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«Il faut un débat sur les valeurs de la Suisse»

Le 12 décembre déjà, les Neuchâtelois ont fêté «leur» président de la Confédération. Keystone

Le ministre suisse des Affaires étrangères Didier Burkhalter assume dès aujourd’hui la présidence tournante de la Confédération. Dans une interview à swissinfo.ch, il fait le point sur les principaux dossiers qui l’attendent en 2014: l’avenir de la voie bilatérale avec l’Union européenne, la présidence de l’OSCE et un vote crucial sur l’immigration en février.

Le nouveau président du collège gouvernemental, qui succède au ministre de la Défense Ueli Maurer, insiste aussi sur la nécessité de maintenir de bonnes relations avec les pays voisins, malgré les différends fiscaux.

swissinfo.ch: Votre prédécesseur aimait dépeindre la petite Suisse sous pression de l’étranger. Vous-même, quelle image du pays souhaitez-vous donner au niveau international?

Didier Burkhalter: J’aimerais dire que je m’entends très bien avec Ueli Maurer. Nous avons d’autres conceptions et d’autres visions, mais nous parvenons très souvent à nous entendre. C’est le miracle suisse du collège gouvernemental que d’amener des personnalités différentes à s’entrechoquer positivement pour essayer de trouver la meilleure solution pour tous.

Nous avons défini clairement la vision de la présidence. Nous souhaitons qu’il y ait un débat sur la position et les valeurs de la Suisse dans le monde. Mais un débat concret et non idéologique qui se base sur des discussions autour de trois domaines phare: la jeunesse, le travail et l’ouverture.

swissinfo.ch: Vous serez cette année à la fois ministre des Affaires étrangères, président de la Confédération et président de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe). Comment allez-vous organiser les priorités?

D. B. : L’activité gouvernementale implique de savoir aller à l’essentiel et de donner les priorités là où elles doivent être. Evidemment, ces priorités sont clairement marquées par les nécessités et les grandes lignes de la présidence de la Confédération.

Au fond, la présidence de l’OSCE ne fait que s’y ajouter. Mais ce qui est positif, c’est que cela se rejoint sur bien des points. Le fait d’être président de la Confédération permet par exemple un contact plus facile au niveau des chefs d’Etat.

swissinfo.ch: On vous décrit parfois, notamment dans les médias, comme un homme politique manquant de relief. Allez-vous profiter de cette année présidentielle pour «redorer votre blason» auprès de la population?

D. B. : La présidence implique davantage de charges et de responsabilités. Je serai donc amené à être un peu plus présent tant en Suisse qu’à l’étranger. Mais je vais rester moi-même. Je ne vais pas changer parce que je suis président. J’ai une ligne et je m’y tiens.

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swissinfo.ch: Les relations avec l’UE constitueront cette année encore l’un des grands thèmes de la politique suisse. Comment voyez-vous l’évolution de ce dossier?

D. B. : Il s’agit de régler certaines questions institutionnelles, parmi lesquelles la reprise du droit européen qui est nécessaire à l’application de nos accords bilatéraux, de sorte que les acteurs suisses qui jouent un rôle dans le marché intérieur de l’UE aient les mêmes chances que les autres.

Nous avons fait des propositions afin de résoudre ces questions en poursuivant deux objectifs: que la Suisse puisse maintenir son niveau de prospérité tout en gardant sa souveraineté. Ces propositions ont été très bien accueillies par les cantons et les commissions parlementaires. Le gouvernement a d’ailleurs approuvé le mandat de négociation, le 18 décembre dernier. Nous attendons maintenant le mandat de négociations de l’UE pour pouvoir entamer les négociations. Au final c’est le parlement et peut-être le peuple qui auront le dernier mot.

Le but du gouvernement est de montrer que l’objectif est très clairement de rénover la voie bilatérale et que celle-ci est la seule à avoir un avenir en Suisse, en tous les cas pour ces prochaines décennies. Cette rénovation est nécessaire si l’on veut conserver la voie bilatérale. Or nous avons tous intérêt à une relation forte entre la Suisse et l’UE.

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swissinfo.ch: En février, les citoyens voteront sur une initiative populaire demandant une limitation de l’immigration. Si elle était acceptée, cela pourrait nuire aux relations avec l’UE. Comment allez-vous convaincre les citoyens de la rejeter?

D. B. : La réponse tient en trois points. D’abord, il faut faire passer clairement le message que la Suisse est dans une situation plutôt favorable depuis une quinzaine d’années, notamment grâce aux accords bilatéraux et plus particulièrement à la libre circulation des personnes. Le système suisse d’immigration et d’intégration mais aussi celui des bilatérales ont fait leurs preuves.

