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Immigration: «La Suisse a besoin d’un plafond»

Pour l'association Ecopop, la croissance démographique est une menace suisse et mondiale. Keystone

L’initiative «Ecopop» visant à freiner l'immigration de manière plus stricte encore que celle «contre l'immigration de masse» ne trouve aucun écho dans les mondes économique et politique. Même pas chez les conservateurs de droite de l’UDC, qui font de la migration leur fonds de commerce. Economiste et membre de l’UDC, le professeur Hans Geiger soutient pourtant le texte.


L’initiative de l’association EcopopLien externe, un mouvement écologiste peu connu jusqu’à présent, exige des mesures pour que l’immigration en Suisse ne dépasse pas 0,2% de la population par an. En outre, 10% de l’aide publique au développement doit être consacré au planning familial dans le tiers-monde.

Ancien professeur de finance bancaire, Hans GeigerLien externe s’est présenté au congrès de plusieurs sections cantonales de l’Union démocratique du centre (UDC, droite conservatrice) en tant que partisan de l’initiative, contribuant à l’écho trouvé par le texte au sein de la base du parti, contrairement à sa direction. L’initiative Ecopop est à son avis beaucoup plus claire que le texte «contre l’immigration de masse» adopté par une courte majorité du peuple suisse en février dernier. Interview.

swissinfo.ch: Pourquoi soutenez-vous l’initiative? Est-ce l’immigration ou la pollution qui vous dérange?

Hans Geiger: Il ne s’agit pas, selon moi, seulement d’écologie. Une immigration nette de quelque 100’000 personnes par année n’est pas supportable, que ce soit en raison de la consommation des ressources ou de la situation de la société.

swissinfo.ch: Voulez-vous dire que la Suisse est envahie par les étrangers?

H.G.: Sur le plan quantitatif, la Suisse a manifestement un problème d’immigration beaucoup plus grand que les pays voisins. Sur le plan qualitatif, nous l’avons résolu beaucoup mieux que d’autres pays qui n’ont qu’une fraction de notre taux d’immigration. Mais cela ne peut pas continuer éternellement. On est de plus en plus à l’étroit.

Contenu externe

Tous les pays traditionnels d’immigration (Australie, Nouvelle-Zélande, Canada, Etats-Unis) ont une politique d’immigration. Maintenant, la Suisse a besoin de se donner un plafond quantitatif.

swissinfo.ch: Pourtant, l’histoire montre que les flux migratoires se dirigent là où il y a plus de bien-être, une meilleure qualité de vie.

H.G.: C’est vrai, mais ce n’est pas illimité. Cela ne va pas non plus dans l’intérêt des pays d’émigration. Si des médecins et des infirmières viennent ici parce qu’ils gagnent davantage, ils font défaut à leur pays d’origine, lequel a financé leur coûteuse formation. C’est opportuniste et injuste, surtout, quand c’est l’élite qui s’en va.

swissinfo.ch: Les défenseurs de l’initiative Ecopop affirment que l’immigration érode la qualité de vie. Et maintenant, vous dites que la Suisse profite de l’immigration.

H.G.: Depuis 2007, nous bénéficions de la totale libre circulation avec les Etats de l’UE. Depuis, le bien-être des Suisses et des étrangers qui vivaient déjà ici auparavant a plutôt diminué. La productivité par habitant stagne depuis 2007. Avant, elle était en constante augmentation.

swissinfo.ch: Cela pourrait être l’argument d’un syndicaliste.

H.G.: Oui. Ce que je viens de dire devrait venir en principe des syndicats. Je ne comprends pas pourquoi ceux-ci se trouvent dans l’autre camp.

swissinfo.ch: La plupart des économistes mettent en garde contre les effets dangereux de l’initiative. Vous-même êtes l’un des rares qui défendent publiquement l’initiative.

