A l’étranger, les retraités n’auront pas la vie plus douce
En Suisse, le peuple et le parlement se prononceront prochainement sur des réformes radicales du système de retraite. Des changements qui toucheront de plein fouet des centaines de milliers de personnes vivant hors du pays. D’importants sacrifices se profilent à l’horizon des futurs retraités.
Pour mesurer la portée de la votation du 25 septembre sur l’initiative populaire «AVSplus: pour une AVS forte» à l’étranger – qui propose d’augmenter de 10% toutes les rentes de vieillesse, il suffit de jeter un coup d’œil sur les statistiques: en 2015, sur un total de près de 2,2 millions de bénéficiaires de l’assurance vieillesse et survivants (AVS), 721’000 – parmi lesquels 104’000 Suisses et près de 617’000 étrangers – résidaient à l’étranger. Cela correspond à près d’un tiers du total des rentiers de l’AVS.
Une proportion qui devrait encore augmenter dans les années à venir. Entre 2005 et 2015, la croissance des bénéficiaires de l’AVS à l’étranger a en effet été supérieure à celle des bénéficiaires en Suisse, comme le montre ce graphique:
La tendance à la hausse se reflète également dans les statistiques des retraités qui ont émigré de la Suisse au cours des dernières années:
Contrairement aux bénéficiaires de l’AVS en Suisse, ceux qui résident à l’étranger n’ont pas droit aux prestations complémentaires destinées aux personnes dont la rente ne couvre pas le minimum vital, ni à l’allocation versée aux grands invalides.
En revanche, ils bénéficient des rentes pour les conjoints et les enfants – en 2015, près de 39’000 bénéficiaires ont perçu au total 6,4 millions de francs, ainsi que des rentes pour les veuves et les orphelins – environ 103’000 bénéficiaires pour un total de 56,2 millions de francs. Des changements radicaux pourraient toutefois intervenir dans ce domaine.
Dans le cadre de la réforme «Prévoyance vieillesse 2020»,Lien externe la commission préparatoire du Conseil national (Chambre basse du Parlement) proposeLien externe d’abolir les rentes pour enfants: dès l’entrée en vigueur de la réforme, plus aucune nouvelle rente pour enfants ne serait versée aux bénéficiaires de l’AVS. Une mesure valable tant en Suisse qu’à l’étranger.
Le système des trois piliers
La prévoyance vieillesse en Suisse est structurée selon le système dit des trois piliers. Le premier pilier est l’assurance vieillesse et survivants (AVSLien externe), qui est obligatoire pour tous et censée garantir le minimum vital à la retraite.
Le deuxième pilier, la prévoyance professionnelle (PPLien externe), est obligatoire pour les employés et vise à préserver le niveau de niveau de vie antérieur à la retraite.
Le troisième pilier, la prévoyance privée facultative, est destinée à couvrir les besoins personnels supplémentaires.
La commission ne veut par ailleurs plus accorder de rentes pour orphelins à des enfants adoptés qui résident à l’étranger.
L’âge de la retraite relevé à 67 ans?
Les jeux sont toutefois loin d’être faits. La réforme «Prévoyance vieillesse 2020» sera débattue du 26 au 30 septembre au Conseil national. Parmi les principales mesures présentées par le gouvernement figure le relèvement de l’âge de départ à la retraite. A commencer par celui des femmes, qui devrait être relevé au même niveau que celui des hommes: il passerait progressivement de 64 à 65 ans sur une durée de trois ans.
Adoptée par le Conseil des Etats (Chambre haute), cette mesure est soutenue par la commission du Conseil national et a donc une bonne chance d’être adoptée par le plénum.
La commission du Conseil national souhaite en revanche aller plus loin que le gouvernement dans d’autres domaines. Il entend ainsi relever automatiquement l’âge de la retraite à 67 ans si le fonds AVS n’est plus assez rempli et qu’aucune réforme n’est engagée par le monde politique. En parallèle, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) serait augmentée au maximum de 0,4 point de pourcentage. Selon des projections, ce scénario pourrait se réaliser en 2035.
Il est certain que cette proposition, soutenue par la droite et les milieux patronaux, se heurtera à de fortes résistances. Même si elle devait être approuvée par le Conseil national, elle aura certainement de la peine à trouver une majorité au Conseil des Etats, de composition plus centriste.
Baisse du taux de conversion
La baisse du taux de conversion des rentes du deuxième pilier de prévoyance (LPP) de 6,8 à 6% semble pour sa part en bonne voie. Ce taux, qui convertit en rentes de retraite le capital accumulé tout au long de la vie professionnelle, est calculé au moment du départ à la retraite et reste ensuite inchangé jusqu’à la mort du bénéficiaire.
Concrètement, si une personne dispose aujourd’hui d’un capital de 100’000 lors de son départ à la retraite, elle percevra une rente annuelle de 6800 francs. Avec un taux de 6%, sa rente ne serait plus que de 6000 francs. Le nouveau taux ne s’appliquerait pas aux personnes qui, à l’entrée en vigueur de la réforme – prévue en 2018, ont déjà atteint 50 ans.
Pas d’augmentation des rentes AVS
Pour compenser le relèvement de l’âge de la retraite des femmes et la baisse du taux de conversion du deuxième pilier, le Conseil des Etats avait décidé d’augmenter de 70 francs par mois toutes les rentes de vieillesse et d’élever à 155% (contre 150% actuellement) le taux maximum des rentes AVS pour les conjoints par rapport à ce que touche une personne célibataire.
Une mesure qui allait dans le sens d’un compromis en direction de l’initiative «AVSplus» lancée par les syndicats. Mais là aussi, les déçus risquent d’être nombreux. La commission propose au Conseil national de biffer cette disposition. La majorité de droite au plénum suivra très probablement cette proposition.
Exigences des Suisses de l’étranger ignorées
L’affiliation à l’AVS est obligatoire pour tous les résidents en Suisse, qu’ils soient salariés, indépendants ou sans activité lucrative. Les citoyens suisses ou d’un Etat-membre de l’UE ou de l’AELE qui n’ont pas encore atteint l’âge de la retraite et qui déménagent dans un pays en-dehors de l’UE ou de l’AELE ont la possibilité de s’affilier à l’AVS facultative s’ils ont précédemment cotisé durant au moins 5 ans de manière ininterrompue à l’AVS obligatoire.
L’Organisation des Suisses de l’étranger (OSELien externe) a saisi l’occasion de la réforme «Prévoyance vieillesse 2020» pour demander de réduire cette période à trois ans. Dans le contexte actuel de grande mobilité internationale, où un nombre toujours plus important de jeunes Suisses font des va et vient entre plusieurs pays pour des raisons professionnelles ou dans le cadre de leur formation, il est fondamental de pouvoir s’affilier à l’AVS facultative afin d’éviter des lacunes dans les années de cotisation, explique Robert Engeler, membre de la présidence Lien externede l’OSE.
Ces périodes sans cotisation ont en effet des répercussions négatives sur les rentes futures. «Des milliers de personnes sont ainsi pénalisées. Il s’agit d’un frein à la mobilité, alors que c’est un facteur important dans de nombreuses professions», relève-t-il. Ni le gouvernement ni le parlement n’ont pour l’heure donné suite à cette revendication.
Faudra-il à l’avenir obligatoirement travailler plus longtemps pour sauver nos rentes de retraite? Votre avis nous intéresse.
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