La Suisse n’a pas eu peur pour son or
La Banque nationale suisse ne sera pas obligée de détenir 20% de ses actifs sous forme de métal jaune, ni de rapatrier ses lingots stockés à l’étranger. L'initiative «Sauvez l'or de la Suisse» a été balayée dimanche par 77,3 % des votants. Aucun canton ne l'a acceptée.
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Résultats des votations du 30.11.2014
Satisfaction dimanche soir pour la ministre des finances Eveline Widmer-Schlumpf. Elle s’est réjouie que le peuple ait refusé de restreindre la marge de manœuvre de la Banque nationale suisse (BNS). L’or ne joue plus le même rôle qu’avant dans la politique monétaire. La BNS peut continuer de prendre des mesures pour éviter que le cours du franc ne s’envole. Un oui aurait eu des conséquences néfastes non seulement pour les exportations suisses, mais encore pour toute l’économie, a rappelé la grande argentière de la Confédération.
Satisfaction également du côté des partis gouvernementaux, qui tous ont fait part de leur soulagement à l’issue du scrutin.
Ce «niet» clair et net mettra fin aux spéculations boursières qui ont émaillé la campagne. Le cours de l’or avait alors fluctué au fil de la publication des sondages. Seuls près de 581’000 votants ont glissé un oui dans l’urne. Ils ont en revanche été environ 1,974 million à refuser de mettre des bâtons dans les roues de la BNS.
La plus forte opposition a été enregistrée dans le canton de Vaud (83%), dans le Jura (80,6%) et à Neuchâtel (80%).
L’initiativeLien externe, lancée par une frange de l’UDC, aurait interdit toute vente de métal jaune. Elle demandait en sus de ramener dans les cinq ans la part en or des actifs de la BNS à au moins 20%. Dernière exigence: rapatrier en deux ans les 20% des stocks entreposés à la banque d’Angleterre et les 10% aux mains de la banque du Canada.
Une «gifle»
Ce non cinglant est une preuve de la confiance qu’accordent les citoyens helvétiques à leur banque centrale, estime le député Dominique de Buman, membre du comité opposé au texte. Il en profite pour appeler l’UDC à «maîtriser ses électrons libres».
Grâce à la «gifle» qu’ont infligée dimanche les votants à l’initiative, la BNS pourra demeurer indépendante, a rappelé le démocrate-chrétien fribourgeois. Une indépendance qui contribue fortement «à faire de la politique monétaire suisse l’une des meilleures au monde».
Le rejet clair de l’initiative sur l’or est très important pour la Suisse, se réjouit Monika Rühl, directrice d’economiesuisse. La Suisse a besoin d’une banque nationale forte. Les banquiers centraux ont réussi à stabiliser le franc suisse. Pour faire fonctionner cette politique, la BNS a besoin de souplesse, comme elle l’a dit à la télévision alémanique.
Crédibilité intacte
«La crédibilité de la BNS n’a pas souffert», juge pour sa part l’économiste en chef chez UBS Suisse, Daniel Kalt. Il ne s’attend pas non plus à des effets majeurs du résultat du vote sur le marché de l’or. Mais selon lui, un succès de l’initiative aurait eu un effet «certain».
«L’action de la BNS aurait été très clairement péjorée, si elle avait été obligée de détenir 20% de ses fonds en or sans possibilité de vendre», explique Fernando Martins Da Silva, responsable de la politique de placement de la Banque cantonale vaudoise. «Sans compter que le niveau d’or qu’elle aurait eu en sa possession aurait été beaucoup trop élevé».
Vote électronique dans 12 cantons
Cette votation populaire fédérale a permis à douze cantons de mener à nouveau des essais de vote électronique. Depuis le premier de ces essais, le 26 septembre 2004, le vote électronique a été offert 31 fois lors de scrutins au niveau fédéral. Et plusieurs essais ont été menés au niveau cantonal et communal.
Les cantons de Genève et de Neuchâtel ont offert la possibilité de voter par voie électronique non seulement à leurs électeurs de l’étranger, mais également à des Suisses résidant dans le canton. S’agissant des dix autres cantons (Berne, Lucerne, Fribourg, Soleure, Bâle-Ville, Schaffhouse, Saint-Gall, Grisons, Argovie et Thurgovie), seuls les Suisses de l’étranger ont pu participer par voie électronique.
Sur environ 170’000 électeurs autorisés à voter via internet (3% de l’électorat), 27’586 ont fait usage de cette possibilité. Dans les douze cantons participant aux essais, jusqu’à 67,88% des votants de l’étranger ont fait usage du nouveau canal de vote.
(Source: Chancellerie fédérale)
«Avec ce non, on a évité un vote épidermique basé sur l’insécurité, se réjouit pour sa part Sergio Rossi, professeur d’économie monétaire à l’Université de Fribourg. Les Suisses ont pu réfléchir sur la politique monétaire du pays».
«Le peuple a vu qu’il s’agissait d’un chemin sans issue», a dit quant à lui le conseiller d’Etat zougois Peter Hegglin, à la tête de la Conférence des directeurs cantonaux des finances. Le fait que les cantons auraient pu perdre la manne provenant de la BNS a aussi pu jouer un rôle dans le résultat du scrutin, avance-t-il.
Principe de réalité
Dans le camp des perdants, le député UDC Luzi Stamm estime que la BNS a joué un rôle-clé pendant la campagne pour faire pencher la balance du côté du non. «La crédibilité de la Banque nationale est évidemment très élevée, a relevé le député, membre du comité d’initiative. Les électeurs ont été sensibles à l’argument que la BNS aurait été limitée dans sa politique monétaire, en particulier face à l’euro».
Pour le député UDC Guy Parmelin, «l’initiative partait d’une bonne intention», mais s’est heurtée au principe de réalité. Alors que le Vaudois était contre cette initiative à l’instar de la direction de l’UDC, la section vaudoise du parti avait penché pour le «oui» comme une vingtaine d’autres sections cantonales.
«L’initiative aura au moins permis d’obtenir des réponses à plusieurs questions concernant la politique monétaire du pays», a dit son collègue de parti, le Genevois Yves Nidegger, qui lui était membre du comité des défenseurs de l’initiative. Reste que le résultat du scrutin de dimanche «n’est pas brillant», a-t-il déploré.
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