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Pas touche au secret bancaire pour les contribuables suisses

Pour le moment, en Suisse, le contenu de ce coffre reste bien protégé du regard des autorités. imago/McPHOTO

Le Conseil fédéral a annoncé mercredi le «report» de la révision du droit pénal en matière fiscale. En clair, cela signifie que la fin du secret bancaire pour les contribuables suisses n’est pas pour demain. Pour les commentateurs, c’est un effet tangible du virage à droite pris lors des dernières élections fédérales.

Avec l’étranger, la question de la fin du secret bancaire est une chose entendue. Suite aux pressions de l’extérieur, le gouvernement et le parlement suisses ont accepté d’y renoncer. Les premiers échanges automatiques d’informations avec les autorités fiscales étrangères auront lieu dès 2018.

Mais reste encore la question de la fin – ou tout du moins de l’assouplissement – du secret bancaire à l’intérieur de la Suisse. Une question qui fait débat.

Vote populaire en vue

Pour la gauche, mais aussi pour les autorités fiscales cantonales, il n’est guère compréhensible que l’échange automatique se fasse avec l’étranger, mais que les autorités suisses se trouvent relativement désarmées face aux contribuables helvétiques qui dissimulent de l’argent et qui restent protégés par le secret bancaire.

Autre discours à droite, et plus particulièrement à l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice), qui entend maintenir coûte que coûte le secret bancaire en Suisse. En 2013, la droite a lancé l’initiative «Oui à la protection de la sphère privée»Lien externe (dite aussi «Initiative Matter»), qui entend inscrire le secret bancaire dans la Constitution. Le peuple devrait se prononcer fin 2016 ou début 2017.

Proche de la droite, la «Neue Zürcher Zeitung» explique d’ailleurs dans son édition de jeudi que le secret bancaire n’a «jamais été pensé comme un moyen d’encourager la soustraction fiscale volontaire ou d’aider certaines banques à mener un négoce lucratif», mais qu’il est plutôt «l’expression d’une compréhension libérale de la valeur de la protection de la sphère privée». 

Entre ces deux camps, le gouvernement penchait jusqu’à présent plutôt pour le premier. Il proposait une réforme du droit pénal fiscal, avec notamment des sanctions beaucoup plus lourdes pour la soustraction fiscale et des possibilités pour les autorités d’élargir la gamme des moyens utilisables dans le cadre des enquêtes contre les contribuables indélicats. Actuellement, ceux-ci risquent au pire une amende.

A droite toute

Mais mercredi, changement de cap. Lors de sa séance hebdomadaire, le Conseil fédéral a annoncé sa décision de «reporter» cette décision. Le gouvernement a expliqué qu’«à l’heure actuelle, les chances de succès de ce projet de révision sont faibles sur le plan politique».

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Plus clairement, cela signifie que la forte progression de la droite lors des élections fédérales du mois dernier laisse peu de chances à l’acceptation de la révision par le parlement. 

Ce constat est partagé par la plupart des médias. Ainsi pour la «Tribune de Genève», cette décision «correspond au nouveau rapport de force des partis décidé par les citoyens lors des élections fédérales. La révision du droit pénal fiscal n’avait plus aucune chance au Conseil national. Le gouvernement a donc préféré, sans état d’âme, une mort rapide à une lente agonie».

Le commentateur du «Téléjournal» du la Radio-télévision suisse (RTS) est du même avis. «Ce à quoi nous assistons aujourd’hui, c’est sans doute une première manifestation concrète du fameux virage à droite», a-t-il déclaré.

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Widmer-Schlumpf perdante ou tacticienne?

La ministre des Finances Eveline Widmer-Schlumpf, qui vient d’annoncer son retrait pour la fin de l’année, avait fermement soutenu cette réforme. Pour plusieurs commentateurs, le report de la révision est donc le premier signe qu’une page se tourne.

Mais cette défaite de la ministre doit être tempérée. «Eveline Widmer-Schlumpf perd sur ce coup, mais n’oublions pas qu’auparavant, elle avait tout gagné. Si lors de son élection en 2007, on avait dit à un banquier que huit ans plus tard, la Suisse s’apprêterait à introduire l’échange automatique d’informations, il vous aurait pris pour un fou. Cette folie, aujourd’hui, plus personne ne la conteste et ça, c’est très largement l’œuvre d’Eveline Widmer-Schlumpf», note le correspondant parlementaire du «Téléjournal».

Certains chroniqueurs voient même dans ce report une décision tactique. «Désormais, peu de temps avant son retrait du gouvernement, la ministre des Finances est debout sur les freins pour des raisons tactiques. Si l’initiative Matter trouvait une majorité devant le peuple et les cantons, un meilleur accès aux données bancaires serait enterré pour des années. C’est ce que veut éviter le Conseil fédéral, qui rejette l’initiative», explique par exemple la «Südostschweiz».

Mais finalement, l’histoire donnera peut-être raison à la ministre démissionnaire. «Ce n’est une fois de plus qu’une question de temps jusqu’à ce que la Suisse s’aligne sur les standards internationaux, y compris à l’intérieur de ses frontière», note le «Tages-Anzeiger».

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