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L’assurance maladie, un malade chronique paralysé

Keystone

Depuis l'échec de la révision de la loi sur l'assurance maladie de 2003, le dossier de la santé est quasi paralysé. Des palliatifs sont nécesaires pour faire face à l'augmentation des coûts. Une situation due en grande partie au lobby de la santé actif au Parlement.

«La grande difficulté actuellement est que le secteur de la santé compte de nombreux acteurs. Nous les assurés, les médecins, les pharmaciens, l’industrie pharmaceutique, les hôpitaux, les cantons, les caisses maladie etc. La défense des intérêts particuliers se fait au détriment de solutions globales. Tant que cette situation ne changera pas, nous n’arriverons à rien.»

Lors du débat urgent que le Conseil national (Chambre basse) a récemment consacré à la réduction des coûts de la santé, c’est en ces termes que le député grison du Parti bourgeois démocratique (PBD) Hansjörg Hassler a résumé l’un des gros problèmes auquel se heurtent les propositions de réforme du système de santé.

Des réformes qui s’avèrent de plus en plus inévitables. A moins de continuer à voir les primes de l’assurance maladie obligatoire augmenter sans fin (de 10 à 15% et jusqu’à 20% dans certains cantons en 2010!), le Parlement et le gouvernement ne peuvent plus continuer d’appliquer des emplâtres sur une jambe de bois.

Un réseau complexe d’intérêts

Comme l’ont souligné Hansjörg Hassler et d’autres députés qui ont pris la parole dans la salle de la Chambre du peuple, il sera des plus ardus de mettre de côté les intérêts particuliers de chaque groupe, et cela pour la bonne raison que le lobby de la santé est probablement le plus puissant du Palais fédéral. Et, contrairement à ce qui se passe dans d’autres secteurs économiques, les lobbyistes ne traînent pas dans les couloirs pour convaincre députés et sénateurs du bien-fondé de leurs idées, mais siègent au milieu de ces derniers.

Il y a de nombreux exemples qui illustrent cette situation. Ainsi, le président de la commission de la sécurité sociale et de la santé du Conseil national, (CSS-N), Jürg Stahl, fait partie de la direction du Groupe Mutuel, l’un des principaux groupes d’assureurs suisses, qui comptait en 2008 875’000 clients dans le secteur de l’assurance maladie obligatoire et un chiffre d’affaires de plus de 3 milliards de francs.

Il y a aussi Claude Ruey, également membre de la CSS-N, qui est président de santésuisse, l’association faîtière des assureurs maladie suisses. Et puis il y a des médecins, des personnes liées à l’industrie pharmaceutique, aux hôpitaux ou aux organisations de patients…

Assureurs et industrie pharma



«Les deux lobbies les plus puissants sont certainement les assureurs et l’industrie pharmaceutique. Les premiers ont par exemple été à l’origine de l’échec des deux initiatives du Parti socialiste sur la caisse unique et sur les primes calculées en fonction du revenu», affirme l’ex-parlementaire socialiste et médecin Franco Cavalli.

Mais les lobbies s’affrontent souvent, comme ces jours à propos des prix des médicaments. Les mesures proposées par le ministre de la Santé Pascal Couchepin, visant à économiser de 300 à 400 millions de francs par an sur les prix, ont reçu l’aval de santésuisse mais, bien sûr, ont provoqué une levée de boucliers dans les rangs de l’industrie pharmaceutique. En fait, la bataille ne fait que commencer au Parlement.

Lobby des médecins?

Récemment, le président de santésuisse et conseiller national (député) libéral-radical vaudois Claude Ruey a assuré dans Le Courrier de Genève que son double mandat était éthiquement défendable du fait de sa transparence. En particulier dans un système de milice comme le nôtre, qui veut que les parlementaires poursuivent leur activité professionnelle.

«La majeure partie des acteurs a donc une vision plutôt partiale de la situation et, qui dit vision partiale, dit vision partielle», a-t-il déclaré, soulignant qu’on parlait surtout des parlementaires (14 sur 246) des assurances, mais jamais des 49 parlementaires (médecins et autres) liés à des prestataires de soins.

«Mais les positions des médecins sont beaucoup plus diverses», relativise de son côté Franco Cavalli. «Si on analyse leur façon de voter, on peut observer que la majorité ont voté dans un sens politique.»

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Assurance maladie

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La «léthargie» du Parlement

Ce blocage qui paralyse les réformes de la santé, et d’autres réformes tout aussi importantes, ne s’explique pas uniquement par le problème des lobbies qui, eux, tendent plutôt à se contrebalancer, soutient de son côté l’éditorialiste Beat Kappeler.

«Il y a d’autres dysfonctionnements», affirme-t-il, en rappelant qu’en 2003, la 2e révision de la Loi sur l’assurance maladie obligatoire a été rejetée par le Conseil national à cinq voix près. Ce jour-là, 17 représentants importants des partis bourgeois étaient absents. Leur voix auraient certainement fait pencher la balance dans le sens du oui.

«Il s’agit surtout d’un problème de discipline du Parlement et de sa volonté de gérer tel ou tel dossier déterminé, conclut Beat Kappeler. J’ai l’impression que, depuis quelques années, le Parlement est entré dans une sorte de léthargie.»

Daniele Mariani, swissinfo.ch
(Traduction de l’italien: Isabelle Eichenberger)

En octobre 2008, la conseillère nationale socialiste Jacqueline Fehr a présenté une initiative parlementaire demandant d’interdire de siéger au parlement les personnes occupant une fonction dirigeante dans une assurance ou à santésuisse.

Le 28 mai 2009, le Conseil national a rejeté ce texte par 104 voix contre 61. Selon le plénum, cette mesure aurait rendu la fonction de parlementaire incompatible avec toutes les activités professionnelles liées de près ou de loin à l’Etat.

Sur la base de cinq interpellations urgentes, une vingtaine de conseillers nationaux ont exposé mercredi leur recette pour répondre à l’annonce d’une augmentation des primes des caisses maladie pour 2010.

Les Verts et l’Union démocratique du centre (UDC, droite conservatrice) ont proposé en particulier de geler les primes au niveau de 2009 pour une période d’un ou deux ans. Ce qui, selon le ministre de la Santé Couchepin, «pourrait mener tout le système à la ruine».

Le Parti socialiste et le Parti démocrate-chrétien, eux, ont insisté sur une réduction des prix des médicaments, un secteur qui dispose encore d’une bonne marge de manoeuvre.

Le Parti libéral radical a souligné de son côté l’importance de la médecine de première intervention, en particulier les réseaux de santé et les médecins de famille.

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