Ensuite, il faut reconnaître qu’il existe des problèmes, comme le dumping salarial. Mais ces problèmes sont pris au sérieux par le Conseil fédéral. Des mesures d’accompagnement ont été décidées, les contrôles sont plus systématiques. Concernant les autres problèmes souvent évoqués, comme les infrastructures, ils ne sont pas uniquement liés à la libre circulation des personnes et là également le Conseil fédéral prend des mesures. Le 9 février, on votera par exemple également sur un arrêté permettant de financer des améliorations du réseau ferroviaire.

Enfin, il faut insister sur le fait que l’initiative ne résout rien. Le système des contingents qu’elle propose est extrêmement lourd, bureaucratique et très cher pour les entreprises. La Suisse deviendrait ainsi économiquement moins attractive. Rappelons aussi que dans le passé, la Suisse a connu un système de contingents qui n’a pas enrayé l’immigration; dans les années 1960, elle était deux fois plus forte qu’aujourd’hui.

swissinfo.ch: Lorsque vous êtes arrivé à la tête des Affaires étrangères, il y a deux ans, vous aviez placé les relations avec les pays voisins en tête de la liste de vos priorités. Mais ces relations ne sont actuellement pas très bonnes, principalement dans le dossier fiscal.

D. B. : Cela reste vraiment l’une des grandes priorités de notre politique étrangère. Je pense qu’il faut investir encore plus d’efforts dans ce domaine.

Soulignons qu’il y a avec nos voisins un certain nombre d’aspects positifs. Avec la France, nous avons par exemple réussi à ouvrir un dialogue fiscal structuré que nous aimerions poursuivre. La Suisse a aussi été la première à se lancer dans le projet de l’Expo universelle de 2015 qui aura lieu à Milan et les choses se passent très bien avec l’Italie. Nous avons aussi lancé avec nos voisins des initiatives contre la peine de mort ou pour la protection de la sphère privée.

Donc, répétons-le, beaucoup de choses vont bien. Mais il est vrai que dans le domaine fiscal ou aussi des transports, il faut réussir une percée. Nous espérons beaucoup y parvenir grâce à une intensification des contacts avec les pays voisins durant cette année et les prochaines.

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swissinfo.ch: Les Suisses de l’étranger ne sont pas très satisfaits de la réorganisation des consulats opérée par vos services. Quel message aimeriez-vous leur faire passer?

D. B. : Je pense que la Suisse a beaucoup de chance d’avoir des Suisses à l’étranger. Ils sont tous quelque part nos ambassadeurs. Nous sommes parfaitement conscients de l’importance de cette 5e Suisse.

Concernant les consulats, nous avons décidé d’utiliser au maximum de nouvelles façons de travailler avec pour objectif de maintenir la qualité des services. C’est ainsi qu’avec les consulats mobiles, il est possible d’aller dans des régions où l’on n’était jamais allé auparavant et où des Suisses sont installés.  Il y a aussi tous les outils liés aux nouvelles technologies. Presque toutes les affaires consulaires peuvent aujourd’hui être réglées par courrier électronique ou par téléphone. Le demandeur ne doit que rarement se déplacer en personne à la représentation. Autre exemple, le DFAE a mis sur pied une Helpline pour répondre aux questions des Suisses de l’étranger. Depuis le 1er mai 2012, elle fonctionne 24h24, 365 jours par an.

A notre sens, plutôt que de diminuer, les prestations ont même augmenté. Nous sommes convaincus que la réorganisation est nécessaire, d’autant que les moyens alloués au réseau diplomatique – 400 millions de francs par année  – n’ont pas augmenté au cours des dernières années.

La Suisse dispose actuellement de 170 représentations à l’étranger, dont 103 ambassades et 31 consulats. Comparé à d’autre pays de la taille de la Suisse, le réseau extérieur helvétique est l’un des plus denses.

Né en 1960, Didier Burkhalter est originaire du canton de Neuchâtel.

Après des études en économie politique, il s’est lancé en politique dans les années 1990 dans les rangs du Parti libéral-démocratique, aujourd’hui Parti libéral-radical (PLR / droite).

Il a gravi tous les échelons de la politique: membre du gouvernement de la ville de Neuchâtel, du parlement du canton de Neuchâtel, du Conseil national (chambre des députés) et du Conseil aux Etats (sénat).

Il a été élu au gouvernement fédéral le 16 septembre 2009. D’abord à la tête du Département fédéral de l’intérieur, il a repris celui des affaires étrangères en janvier 2012.

C’est la première fois qu’il accède à la présidence de la Confédération.

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