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L’ambassadrice des Etats-Unis veut «cloisonner» le conflit fiscal

Construire des ponts entre les Etats-Unis et la Suisse est l'un des rôles de l'ambassadrice Suzan G. LeVine (à gauche), ici serrant la main de la présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga en janvier 2015. Keystone

Tirant un bilan de sa première année en Suisse, l'ambassadrice étatsunienne Suzan G. (Suzi) LeVine met l'accent sur les collaborations futures entre les deux pays. Jusqu'ici, elle a surtout dû gérer les retombées des affaires d'évasion fiscale.

«Nous avons concentré tous nos efforts sur deux thèmes cette dernière année, indique Suzi LeVineLien externe, l’ambassadrice des Etats-Unis auprès de la Suisse, interviewée par swissinfo.ch. Il s’agissait premièrement de rappeler que les relations helvético-américaines, qui s’appuient sur de nombreux liens économiques, une croissance soutenue et d’importants flux touristiques, sont très bonnes. Pour ce faire, il a fallu cloisonner la controverse bancaire. Deuxièmement, nous avons aidé les gens à évaluer la situation.»

Dotée d’un diplôme d’anglais et d’ingénierie, Suzan G. (Suzi) LeVine a effectué une carrière à la fois dans le domaine de l’éducation et de la technologie. Elle a effectué un stage auprès de la NASA, travaillé pour les groupes Microsoft et Expedia et œuvré au sein du conseil consultatif de l’Institut pour l’étude de l’apprentissage et du cerveau de l’Université de Washington. Cette démocrate de 45 ans, originaire de l’Etat de Washington, a levé des fonds importants en faveur de Barack Obama lors de sa campagne électorale. swissinfo.ch

Assise derrière un micro dans les studios de swissinfo, la diplomate choisit soigneusement ses mots. Le sujet de la discussion porte sur les citoyens américains clients de banques suisses. Plusieurs d’entre elles ont payé des amendes, ou s’apprêtent à le faire, pour avoir aidé des ressortissants des Etats-Unis à évader leurs impôts.

«Permettez-moi de vous livrer quelques chiffres, dit l’ambassadrice. Le Département américain de la justice a émis pour quelque 167 milliards de dollars d’amendes dans ce dossier». Sur ce total, «seul 3% concerne des établissements suisses. Les 85% restants concernent des institutions américaines». Et de préciser: «Cette affaire est avant tout centrée sur les contribuables américains, pas sur la Suisse.»

Rendre son passeport

Mais pour les expatriés d’Outre-Atlantique vivant en Suisse, la distinction n’est pas toujours évidente. Un nombre croissant d’entre eux ont choisi de renoncer à leur citoyenneté pour échapper aux contraintes fiscales imposées par la nouvelle législation FATCA aux ressortissants américains vivant à l’étranger. Les banques, qui doivent désormais soumettre une importante documentation au sujet de leurs clients américains à Washington, sont toujours plus nombreuses à leur fermer leurs portes.

Suzi LeVine rétorque que l’une des principales tâches de l’ambassade est précisément d’aider les citoyens américains à négocier cet écueil. «Nous avons établi un dialogue avec l’Association suisse des banquiers et avec les principales institutions financières helvétiques, afin de tenter d’alléger au maximum les points de friction qui affectent les personnes ayant un lien avec les Etats-Unis dans leurs affaires bancaires, note-t-elle. Je crois que nous avons fait des progrès: certaines banques nous disent désormais qu’elles acceptent les clients américains. J’espère que cela continuera.»

L’ambassadrice détaille les avantages de conserver sa citoyenneté américaine. Ceux-ci peuvent être d’ordre «technique», comme le fait de conserver ses prestations sociales (retraite, rente de vétéran, assurances maladie Medicare et Medicaid).

«Ce n’est pas tout à fait vrai, répond Jackie Bugnion, l’ex-directrice de l’association American Citizens Abroad. Les assurances sociales sont liées à l’occupation d’un emploi aux Etats-Unis mêmes, pas à la citoyenneté. Et pour toucher les prestations de Medicaid ou Medicare, il faut se trouver sur sol américain.»

Le coût de l’interventionnisme

Alors, quels sont les avantages du passeport à l’aigle? «Si l’on regarde tout ce que les Etats-Unis ont accompli sur le plan mondial, tout ce que nous avons fait pour bâtir des coalitions, pour jouer un rôle de leader sur une multitude de plans, c’est normal que tout cela ait un coût en terme d’impôts», répond-elle.

