des quatre plus gros partenaires commerciaux de la Suisse.

Dans son discours prononcé lundi à son arrivée à Berne, la présidente Pratibha Patil a parlé des «énormes synergies» entre les économies des deux pays et de la «grande marge d’amélioration des interactions économiques actuelles».

«Dans des domaines clé comme les technologies vertes, la protection de l’environnement et la collecte des déchets urbains, les industries suisses peuvent nous fournir des solutions innovantes», a précisé la présidente du géant asiatique, ajoutant que «l’Inde a aussi acquis une reconnaissance mondiale pour ses ressources humaines et a émergé comme un pays qui produit de la haute qualité à des prix compétitifs».

Objectif commun

Depuis 2008, la Suisse, qui est membre de l’Association européenne de libre-échange (AELE), négocie un accord avec l’Inde, qui devrait être finalisé à la fin de cette année.

Martin Zbinden, chef du secteur Accords de libre-échange au Secrétariat d’Etat à l’Economie (Seco), se montre optimiste quant à l’issue des négociations. «La fin 2011 est encore notre objectif commun, confirme-t-il à swissinfo.ch. Mais ce sera peut-être le tout début 2012. Nous avons accéléré le rythme des discussions, avec encore deux sessions plénières agendées cette année».

«Les élections prévues en Inde en mars prochain pourraient amener quelques changements de personnel et c’est pourquoi les deux parties se rendent compte qu’il y a maintenant une fenêtre d’opportunité pour finaliser cet accord», ajoute Martin Zbinden.

Pour cet homme qui a participé à des nombreuses discussions de ce type, les Indiens ne sont pas nécessairement des négociateurs plus durs que les autres. En fait, chaque pays défend ses intérêts, et la Suisse ne fait pas exception à la règle.

«Mais l’Inde est bien consciente de son potentiel économique, de son influence et de l’importance de ses marchés», précise Martin Zbinden.

La ministre des Affaires étrangères Micheline Calmy-Rey, qui occupe également cette année la présidence tournante de la Confédération, estime quant à elle que cet ambitieux accord donnera «une nouvelle impulsion aux relations» entre les deux pays.

Encore des obstacles

Il n’en subsiste pas moins quelques importants points de discorde. Ainsi, la Suisse veut améliorer l’accès au marché indien de ses produits pharmaceutiques, de ses machines et de ses montres. Mais l’Inde refuse d’abaisser les droits de douane pour certains produits de ces secteurs, qui comptent pour 30% du commerce bilatéral.

«Cela pourrait mettre en difficultés les petites entreprises indiennes actives dans ces domaines» explique Isolda Agazzi, d’Alliance Sud, la coordination des ONG suisses actives dans la coopération au développement.

La Suisse cherche également à renforcer les droits de la propriété intellectuelle. Elle veut étendre la protection par brevets des produits pharmaceutiques, afin d’éviter que les fabricants indiens de médicaments génériques bon marché puissent bénéficier des tests cliniques menés par d’autres compagnies.

Mais les ONG affirment que cette protection étendue ferait du tort à la production de génériques en Inde. Pour Isolda Agazzi, la Suisse devra probablement suivre l’exemple de l’Union européenne – qui mène aussi des négociations de libre-échange avec l’Inde – et laisser tomber certaines de ses exigences en matière d’exclusivité des données.

Les compétences dont la Suisse a besoin

Autres pierres d’achoppements: l’accès au marché suisse pour les services que l’Inde exporte, surtout dans les domaines des technologies de l’information et de la communication (TIC), et les restrictions à l’immigration.

Le marché suisse du travail s’est ouvert en 2002 aux ressortissants des pays de l’Union européenne et de l’AELE. Mais pour les autres pays, il reste accessible aux seuls travailleurs hautement qualifiés.

Ainsi, cette année, les autorités ne délivreront que 8500 visas pour les non-européens qui veulent travailler en Suisse pour plus de quelques mois. Ce qui représente un casse-tête pour plus d’une entreprise active dans les TIC. Et tandis que le secteur ne cesse de croître en Inde, la Suisse prévoit qu’il va lui manquer 32’000 spécialistes des TIC d’ici 2017.

Le mois dernier, le ministère de l’Economie a publié un rapport préconisant 40 mesures pour lutter contre la pénurie générale de travailleurs qualifiés prévue pour 2020. Ses auteurs proposent de mieux exploiter le marché domestique du travail, mais également d’encourager une immigration ciblée.

L’immigration reste toutefois un sujet politiquement délicat. A la faveur de la campagne actuellement en cours pour les élections législatives du 23 octobre, l’UDC (droite conservatrice) a littéralement inondé le pays des affiches pour son initiative populaire dite «halte à l’immigration massive».

Il n’empêche: certains secteurs ne peuvent simplement pas se passer des étrangers. «Nous avons besoin d’une augmentation contrôlée des quotas et de stimuler les entreprises suisses à investir dans le personnel spécialisé dans les technologies de l’information» plaide Andreas Knöpfli, président de Swico, l’organisme commercial des TIC en Suisse.

Les relations commerciales entre la Suisse et l’Inde remontent à l’établissement de la compagnie commerciale Volkart à Bombay en 1851.

Aujourd’hui, 127 entreprises suisses ont une forte présence en Inde. Les firmes indiennes, par contre, restent assez discrètes en Suisse. Une centaine y sont présentes, mais la plupart n’y ont qu’une activité limitée.

Quelques entreprises importantes du secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC) ont néanmoins pris pied en Suisse, comme Infosys, Cognizant, Polaris ou Birlasoft. La valeur des investissements TIC indiens en Suisse est passée de 350 millions de francs en 2009 à 450 millions en 2010.

Le volume total des échanges commerciaux (tous secteurs confondus) entre l’Inde et la Suisse est passée de 1,56 milliards de francs en 2004 à 3,5 milliards en 2008.

Pratibha Patil, présidente de l’Union indienne, vient de passer deux jours en Suisse (3 et 4 octobre). Lundi, elle était à Berne, la capitale, où elle a eu des entretiens visant à dynamiser les relations bilatérales, y compris la coopération dans les domaines de la finance et de la recherche.

Dans son discours de lundi, Mme Patil a remercié la Suisse d’avoir soutenu la candidature de l’Inde à un siège de membre non-permanent du Conseil de sécurité des Nations unies pour 2011-2012. La présidente a dit compter sur un tel soutien à l’avenir pour l’obtention d’un siège permanent.

Johann Schneider-Ammann, ministre de l’Economie, qui était en Inde en avril dernier, a rencontré la délégation économique lundi soir, pour évoquer les négociations en cours sur un accord de libre-échange.

Mardi, la délégation s’est rendue en Suisse romande et a signé un mémorandum d’entente avec l’Université de Lausanne pour y établir une chaire d’études indiennes, pour marquer les 150 ans de la naissance du poète, écrivain, compositeur, peintre et philosophe Rabindranath Tagore, prix Nobel de littérature en 1913.

Après la Suisse, la délégation indienne visitera l’Autriche voisine. La dernière visite d’un chef d’Etat indien en Suisse remontait à mai 2005.

Traduction et adaptation de l’anglais: Marc-André Miserez

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