La valeur locative: impôt réel pour revenu fictif
En Suisse, les impôts sont plus lourds lorsque l’on habite dans son propre logement. L’imposition de ce que le jargon fiscal nomme la «valeur locative» est une singularité helvétique. Plusieurs tentatives pour supprimer ce système ont déjà échoué. Mais le dossier refait surface et promet de susciter un vif débat.
Au moment de remplir leur déclaration d’impôts, les Suisses qui résident dans leur propre appartement ou maison doivent remplir une case intitulée valeur locative. Il s’agit d’un revenu fictif correspondant au revenu que les propriétaires obtiendraient s’ils mettaient leur bien en location.
Souvenir de la Première Guerre
Ce revenu fictif s’ajoute aux revenus réellement gagnés par le contribuable. Résultat: son assiette fiscale devient plus importante et il doit payer davantage d’impôt.
Cette valeur locative avait été créée durant la Première Guerre mondiale. Elle était destinée à compenser les droits de douanes de la Confédération, qui s’étaient effondrés en raison de conflit.
Sensée être provisoire, cette valeur locative a été régulièrement prolongée, jusqu’à devenir définitive en 1958.
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Une suppression qui ferait des heureux et des malheureux
Egalité de traitement
La valeur locative a aussi pour but d’établir une certaine égalité de traitement entre tous les contribuables, qu’ils soient propriétaires ou locataires, étant donné que ces derniers n’ont pas la possibilité de déduire leur loyer de leurs revenus sur la déclaration d’impôts.
En contrepartie de l’imposition de la valeur locative, les propriétaires ont le droit de déduire de leur revenu les intérêts de leur dette hypothécaire ainsi que les frais d’entretien ou de rénovation de leur bien immobilier.
Alors, la valeur locative représente-t-elle une charge fiscale supplémentaire pour les propriétaires? Eh bien, tout dépend de la situation.
Pour un propriétaire âgé par exemple, qui n’a plus de charge hypothécaire importante et qui ne fait plus de travaux de rénovation, la valeur locative constitue clairement une charge fiscale supplémentaire qui peut être perçue comme injuste.
En revanche, pour un propriétaire qui a une dette hypothécaire importante ou qui possède un bâtiment nécessitant d’importantes rénovations, le système peut être favorable et même conduire à une baisse de la charge fiscale, si le montant des intérêts ou des travaux dépasse le montant de la valeur locative.
Dossier sensible
Régulièrement, des voix s’élèvent pour réclamer la suppression de la valeur locative. Parmi les griefs les plus fréquemment cités: le fait qu’elle augmente de manière fictive et injuste la charge fiscale des propriétaires, mais aussi qu’elle favorise leur endettement. Un problème lorsque l’on sait que les Suisses font partie des peuples les plus endettés du monde, surtout en raison des dettes hypothécaires.
Mais jusqu’à présent, toutes les tentatives ont échoué, tant au Parlement que dans les urnes. Le dernier vote populaireLien externe a eu lieu en 2012. Les citoyens avaient alors refusé de supprimer la valeurs locative pour les propriétaires à la retraite.
La Commission de l’économie et des redevancesLien externe (CER) du Conseil des Etats revient avec un nouveau projet de suppression. La proposition ne concerne que les résidences principales et ne changerait rien pour les résidences secondaires. Le projet, qui se veut équilibré, présente plusieurs variantes.
L’équilibre est en fait la clef du succès dans ce dossier très sensible. Il convient en particulier de ne pas donner le sentiment de faire un «cadeau» aux propriétaires dans un pays où environ les deux tiers de la population vit en location. Député socialiste et président de l’Association suisse des locataires (ASLOCALien externe), Carlo Sommaruga averti par exemple d’ores et déjà que son organisation mettra son veto à un projet défavorable aux locataires.
Il sera cependant impossible de contenter tout le monde. Avec la suppression de la valeur locative, il y aura de toute façon des gagnants et des perdants.
Le projet part maintenant en procédure de consultation. Il sera ensuite discuté au Parlement, puis éventuellement soumis au peuple. Nul doute que le thème de la valeur locative occupera la Suisse politique durant bien quelques mois.
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