Gaza asphyxiée comme le processus de paix
A Gaza, une cinquantaine de parlementaires européens, dont trois suisses, dénoncent le blocus du territoire. Le chercheur américain Robert Malley salue ce geste et préconise une remise en question fondamentale du processus de paix lancé il y a près de 16 ans.
Un an après l’offensive israélienne sur Gaza, trois parlementaires suisses ont retrouvé une cinquantaine de parlementaires européens dans ce territoire contrôlé depuis juin 2007 par les islamistes du Hamas.
Forts de cette visite, les parlementaires vont exiger la fin du blocus mené par Israël et l’Egypte. Une démarche appuyée entre autre par l’ONG Amnesty International.
«Israël soutient que le blocus de Gaza, en vigueur depuis juin 2007, répond aux attaques à la roquette que des groupes armés palestiniens ont menées sans discrimination sur le sud d’Israël à partir de la bande de Gaza. Le fait est qu’au lieu de viser des groupes armés, ce blocus punit toute la population de la bande de Gaza en imposant des restrictions aux livraisons de nourriture, de médicaments, de fournitures scolaires et de matériaux de construction», souligne l’ONG britannique.
Une population asphyxiée
L’opération Plomb durci menée par l’armée israélienne du 27 décembre 2008 au 18 janvier 2009 n’a fait qu’accentuer à l’extrême l’isolement et le dénuement de la bande de Gaza où vivent près d’1,5 millions d’habitants.
Résultat, selon Amnesty International: «Le blocus asphyxie la population, dont plus de la moitié est constituée d’enfants, dans pratiquement tous les aspects de la vie quotidienne. On ne peut laisser se poursuivre l’isolement et la souffrance dans lesquels elle est de plus en plus plongée.»
Une évaluation partagée par les parlementaires suisses. «Nous allons demander à la Suisse de s’engager et d’inciter d’autres pays à lancer un processus mettant fin au blocus de Gaza. Seul un tel arrêt permettra la reconstruction de Gaza», affirme le député Joseph Zisyadis (gauche de la gauche), qui était accompagné du socialiste Jean-Claude Rielle et de l’écologiste Geri Müller.
A quoi bon ?
Ancien diplomate suisse au Proche-Orient, Yves Besson doute fortement qu’une telle mobilisation ait un quelconque effet sur le terrain. «Cela fait au moins 30 ans que ça dure. Ce genre d’action ne mène à rien. J’en ai pourtant croisé des parlementaires quand j’étais directeur de l’UNWRA (agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens) à Jérusalem de 1990 à 1992.»
Un doute que partage Joseph Zisyadis: «Je me pose chaque fois cette question avant de partir. Mais à chacun de mes retours, j’ai l’intime conviction qu’il est indispensable que les habitants de Gaza et les Palestiniens en général ne se sentent pas abandonnés.»
Et le député de poursuivre: «Les responsables et les habitants que nous rencontrons nous le disent à chaque fois: notre présence est une bouffée d’oxygène.»
Egalement du voyage, le chansonnier vaudois Michel Bühler abonde: «Nous avons pu organiser un petit concert dans une école de musique. Les élèves et moi-même avons interprété quelques chansons. Une fois de plus, il était très important de montrer qu’ils n’étaient pas tout seuls. Leur grande crainte est que tout le monde les oublie.»
Joseph Zisyadis souligne un autre bienfait à ses intrusions de parlementaires dans le huis-clos de Gaza: «Je n’ose pas imaginer ce qui se passerait si nous ne menions pas ce genre d’actions. Ces voyages de solidarité constituent une pression sur les autorités israéliennes et égyptiennes responsables du blocus.»
Forcer le passage
Une évaluation positive que donne également depuis Washington Robert Malley: «Tout ce qui peut rappeler au monde la réalité de la situation à Gaza – un territoire frappé par un scandale humanitaire et une cécité politique – est le bienvenu. C’est donc une bonne idée que des parlementaires forcent le passage pour se rendre à Gaza et insistent sur la nécessité d’agir», souligne le responsable du programme Proche-Orient à l’International Crisis Group, un institut basé à Bruxelles.
