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Guerre en Ukraine: les familles suisses ouvrent leurs portes aux victimes

Enfant regardant à travers la fenêtre d un bus
La plupart des personnes qui fuient l'Ukraine sont des femmes et des enfants. Copyright 2022 The Associated Press. All Rights Reserved

Avec la guerre en Ukraine, l’Europe connaît sa plus grande vague de réfugié-es depuis la Seconde Guerre mondiale. À l’instar d’autres pays, le gouvernement suisse a décidé d’accueillir les personnes fuyant les combats. En raison de leur nombre toujours croissant, particuliers et familles d’accueil sont très sollicités.

Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux réfugiés (HCR), la guerre a déjà fait se déplacer depuis le 24 février quelque dix millions de personnes d’Ukraine, dont bientôt 4 millions ont trouvé refuge hors de leurs terres. Généralement dans des pays limitrophes, parmi lesquels la Pologne. Mais des déplacements s’opèrent aussi de plus en plus vers l’Ouest. Jusqu’en Suisse où l’on attend près de 20’000 réfugié-es d’ici fin mars. Mais «beaucoup d’autres sont encore attendu-es», admet Andreas Freimüller, cofondateur de Campax, une plateforme qui recense les possibilités d’accueil.

L’élan de solidarité est tel que des dizaines de milliers de personnes et de foyers en Suisse ont depuis un mois proposé d’ouvrir leurs portes ou de leur venir en aide. «Chaque geste est un pas», résume Milena Novak. Ressortissante polonaise d’une quarantaine d’années, elle vient d’accueillir, chez elle à Zurich, une mère et ses deux enfants. «Si vous ne pouvez pas fournir une chambre, donner de l’argent ou sinon des vêtements constitue aussi un soutien», dit-elle.  

Accueil sans précédent

Les personnes qui fuient bénéficient ici, sur ordre du gouvernement suisse, d’un permis temporaire S. Un sésame qui leur permet de vivre et de travailler durant une année en Suisse. Introduit dans les années 1990 en réponse à la guerre en Bosnie, ce permis n’avait jamais été activé depuis. Néanmoins l’élan actuel contraste avec les vagues liées aux guerres en Syrie ou en Afghanistan.

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«La réaction actuelle rappelle celle de la Suisse après l’invasion soviétique de la Hongrie en 1956 et de la Tchécoslovaquie en 1968. Nous étions directement concerné-e-s par la Guerre froide à notre porte», rappelle Andreas Freimüller.

Pour l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), l’organe qui supervise le placement des personnes venues d’Ukraine en Suisse, c’est la réponse de l’Etat qui diffère comparée aux vagues précédentes. En effet, dans son ensemble, la population suisse a toujours fait preuve de générosité, notamment durant la crise migratoire de 2015. Pour la porte-parole de l’OSAR, Eliane Engeler, «si cette solidarité a toujours été manifeste au sein de la population, il n’en a pas été de même de la politique fédérale».

«Le fait que ce sont surtout des femmes et des enfants qui viennent d’Ukraine a peut-être davantage attiré l’attention», affirme Laure, 48 ans, une Française qui habite dans le canton de Vaud. Récemment, elle vient d’ouvrir son domicile à une mère et à sa fille en provenance d’Ukraine.

En comparaison de la guerre en Syrie où ce sont surtout de jeunes hommes qui ont fui, le nombre de femmes et d’enfants est cette fois-ci prédominant. Il est vrai aussi que Kiev a introduit la loi martiale en réponse à l’invasion russe. Elle exige que les hommes en âge de se battre – de 18 à 60 ans – restent au pays.

Connivences dans les familles d’accueil

Mais le défi est de taille pour assurer leur protection. Les rapporteurs de l’ONU ont déjà alerté quant aux risques encourus en matière de trafic d’êtres humains et de violences sexuelles, en particulier à l’égard des femmes et des enfants. Comment l’accueil dans de nouveaux foyers et familles s’opère-t-il en Suisse?

