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Un journaliste turc impressionné par le Parlement suisse

Juillet 2016: devant le consulat général de Turquie à Zurich, les partisans d'Erdogan manifestent leur soutien au président après le putsch manqué. Keystone

Les journalistes turcs qui se montrent critiques envers le pouvoir et n’ont pas (encore) été arrêtés se font rares. Mehmet Göcekli est l’un d’eux. Ami de la députée d’origine turque Sibel Arslan, il a pu suivre en invité la fin de la session de printemps au Palais fédéral. C’est là que swissinfo.ch l’a rencontré.

Mehmet Göcekli (à droite), en visite au parlement suisse avec deux amis turcs. swissinfo.ch

«Très bien», répond Mehmet Göcekli quand on lui demande son impression sur le Parlement suisse. «Authentique, abordable, proche du peuple». Bien sûr, il n’a pas tout compris du contenu des débats, mais il a trouvé particulièrement impressionnante la manière cordiale dont l’hémicycle a pris congé d’un collaborateur des services du Parlement, qui partait en retraite après de longues années de service. Des fleurs et des applaudissements des deux Chambres réunies pour un «huissier», l’hôte turc ne connaît pas ça dans son pays. Là-bas, il a dû s’habituer à ce que l’on n’applaudisse que les puissants.

Mehmet Göcekli a peur d’être à nouveau arrêté à son retour en Turquie. Ses activités politiques lui ont déjà valu de passer dix ans en prison. Mais pour lui, comme pour nombre de ses collègues, le combat pour la démocratie et la liberté d’expression est trop important pour se laisser intimider. Ses articles sont publiés sur Demokrat HaberLien externe, une plateforme Internet qui a toujours réussi, malgré les tentatives de blocage par les autorités, à diffuser ses informations également en Turquie.

Les médias pro-gouvernementaux dominent

C’est la députée binationale turco-suisse Sibel ArslanLien externe qui lui a permis de pénétrer au Parlement suisse. En 2015, quand cette membre des Verts avait réussi son entrée au Conseil national (Chambre basse du Parlement), la nouvelle avait fait les titres de pratiquement toute la presse turque, raconte Mehmet Göcekli. Mais depuis que les autorités d’Ankara savent qu’elle est une émigrée de seconde génération aux racines kurdes, les médias proches du gouvernement ne parlent plus d’elle.

Pourtant, Sibel Arslan n’est pas connue que des journalistes critiques, mais de tous les Turcs qui s’intéressent à la démocratie. «Et ces gens sont fiers de sa carrière politique en Suisse, explique son invité. Mais ce n’est qu’une minorité, la plupart des gens dans mon pays ne la connaissent pas, car ils ne lisent pas la presse, ou seulement la presse pro-gouvernementale».

Mehmet Göcekli n’a quant à lui pas de racines kurdes. Mais le jeune journaliste a des raisons de craindre pour sa liberté, car il écrit sur «la politique anti démocratique» du gouvernement Erdogan. Par exemple sur le fait qu’en Turquie, de nombreuses personnes qui ne soutiennent pas le parti au pouvoir sont arrêtées pour soupçons de terrorisme.

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Le conflit entre opposants et partisans du gouvernement turc s’est depuis longtemps exporté en Europe. A quelques jours du vote des Turcs sur la réforme constitutionnelle qui doit donner davantage de pouvoir au président, la campagne s’est durcie également en Suisse, où vivent près de 120’000 personnes ayant des racines turques. Les partisans d’Ergodan, mais aussi des groupes kurdes, prévoient d’autres manifestations politiques, ce qui inquiète les autorités suisses en charge de la sécurité. Mehmet Göcekli ne veut pas y participer, ni dans un camp, ni dans l’autre. Le risque de provocation ou d’affrontement est élevé. C’est le but des organisateurs, et c’est l’AKP, le parti au pouvoir, qui en profite au final.

Bonnes notes pour Burkhalter

Le journaliste turc reconnaît beaucoup d’habileté diplomatique au ministre suisse des Affaires étrangères. Didier Burkhalter a réussi, sans s’attirer les foudres d’Ankara, à dissuader son homologue turc Mevlüt Cavusoglu de tenir ses meetings en Suisse, qui auraient pu engendrer une escalade sur sol helvétique.

Mais le journaliste n’a pas que des éloges à formuler sur la politique des dirigeants européens. Il constate que le gouvernement turc a eu le bras assez long pour abuser de la liberté d’expression. Même les ambassades ont été instrumentalisées pour la campagne électorale, ce qui est aussi interdit par le droit turc. «L’AKP bafoue les lois turques comme les lois européennes, mais les gouvernements d’Europe ont réagi trop tard à ces violations». A cause de l’accord sur les réfugiés avec la Turquie, les pays de l’UE sont restés trop longtemps à ne pas oser mettre un frein à l’activisme du président turc sur leur propre sol, estime Mehmet Göcekli.

Les Turcs qui soutiennent Erdogan

Dans certains pays d’Europe, dont la Suisse, l’Union des démocrates européo-turcs (UETDLien externe) serait, selon les médias, proche du parti gouvernemental AKP du président Erdogan. La branche suisse de l’association voulait organiser des meetings politiques en vue de la votation sur la réforme constitutionnelle turque, mais une partie en a été empêchée ou interdite par les autorités suisses.

Les Turcs de Suisse ont jusqu’au 9 avril pour déposer leur bulletin de vote à l’ambassade à Berne ou aux consulats généraux de Zurich et de Genève. Mais certains n’osent pas s’y rendre, par crainte de la répression. Après la tentative de coup d’Etat, le porte-parole de l’ambassade de Turquie à Berne avait dit que les partisans du mouvement Gülen, rendu responsable du putsch avorté, devraient rendre des comptes, également en Suisse.

Murat Sahin, président de l’UETD Suisse, n’a pas voulu répondre aux questions de swissinfo.ch.

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(Traduction de l’allemand: Marc-André Miserez)

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