Car pour l’heure, l’impasse est totale, selon l’ancien conseiller du président Clinton pour le Proche-Orient: «Cela fait un an que la guerre est terminée. Aucune des causes directes ou profondes de la confrontation de décembre 2008 n’a été empoignée. Le blocus demeure en place. Le Hamas n’est pas en mesure de gouverner Gaza. Il est donc tenté par d’autres solutions. Israël reste inquiet, vu la quantité d’armes qui est introduite à Gaza. L’échange de prisonniers n’a toujours pas eu lieu. Il n’y a pas de cessez-le-feu formel entre les deux parties.»
Et Robert Malley d’insister: «la continuation du blocus alimente le mécontentement populaire. Mais il renforce l’emprise du Hamas sur la bande de Gaza. A force d’assécher les échanges économiques et commerciaux, le monopole retombe dans les mains de ceux-là même qu’on cherche à affaiblir, soit le Hamas.»
«Quant bien même la population se retournerait politiquement contre le Hamas, ajoute le chercheur américain, elle n’a pas les moyens de transformer ce mécontentement en mouvement politique. Pendant ce temps, l’emprise du Hamas s’approfondit.»
Robert Malley salue donc au passage la diplomatie suisse et sa volonté de maintenir le dialogue avec toutes les parties, y compris le Hamas, un parti qui figure sur la liste européenne des organisations terroristes.
«Cette ouverture est essentielle, alors que le paysage politique des deux parties est plus émietté que jamais. On ne peut plus privilégier certains interlocuteurs (comme le Fatah, ndlr), puisqu’ils ne sont plus en mesure de conduire les événements sur le terrain.»
Changer de cadre
L’impasse à Gaza est d’ailleurs à l’image de l’ensemble du processus de paix entre Israéliens et Palestiniens, selon Robert Malley: « Aux Etats-Unis et en Europe, il y a une forte volonté d’en revenir aux négociations. Mais à quoi bon, répondent les principaux intéressés. Israéliens et Palestiniens sont en effet désabusés à la fois sur la méthode de négociations entre les deux parties et sur l’objectif, soit un accord de statut final qui résoudrait tous les problèmes.»
Et le chercheur de préciser: «Aujourd’hui, les Palestiniens estiment que la paix doit être imposée par la communauté internationale. Les Israéliens, eux, disent qu’on ne peut pas obtenir une paix totale et qu’il faut donc y aller par étapes. Ces conclusions sont aux antipodes l’une de l’autre. Mais le constat de départ est identique: il faut une méthode, des instruments et des objectifs nouveaux, sans quoi on va répéter un processus qui s’est révélé très couteux pour les deux parties.»
Frédéric Burnand, Genève, swissinfo.ch
Israël a rejeté l’appel d’Amnesty International à la levée du blocus de la bande de Gaza.
«Les Palestiniens de Gaza sont sous la férule du régime du Hamas qui place le jihad contre Israël au-dessus du bien-être de la population», affirme Mark Regev, un porte-parole du gouvernement israélien.
«Tout comme son patron, le régime iranien, le Hamas n’a pas le moindre scrupule à sacrifier la population civile sur l’autel de sa politique extrémiste», ajoute Mark Regev.
L’opération militaire israélienne s’est déroulée du 27 décembre 2008 au 18 janvier 2009. Elle a causé 1400 morts côté palestinien, dont des centaines de civils, et 13 côté israélien.
Ce lundi, 11 ONG palestiniennes ont réclamé aux autorités palestiniennes à Gaza et en Cisjordanie d’ouvrir une enquête sur des allégations de crimes de guerre palestiniens durant l’offensive israélienne à Gaza, il y a un an.
Les 11 groupes de Défense des droits de l’Homme ont adressé des lettres identiques au président de l’Autorité palestinienne Mahmud Abbas, basé en Cisjordanie, et au Premier ministre du gouvernement du mouvement islamiste Hamas, Ismaïl Haniyeh, qui contrôle la bande de Gaza.
Dans ces lettres, ces associations les pressent de suivre les recommandations de la commission Goldstone qui pointent les « crimes de guerre » qu’aurait commis l’armée israélienne durant son opération Plomb durci, et ceux qu’auraient également perpétrés le Hamas et d’autres groupes armés palestiniens opérant à Gaza.
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