Un logiciel facilitant les placements chez des particuliers a été mis en service par la plateforme Campax. Mais selon Andreas Freimüller, c’est l’OSAR, organe indépendant de la Confédération, qui coordonne tout le processus. Eliane Engeler résume les critères d’attribution dans les familles. Des réfugié-es qui ont par exemple déjà des liens de parenté en Suisse ou qui ont déjà des ami-es peuvent demander à vivre dans ces cercles-là. L’équation se pose aussi entre personnes réfugiées et espaces disponibles. Le fait que des familles possèdent par exemple des animaux domestiques entre en ligne de compte. Enfin, une langue commune doit pouvoir être parlée (anglais, français, ukrainien parfois).

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Autre élément: la sécurité. Le casier judiciaire des hôtes potentiels est vérifié pour que l’État puisse se prémunir contre les risques d’abus. Des demandes sont écartées si des doutes subsistent. L’OSAR œuvre avec des organisations telles que Caritas et la Croix-Rouge pour garantir cet accueil. Des numéros de téléphone ont été fournis, tant aux familles qu’aux personnes réfugiées, pour appeler en cas de difficultés. Une ligne d’assistance a également été mise à disposition par l’OSAR. «En amont des arrivées, nos partenaires rendent également visite aux familles qui se proposent», précise encore Eliane Engeler.

Concrètement, les familles doivent pouvoir proposer un logement pour une période d’au moins trois mois. Si l’hébergement ne peut se prolonger, des arrangements sont étudiés entre l’OSAR et les organisations associées. Les familles mettent à disposition des logements jusqu’à ce que les réfugié-es soient indépendant-es pour financer via leurs propres ressources leurs futurs appartements. Si des adultes ou mineur-es non accompagné-es souffrent de traumatismes, le placement dans des familles n’est en revanche pas conseillé.

En terme de soutien financier, les réfugié-es avec permis S ont le droit de travailler en Suisse, mais bénéficient également de prestations sociales couvertes par les cantons. À eux de décider s’ils veulent fournir d’autres aides.

Processus trop lent?

Pour éviter tout autre problème sécuritaire, la Confédération déconseille aussi aux personnes réfugiées d’accepter des offres privées. Enregistrée sur Campax, Milena Nowak a été contactée par une famille d’Ukraine via Facebook. Arrivée en Suisse voici environ quinze jours, une nouvelle vie a maintenant commencé pour elle.

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Si Milena juge «normal» que le gouvernement suisse et les organisations précitées vérifient les antécédents pour éviter tout abus, elle avoue que les réseaux sociaux offrent plus de souplesse pour répondre à l’urgence. 

Aujourd’hui, plus de 100’000 lits ont déjà été proposés par des familles d’accueil en Suisse. Et de nombreuses personnes attendent des réponses.

Laure s’est inscrite, elle aussi, chez Campax. Mais quand elle a vu sur Facebook qu’un habitant de sa localité était allé chercher lui-même des familles à la frontière ukrainienne, elle l’a alors contacté directement pour en accueillir. Ceci avant que la plateforme Campax lui accorde définitivement le feu vert.

En attendant, Laure promet de fournir les biens de première nécessité (vêtements, nourriture) à une mère de 53 ans et à sa fille de 16 ans, les deux hébergées aujourd’hui dans une chambre d’amis. Laure ne s’est pas encore renseignée auprès des autorités compétentes sur les subventions dont ces dernières bénéficient. «Cela me convient pour quelques mois», lâche-t-elle.

Aujourd’hui, sa principale préoccupation est surtout de savoir comment cette mère et sa fille pourront assurer leur indépendance financière. Laure croise les doigts pour que les permis S, les bons alimentaires et d’autres aides soient délivrés le plus rapidement possible. «Pour les réfugié-es dans leur ensemble, il n’est pas aisé de recevoir sans contribuer à quelque chose, même si nous n’avons rien contre le principe de les aider sans rien recevoir», confie-t-elle.

Laure et Milena affirment ne pas regretter d’avoir endossé leur rôle d’hôtes. Contentes aussi que leurs communes respectives aient facilité les démarches. Preuve en est, les enfants sont déjà aujourd’hui sur les bancs d’école. «Une expérience positive et enrichissante en ce qui me concerne», conclut Laure.

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(Traduction de l’anglais: Alain Meyer)

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