H.G.: Si j’étais entrepreneur, je m’engagerais aussi pour pouvoir engager le plus facilement possible des gens compétents et abordables sans me préoccuper de sécurité nationale, d’unité ou d’environnement.

swissinfo.ch: S’il n’y avait plus que 16’000 personnes pouvant immigrer chaque année, comme le prévoit l’initiative, l’économie ne disposerait plus d’un réservoir suffisant de main-d’œuvre qualifiée.

H.G.: Cet argument n’est pas recevable. Une limitation de l’immigration nette à 16’000 personnes signifie que ce seraient 91’000 personnes en tout qui pourraient immigrer parce que, en réalité, il y a chaque année environ 75’000 personnes qui émigrent.

swissinfo.ch: Le gouvernement suisse et les principaux partis politiques sont d’accord pour dire que l’acceptation de l’initiative signifierait la fin des relations bilatérales avec l’UE. Tenez-vous compte de ce fait?

H.G.: Le Conseil fédéral se positionne avec cette affirmation stupide. Dans le pire des cas, la convention de libre circulation des personnes devrait être résiliée. Mais l’UE ne dénoncera jamais, au grand jamais, les six autres accords bilatéraux. Elle n’a pas conclu ces traités pour rendre service à la Suisse, mais parce que ceux-ci servent aussi ses intérêts.

Peu de soutien

L’initiative populaire fédérale «Halte à la surpopulation – Oui à la préservation durable des ressources naturellesLien externe» de l’association Ecopop est soumise en votation le 30 novembre.

Le texte exige que le solde migratoire net (le nombre d’immigrants moins le nombre d’émigrants) ne dépasse pas 0,2% de la population, soit 16’000 personnes par année. En 2013 la population a augmenté d’environ 110’000 personnes.

Tous les grands partis, les associations économiques et les syndicats recommandent le refus de l’initiative. Elle est cependant soutenue par l’Action pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN).

Elle ne semble pas trouver grâce auprès de l’électorat, en tout cas pour l’instant. Selon un premier sondage de l’institut de recherche gfs.bern sur mandat de la SRG SSR, 35% des citoyens seulement auraient dit «oui» le 24 octobre.

swissinfo.ch: Même l’UDC, dont vous êtes membre, s’est exprimée contre votre initiative populaire.

H.G.: Mon parti aimerait surtout récolter les fruits de sa propre initiative «contre l’immigration de masse». Mais Ecopop est beaucoup plus claire. On ne peut pas diluer aussi facilement ce texte qu’on le fait actuellement avec celui de l’UDC.

swissinfo.ch: Les initiants affirment qu’il s’agit avant tout de la charge croissante de l’immigration sur l’environnement. Mais les problèmes écologiques ne s’arrêtent pas aux frontières nationales. Quelle différence cela fait-il si les étrangers consomment les ressources naturelles chez eux ou chez nous?

H.G.: Comme disait Gotthelf: ‘C’est à la maison que doit commencer ce qui illuminera la patrie’. Il revient à chaque pays de trouver ce qui est bon pour lui.

swissinfo.ch: N’est-ce pas un peu trop simple d’empêcher les immigrés de venir partager notre bien-être, sans remettre en cause notre propre mode de vie?

H.G.: Nous ne voulons pas empêcher les gens de quitter leur pays, au contraire: la deuxième partie de l’initiative essaie de réduire la croissance démographique puisqu’elle exige que 10% de l’aide au développement soit dépensé pour le planning familial. On ne réussira pas à améliorer le bien-être dans les pays pauvres s’il y a là-bas toujours plus de gens.

swissinfo.ch: Les organisations d’aide humanitaire disent que le planning familial ne fonctionne que si l’on améliore le niveau de formation pour que les femmes puissent s’émanciper, et non pas en distribuant des préservatifs.

H.G.: Il est vrai que le plus grand problème de ces pays est la position de la femme. Le contrôle des naissances volontaire ne signifie pas seulement ‘distribuer des préservatifs’, mais l’information, les soins médicaux, etc.

(Adaptation de l’allemand: Isabelle Eichenberger)

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