Une travailleuse assidue accède à la salle des commandes
Karin Keller-Sutter devient la neuvième ministre de l’histoire de la Suisse. Elle est travailleuse, modeste et a poursuivi ses objectifs politiques avec autant de persévérance que sa carrière. Portrait.
Elle n’a que 54 ans mais le sprint vers la plus haute fonction du pays a été long. «Je serai contente lorsque le jour de l’élection sera passé. À un moment donné, on est fatigué et heureux de savoir où on en est», a déclaré Karin Keller-Sutter la veille de son élection. Son ambition était évidente depuis longtemps. Karin Keller-Sutter s’était déjà portée candidate au gouvernement en 2010. Elle s’était alors inclinée face au ministre de l’Economie Johann Schneider-Ammann, qui a pris ce mercredi sa retraite.
Cette fois fut la bonne pour trois raisons:
1. Elle a parfaitement réussi à changer son image, ce qui l’a rendue éligible pour tous les partis. Lorsqu’elle siégeait au gouvernement du canton de Saint-Gall, elle était connue dans toute la Suisse pour sa fermeté en matière d’asile. En tant que membre du Conseil des Etats (Chambre haute du Parlement), elle s’est surtout concentrée sur la politique économique et sociale.
2. Elle répondait aux critères: elle est une femme suisse alémanique avec une expérience du pouvoir exécutif et qui bénéficie d’un bon réseau. Durant les sept ans qu’elle a passé au Conseil des Etats, Karin Keller-Sutter s’est forgée une réputation de politicienne de consensus.
3. La troisième raison est plus complexe. Karin Keller-Sutter a ce quelque chose de particulier, un mélange de sens des réalités, d’esprit et d’efficacité. Celle qui représente depuis longtemps le Parti libéral radical (PLR / droite) a consolidé ses convictions libérales. Elle les communique clairement mais ni bruyamment, ni de manière pressante. Elles deviennent ainsi lisibles au lieu d’être des pierres d’achoppement: accessibles et agréables à traiter, mais aussi fiables.
Jusqu’à présent, peu d’importance a été accordée à la grande diligence dont fait preuve la Saint-Galloise de la commune de Wil. Lorsqu’elle était conseillère d’Etat du canton de Saint-Gall, elle avait donné son numéro de téléphone privé à un journaliste avec ces mots: «Vous pouvez encore m’appeler dans la soirée, je travaille de toute façon jusqu’à 23 heures.»
À l’époque, elle avait dû prendre la tête du Département de justice et police, et ce n’était pas le département qu’elle souhaitait, souligne-t-elle aujourd’hui. Elle a néanmoins fait son travail à fond. Elle a été la première directrice de la justice en Suisse à attirer clairement l’attention sur les faiblesses du système d’asile, bien consciente de l’image qu’elle allait ainsi renvoyer. Elle ne l’a pas cherchée mais l’a endossée. «Il était important à l’époque de prendre des mesures contre la criminalité. Ce n’est pas sans une certaine satisfaction que je me rends compte que le travail que nous avons accompli est généralement reconnu aujourd’hui», a-t-elle déclaré récemment à la radio suisse alémanique SRF.
«Je ne veux pas seulement être une femme»
«Comme mon chien, je ne me laisse pas museler!» C’est le message qui figurait sur ses premières affiches de campagne, selon le quotidien Neue Zürcher Zeitung. Karin Keller-Sutter a été élue au conseil municipal de Wil en 1992, à l’âge de 28 ans. En 2000, à 36 ans, elle a accédé au gouvernement saint-gallois. En 2011, elle est élue au Conseil des Etats pour représenter son canton de Saint-Gall. Depuis longtemps, elle est une femme politique à part entière et elle se fait également respecter à Berne – déterminée, sûre dans les dossiers et engagée.
«Je ne veux pas seulement être une femme», a-t-elle déclaré à SRF au sujet de son futur rôle. L’interprète de formation a déjà fait preuve d’une forte volonté au cours des débats sur la réforme des retraites, ce qui, associé à une certaine ténacité, l’a également aidé à remporter quelques succès au Conseil des Etats.
Enrichissement pour le Conseil fédéral
De sa formation d’interprète, Karin Keller-Sutter a cependant gardé une modestie remarquable pour une professionnelle de la politique. Les interprètes sont des prestataires de services. Ils excellent lorsque leur personnalité disparaît derrière leur travail. C’est l’un des enrichissements que peut apporter Karin Keller-Sutter au sein du Conseil fédéral, tout comme ses talents de communicatrice.
Plus
Viola Amherd, une femme d’expérience au gouvernement
En conformité avec les normes du JTI
Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative
Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !
Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.