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Eveline Widmer-Schlumpf pour une Chine démocratique

La visite d'Eveline Widmer-Schlumpf s'inscrivait aussi dans l'offensive d'intensification des contacts entre la Suisse et la Chine. Keystone

La cheffe du Département fédéral de Justice et Police a achevé ce mardi une visite officielle de 5 jours en République Populaire de Chine. Elle y a mené des discussions politiques autour de l'entraide judiciaire et des droits humains. Les résultats, dit-elle, sont encourageants.

Dondup Wangchen a disparu. Ce cinéaste tibétain qui a de la famille en Suisse a été arrêté par la Chine, l’an dernier avant les Jeux olympiques de Pékin, alors qu’il tentait de diffuser le documentaire qu’il venait de tourner sur le Tibet. Depuis, plus de nouvelles, et la Suisse s’en préoccupe.

La conseillère fédérale Eveline Widmer-Schlumpf, cheffe du Département de Justice et Police, a profité de sa première visite en Chine pour s’enquérir, par écrit, du sort réservé au Tibétain. Où est-il détenu, où en est la procédure, sa défense est-elle assurée?

Les deux principaux interlocuteurs de la Conseillère fédérale, le ministre chinois de la sécurité publique Meng Jianzhu et la ministre de la justice Wu Aiying, lui ont tous deux promis des réponses précises et circonstanciées. Il s’agit là du cas particulier évoqué par la ministre grisonne.

A part cela, les discussions ont principalement porté sur des généralités, mais éminemment sensibles et concernantes.

Invitation à revenir

«Avec mes deux interlocuteurs, j’ai évoqué des questions de processus législatifs, de collaboration policière, de migration illégale et de droits humains», déclare Eveline Widmer-Schlumpf, avant de révéler que le ministre chinois de la sécurité publique l’a invitée à revenir en Chine l’an prochain pour poursuivre le dialogue, une proposition qui l’a «surprise», alors qu’elle venait de «lui parler très ouvertement de sa conception des droits humains et des libertés fondamentales.»

Elle dit lui avoir rappelé combien il était important pour la Suisse que les libertés et droits fondamentaux soient respectés dans tous les pays du monde. «En la matière, notre pays est très en avance sur bien des régions du monde. Nous sommes venus pour expliquer notre fonctionnement, sans évidemment prétendre l’imposer aux autres. Mais ils nous importe d’expliquer que nous nous engageons pour ce qui nous paraît juste.»

En matière de justice, la conseillère fédérale a insisté auprès de ses homologues chinois sur l’importance d’impliquer la société civile dans l’élaboration et l’application des lois, et donc de «renforcer le processus démocratique». Selon elle, la Chine dispose de bases légales récentes modernes et adaptées.

«Le problème, dit-elle, c’est l’application des lois, notamment en matière de droit pénal des mineurs, ou de droit des brevets. Par exemple, lorsqu’on comparaît dans une affaire pénale, on a droit à un défenseur, et à des entretiens confidentiels avec ce dernier. Mais dans les faits, lors de ces entretiens, il se trouve toujours quelqu’un à proximité, susceptible d’écouter.»

Pas de séparation stricte

Par ailleurs, pour Eveline Widmer-Schlumpf, l’absence d’une séparation stricte des pouvoirs entre législatif, exécutif et judiciaire pose évidemment problème. Ainsi les tribunaux «sont-ils toujours d’une manière ou d’une autre liés à l’administration, ce qui rend le système judiciaire extrêmement complexe.» C’est particulièrement vrai dans le domaine du droit des brevets, où les magistrats spécialisés font défaut en Chine.

Mais tout différents soient-ils, il est des domaines où les systèmes judiciaires suisses et chinois se doivent de trouver des terrains d’entente, histoire de faciliter les procédures, en particulier dans les cas de trafic d’êtres humains, de crime organisé ou de trafics en tous genres. Dans tous ces domaines, les deux pays entendent aussi renforcer l’entraide judiciaire et les collaborations policières, de manière à mieux appréhender ensemble les «menaces communes».

«Nous avons régulièrement en Suisse des cas de femmes prostituées victimes du trafic d’êtres humains, qui concernent surtout des enfants et des jeunes femmes. Nous en discutons avec d’autres pays, avec lesquels nous avons conclu des accords de collaboration – par exemple la Bulgarie et la Roumanie. Le cercle des pays impliqués est très large, ce qui rend les stratégies de lutte difficiles. Nous devons là aussi intensifier notre collaboration avec la Chine», déclare la conseillère fédérale, même si elle ne cite pas de cas précis impliquant la Chine et la Suisse. Mais selon elle, la Suisse fait en tous cas régulièrement office de zone de transit pour ces trafics.

Un an avant 2010

La visite de la conseillère fédérale s’inscrit aussi dans une offensive plus générale d’intensification des contacts entre la Suisse et la Chine, un an avant l’année anniversaire des 60 ans d’établissement de relations diplomatiques entre les deux pays. A Shanghai, elle a honoré de sa présence l’achèvement du gros oeuvre du pavillon suisse de l’EXPO universelle de 2010, dont l’ambition est de marquer les esprits chinois et intensifier les contacts économiques.

Alain Arnaud, Pékin, swissinfo.ch

Doris Leuthard, Moritz Leuenberger, Eveline Widmer-Schlumpf … les conseillers fédéraux multiplient leurs visites en Chine, alors que les travaux préparatoires pour le lancement d’une étude de faisabilité en vue de l’établissement d’un accord de libre-échange entre la Suisse et la Chine vont bon train.

La Suisse pourrait ainsi devenir d’ici 3 ou 4 ans le premier pays d’Europe à signer pareil accord avec le géant asiatique. L’offensive helvétique pour conquérir la Chine est également culturelle, avec l’ambitieux programme d’échanges initié par Pro Helvetia et le pavillon suisse pour l’Expo universelle 2010 de Shanghai.

La Suisse est le premier pays occidental à avoir institutionnalisé en 1991 un dialogue sur les droits humains avec la République populaire.

Ces cinq dernières années, les discussions ont porté sur la protection des minorités et la liberté de religion (dont les questions tibétaine et ouïgoure), le droit et les procédures pénales et la réforme pénitentiaire, la peine de mort et la torture, les droits humains liés au secteur privé, les questions multilatérales comme les mécanismes onusiens de protection des droits de l’homme.

Des évaluations externes se penchent régulièrement sur le dialogue, et concluent généralement qu’à défaut d’obtenir des résultats tonitruants, il contribue à maintenir une certaine pression sur le pouvoir chinois.

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