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L’Europe dicte des règles du jeu sévères à la Suisse

Etaient notamment présents lundi à Bruxelles les ministres des affaires étrangères français Bernard Kouchner (à g) et finlandais Alexander stubb (à dr.) entourant Javier Solana, chef de la diplomatie de l'UE. Keystone

Les ministres des Affaires étrangères des Vingt-Sept ont adopté lundi, à la veille de la visite à Bruxelles du président de la Confédération Pascal Couchepin, des conclusions critiques sur les relations entre la Suisse et l'UE, fixant une nouvelle doctrine du bilatéralisme.

Sans discussion, les chefs de la diplomatie des Vingt-Sept pays de l’Union européenne (UE) ont approuvé un rapport sur les relations entre l’UE et les pays membres de l’Association européenne de libre-échange (AELE ; Suisse, Norvège, Islande et Liechtenstein) que la présidence française du club communautaire a rédigé de sa propre initiative.

Dans leurs conclusions, les ministres européens se montrent très critiques envers la Suisse. Le texte relève que les nombreux accords bilatéraux que Berne et l’Union ont conclus «sont le fondement d’une coopération large et fructueuse», que ternissent toutefois différents problèmes bien connus.

La fiscalité en cause

Le Conseil des ministres de l’UE se dit notamment «très préoccupé» par certains régimes cantonaux en matière de fiscalité des entreprises, qui, on le sait, sont selon lui «constitutifs d’aide d’Etat incompatible avec l’accord» de libre-échange de 1972.

Il invite la Suisse à «supprimer ces incitations fiscales» dont bénéficient les holdings, les sociétés de domiciliation et les sociétés mixtes.

Berne et Bruxelles reprendront mercredi leurs discussions sur le sujet, à la lumière d’un rapport que le Conseil fédéral (gouvernement) a adopté et que Pascal Couchepin présentera lui-même à Bruxelles, ce vendredi, où il sera accompagné par les ministres Hans-Rudolf Merz et Eveline Widmer-Schlumpf.

Politique régionale dans le collimateur

Par ailleurs, les Vingt-Sept ont dans le collimateur la nouvelle politique régionale suisse. Berne, en effet, est invitée à agir «avec prudence afin d’éviter de prendre des mesures internes (…) qui seraient susceptibles de fausser la concurrence entre les régions frontalières» suisses et communautaires.

Même si la Suisse n’est membre ni de l’UE, ni même de l’Espace économique européen (EEE), les ministres européens reprochent à Berne de pas avoir «pleinement incorporé l’acquis» (la législation et la jurisprudence de l’UE) dans le domaine de la libre circulation des personnes. C’est, selon eux, un «facteur qui compromet, au détriment des citoyens et des entreprises de l’UE, le bon fonctionnement» de l’accord conclu en 1999.

Les Vingt-Sept vilipendent en particulier les mesures helvétiques relatives au détachement des travailleurs et à la fourniture de services transfrontaliers.

Une nouvelle doctrine

Afin de remédier aux «incohérences» qu’elle dénonce dans l’application des accords bilatéraux, l’Union établit, pour la première fois par écrit, une nouvelle doctrine du bilatéralisme.

Certes, souligne le document, le club communautaire «se réjouit à la perspective du renforcement de son partenariat» avec Berne – plusieurs nouveaux dossiers (sécurité dans le transport de marchandises, libre-échange agricole, électricité, santé publique, etc.) ont déjà été ouverts. Mais les Vingt-Sept entendent imposer leurs propres règles du jeu à la Suisse.

D’une part, ils ont officiellement ressuscité le principe dit du parallélisme: au moment de conclure de nouveaux accords, notent-ils, «le Conseil aura à l’esprit la nécessité de garantir des progrès parallèles dans tous les domaines de coopération, notamment ceux qui sont déjà mentionnés comme posant des difficultés» à l’UE. Dans ce cadre, l’avenir du bilatéralisme dépendra clairement de la résolution du casse-tête de la fiscalité cantonale.

Finis les accords sur mesure

Par ailleurs, l’Union européenne confirme sa volonté de ne plus bricoler des accords sur mesure pour la Suisse qui, malgré sa non-intégration dans l’EEE, devrait selon elle s’adapter au droit communautaire et à ses évolutions.

«La participation au marché intérieur implique d’appliquer et d’interpréter de manière homogène et au fur et à mesure les éléments de l’acquis en constante évolution. Ce préalable indispensable au bon fonctionnement du marché intérieur – comme c’est le cas dans l’EEE – doit se refléter dans tous les accords en cours de négociation», insistent les Vingt-Sept.

La conclusion éventuelle d’un «accord cadre» qui permettrait d’ordonner la kyrielle d’accords sectoriels existants «devrait également prévoir l’incorporation de l’acquis pour tous les accords, ainsi qu’un mécanisme visant à les actualiser régulièrement», ajoutent-ils. Vaste programme.

swissinfo, Tanguy Verhoosel à Bruxelles

Lundi 15 décembre, le président de la Confédération Pascal Couchepin rencontrera à Bruxelles le président de la Commission européenne José Manuel Barroso.

Il sera accompagné d’Eveline Widmer-Schlumpf, ministre de l’Economie, et de Hans-Rudolph Merz, ministre des Finances.

Au menu: l’entrée en vigueur sur la fraude douanière, la fiscalité de l’épargne et la fiscalité des entreprises.

En 1999, la Suisse et l’UE – alors formée de 15 pays – ont signé un 1er paquet d’accords bilatéraux, garantissant une ouverture réciproque des marchés.

Entrée en vigueur le 1er juin 2002, ces 7 Accords bilatéraux I concernent les obstacles techniques au commerce, les marchés publics, la libre circulation des personnes, l’agriculture, la recherche, les transports terrestres et le transport aérien.

En 2004, Berne et Bruxelles ont conclu une 2e série d’accords, destinés à renforcer la coopération dans des secteurs non touchées par le premier paquet.

De ces Accords bilatéraux II, certains sont déjà en vigeur. Ils portent sur les produits agricoles transformés, les pensions, la fiscalité de l’épargne, les médias, l’environnement et la statistique. Les accords de coopération Schengen/Dublin ne seront pleinement opérationnels qu’à la fin de l’année, alors que la date d’entrée en vigueur de l’accord sur la lutte contre la fraude n’a pas encore été arrêtée.

Après le vote populaire favorable, la libre circulation des personnes a été étendue en 2006 aux dix nouveaux pays ayant rejoint l’UE en 2004.

Le 8 février 2009, les Suisses sont à nouveau appelés aux urnes pour dire s’ils acceptent de reconduire l’accord de libre-circulation et de l’étendre à la Roumanie et à la Bulgarie, devenues membres de l’UE en 2007.

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