Election et argent: qui déclare ses (gros) sous et qui les cache
La Radio télévision suisse (RTS) a demandé aux partis combien ils investissent en vue des élections fédérales du 20 octobre. Plus de 25 millions de francs ont été déclarés. La transparence progresse, sauf à l’UDC.
Peut-on acheter un vote? A l’approche des élections fédérales d’octobre, les partis et candidats redoublent d’efforts pour séduire les Suisses: campagnes publicitaires, affiches, vidéos, événements, tous-ménages, etc. Toutes ces actions coûtent cher. Les investissements se comptent en centaines de milliers de francs, parfois en millions.
En Suisse, personne ne sait exactement combien d’argent est investi dans la campagne. Pour lever une partie du voile, la RTS a contacté les 188 sections cantonales des partis, car c’est dans les cantons que se déroule une importante partie de la campagne.
Plus de quatre sections sur cinq ont accepté de répondre, au moins partiellement, à nos questions. 14% ont refusé de dévoiler leur budget de campagne et 3% ont ignoré nos demandes, malgré plusieurs relances. C’est largement plus qu’en 2015, quand deux sections sur trois avaient accepté de répondre à une enquête similaire.
La transparence gagne du terrain
Déjà les plus transparentes en 2015, les sections des Verts, du Parti socialiste (PS), des Verts libéraux (PVL) et du Parti évangélique (PEV) ont toutes dévoilé leurs budgets de campagne. Pas étonnant puisqu’une initiative populaire pour obliger les partis à communiquer leurs comptes, ainsi que l’origine de tous les dons supérieurs à 10’000 francs, a été lancée par la gauche, le Parti bourgeois-démocratique (PBD) et le PEV.
A droite, de nombreux partis cantonaux jouent le jeu mais se montrent en grande majorité opposés à une réglementation. Les sections de l’Union démocratique du centre (UDC), dont la moitié refusent de révéler leur budget de campagne, sont les moins transparentes. «Le financement des partis est une affaire privée», indiquent plusieurs d’entre elles.
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L’argent reste tabou dans la campagne électorale
Le plus grand changement s’est opéré au Parti démocrate-chrétien (PDC) et, surtout, au Parti libéral-radical (PLR). Alors que seulement 9 sections PLR avaient accepté de dévoiler leurs budgets en 2015, elles sont maintenant 18 à le faire. Mais, comme l’UDC, le PLR reste opposé à toute loi.
17 millions dans les cantons
Notre enquête confirme que de grosses sommes sont investies pour les élections de cet automne: plus de 25 millions de francs au total. D’une part, environ 8 millions sortent de la poche des partis nationaux. Seule l’UDC Suisse, connue pour ses généreuses campagnes, a refusé d’indiquer son budget. D’autre part, plus de 17 millions sont financés par les sections cantonales. Ces chiffres se basent sur les déclarations volontaires des partis et restent impossibles à vérifier.
Le total a augmenté de 20% par rapport à 2015, quand les partis déclaraient environ 21 millions de francs. La hausse s’explique en grande partie par le plus grand nombre de réponses obtenues cette année, surtout en Suisse alémanique.
A Zurich, canton le plus riche du pays, la somme des budgets a par exemple été dopée par les déclarations du PLR (850’000 francs) et du PDC (130’000 francs), qui avaient refusé de répondre en 2015. Ajouté à l’augmentation de budget au PS, passé de 600’000 à 1’000’000 de francs, les ressources déclarées dépassent ainsi 2,7 millions de francs, contre 1,5 millions en 2015. Sans compter l’UDC zurichoise chère à Christoph Blocher, qui refuse toujours d’indiquer son trésor.
Entre 100’000 et 200’000 francs la place sous la Coupole
Comme tous les partis ne dévoilent pas leur budget, il n’est pas possible de savoir qui a le plus de ressources à disposition. C’est le PLR qui, malgré 5 sections non transparentes, déclare le plus gros budget global, avec un total d’environ 7,5 millions, dont plus de 40% est financé par le parti national. Suivent le PS (6,4 millions) et le PDC (4,3 millions, 5 sections non transparentes).
Ces trois grandes formations affichent largement plus de moyens que les Verts (1,9 million), le PVL (1,6 millions) et le PBD (1 million, trois sections non transparentes). Reste un gros point d’interrogation quant à l’UDC, dont les données lacunaires ne permettent pas de réaliser une estimation de leurs ressources.
Pour les formations les plus transparentes, il est possible de calculer combien leur coûte un siège. Rapporté au nombre de fauteuils détenus à Berne, le PS dépense 119’000 francs par siège, les Verts 159’000 francs et le PVL 206’000 francs.
Les élus dépensent davantage
Reste le dernier étage: la campagne personnelle financée par les candidats eux-mêmes. C’est le plus méconnu et probablement le plus difficile à sonder vu le nombre de prétendants à un siège. De plus, la pratique varie beaucoup d’un parti et d’un canton à l’autre.
Quasi inexistantes à Neuchâtel et dans le Jura, les campagnes personnelles sont centrales en Valais. Les favoris organisent eux-mêmes des appels aux dons, reçoivent des fonds du parti et puisent dans leurs économies pour réunir des sommes approchant parfois 100’000 francs. En juin, une enquête de la RTS, SRF et RSI a dévoilé que certains sortants prévoyaient d’investir jusqu’à 200’000 francs dans leur campagne, comme le conseiller aux Etats argovien Hansjörg Knecht (UDC). Mais il s’agit d’exceptions.
Selon une étude de l’institut FORS (Université de Lausanne) sur les élections de 2015, chaque candidat a dépensé en moyenne 7500 francs pour sa campagne personnelle. Une tendance nette se dégage des données: les élus se sont montrés largement plus dépensiers que les perdants. Ils ont injecté en moyenne près de 40’000 francs dans leur campagne, contre 5800 francs pour les perdants.
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«La transparence du financement de la vie politique est un enjeu crucial en Suisse»
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