A l’évidence, Suzi LeVine préfère se concentrer sur des projets d’avenir, comme le récent pacte bilatéral sur les apprentissages conclu par les deux pays, plutôt que ressasser les problèmes du passé.

L’ambassadrice s’est familiarisée avec le système d’éducation dual helvétique en rendant visite à des entreprises locales et en discutant avec des apprentis. Ce système «couvre divers secteurs, qu’il s’agisse de la banque, de l’hôtellerie, de l’ingénierie, des soins de beauté ou de la médecine vétérinaire, détaille-t-elle. Il offre une vaste gamme d’opportunités. Et ce n’est pas une fin en soi, mais un chemin».

Ici aussi, la diplomate ponctue son propos de chiffres. Les entreprises suisses génèrent environ un demi-million d’emplois aux Etats-Unis et la Confédération est le plus important investisseur Outre-Atlantique en termes de recherche et développement.

«Prospérité partagée»

Le pacte sur les apprentissages représente un pas important dans la bonne direction, selon elle. «Il s’agit d’une avancée majeure pour nos deux pays. Cela nous permettra d’accéder plus facilement à une ‘prospérité partagée’.»

Durant sa première année sur sol helvétique, l’ambassadrice a passé beaucoup de temps à s’entretenir avec des jeunes. S’exprimant à l’ambassade américaine de Berne devant un parterre d’invités réunis à l’occasion de la fête de l’indépendance du 4 juillet, elle a évoqué sa rencontre avec un groupe de gymnasiens. Les étudiants lui avaient envoyé une liste de questions relativement anodines en amont de l’entretien, a-t-elle raconté.

Mais lorsqu’ils se sont retrouvés en face de la représentante de Washington, ils lui ont posé des questions plutôt difficiles. «J’ai adoré – vraiment adoré – la profondeur de leurs interrogations et le sérieux avec lequel ils les portaient dans leurs cœurs. Cela allait de ‘Où en est-on avec Guantanamo?’ à ‘Qu’en est-il du racisme aux Etats-Unis?’ en passant par ‘Que fait-on pour s’assurer que la protection de la vie privée est garantie?’.»

Coopération anti-terroriste

Mais les deux pays ont aussi d’autres questions difficiles à régler, comme la coopération en matière de lutte contre l’extrémisme violent. Berne et Washington font partie des fondateurs d’une nouvelle organisation basée à Genève et appelée The Global Community Engagement and Resiliency FundLien externe (GCERF). Cette dernière soutient des initiatives locales destinées à protéger les populations susceptibles de céder à la radicalisation – comme les jeunes.

Cette année, Suzi LeVine veut mettre l’accent sur ce qu’elle considère comme «l’une des principales valeurs partagées par la Suisse et les Etats-Unis: la diversité». Et de s’interroger: «Que peut-on faire pour favoriser la diversité au niveau des orientations sexuelles, de la religion ou du genre?» Certaines études montrent que l’hétérogénéité a un impact positif sur l’innovation et la productivité, précise-t-elle. «Plus on a de la diversité, que ce soit sur le plan professionnel, académique ou autre, et plus on devient créatif», souligne-t-elle.

Un rôle de pont

Suzi LeVine se voit comme un pont entre la Suisse et les Etats-Unis, «dont le rôle est d’aider ces deux cultures et leurs membres à se comprendre». C’est l’objectif poursuivi par un programme culturel lancé par l’ambassade américaine en février. Il a pour but de réunir des scientifiques, des experts du monde de la technologie, des spécialistes de l’environnement et des artistes venus d’un peu partout en Suisse. «Ces gens se retrouvent rarement ensemble au même endroit et fréquentent des cercles différents», relève-t-elle.

L’ambassadrice tient également un blogLien externe, dont elle se sert pour bâtir des ponts. Dans un post, elle admet même s’être jeté du sommet de l’un d’entre eux (pour plonger dans l’Aar à Berne). Et pour la fête nationale du le 1er Août, elle a publié sur Facebook une vidéo d’elle-même en train de jouer du cor des Alpes.

Pour se rapprocher des Suisses, elle a également fait l’effort d’apprendre l’allemand, la langue parlée par environ les deux tiers de la population. Elle dit avoir fait de nets progrès. Et, collant en cela parfaitement à l’état d’esprit de la diplomatie américaine, elle a tiré des enseignements de chacune de ses expériences helvétiques.

(Adaptation de l’anglais: Julie Zaugg)

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