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L’onde de Fukushima secoue le Parlement suisse

La Chambe du peuple s'est ralliée au projet gouvernemental d'abandon progressif du nucléaire. Keystone

La Suisse a franchi un nouveau pas vers l’abandon progressif de l’atome. La Chambre du peuple a approuvé mercredi trois motions allant dans la direction du gouvernement. La route menant à la fermeture des centrales nucléaires sera toutefois encore longue et parsemée d’inconnues.

Ce n’est ni une révolution verte ni un aval définitif au projet gouvernemental qui prévoit la sortie définitive du nucléaire. Mais la décision adoptée le 8 juin 2011 par la majorité du Conseil national (Chambre basse du Parlement) marque un changement de route dans la politique énergétique de la Confédération.

«Ayez le courage de prendre cette décision de principe», a déclaré en préambule au vote Doris Leuthard, la ministre de l’environnement, des transports, de l’énergie et des communications. Et une majorité composée de députés de gauche, verts et du centre a effectivement approuvé la décision de principe de tourner le dos à l’énergie nucléaire.

Il s’agit d’un choix clairement dicté par la catastrophe de Fuskushima, a-t-on entendu à plusieurs reprises mercredi dans l’hémicycle. L’«effroyable désastre» au Japon a été un point de «rupture dans la politique énergétique. Fukushima nous a enseignés que même dans un pays disposant d’une technologie d’avant-garde, le pire accident peut survenir à n’importe quel moment», a par exemple affirmé le député socialiste Erich Nussbaumer.

«Fukushima a permis de faire comprendre la signification du risque résiduel et démontré que l’énergie nucléaire n’est pas soutenable», a renchéri le Vert libéral Martin Bäumle.  

 

Dans la politique énergétique suisse, il y aura donc un après et un avant Fukushima. Suite à cette terrible tragédie, la majorité des citoyens et des hommes politiques se sont rendus compte du danger caché, ont observé différents députés.

Au-delà de Fukushima, les élections

Les sondages ont démontré que la majorité de la population suisse ne veut plus vivre avec ce risque. Une volonté populaire, qui avec l’échéance des élections législatives fédérales du 23 octobre, a pesé sur les décisions parlementaires.

L’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice), qui combat l’abandon de l’atome, a en vain demandé que la session extraordinaire consacrée à l’énergie nucléaire et aux énergies renouvelables soit renvoyée après les élections. Sa motion d’ordre a été rejetée par 126 voix contre 64 et deux abstentions.

Les représentants de l’UDC ont accusé les démocrates-chrétiens (PDC / centre-droit) et les bourgeois démocrates (PBD / centre-droit) d’avoir changé leur position sur l’énergie nucléaire suite à Fukushima, en raison de «tactiques électorales». A leur tour, les partisans de la sortie du nucléaire ont accusé l’UDC de vouloir ajourner le débat parlementaire afin de se dérober au jugement des électeurs.

Collision idéologique

Le débat entre partisans et opposants à l’atome a par ailleurs été plutôt «électrique». Les représentants de l’UDC et du Parti libéral radical (PLR / droite) ont reproché aux détracteurs de l’énergie atomique de vouloir fermer les centrales nucléaires sans proposer d’alternative crédible, les accusant de mettre ainsi en péril l’approvisionnement énergétique de la Suisse.

Les énergies renouvelables ne suffiront pas à remplacer l’énergie nucléaire, ont-ils martelé, taxant leurs opposants de «vendeurs d’illusions». Ils ont en outre souligné que les énergies renouvelables, tout comme celles importées de l’étranger, sont plus chères et pèsent de manière négative sur la compétitivité de l’industrie suisse. Ils ont également fait planer le risque d’une délocalisation à l’étranger pour certaines industries gourmandes en électricité.   

Des arguments contestés par les antinucléaires, pour qui, au contraire, les investissements dans les énergies renouvelables permettront la création de nombreux emplois et le renforcement des pôles de recherche suisses. Par ailleurs, ont-ils relevé, le prix de l’énergie nucléaire continue d’augmenter alors que celui des énergies renouvelables diminue. L’avantage économique qui a rendu l’énergie nucléaire attractive s’évanouira ainsi à moyen terme, ont-ils souligné.

Pas de nouvelle centrale

Doris Leuthard a en outre promis des solutions pour l’industrie, assurant avoir déjà des projets dans le tiroir. Sollicitée par une poignée de députés, la ministre n’a cependant pas voulu dévoiler les détails de ces projets.

A la fin du débat, la majorité des députés a souscrit à la proposition de ne plus autoriser la construction de nouvelles centrales nucléaires et de désactiver celles qui ne répondent plus aux normes de sécurité. Parallèlement, des mesures visant à encourager l’utilisation des énergies renouvelables et le renforcement de l’efficacité énergétique devront être adoptées.

Le gouvernement est chargé par conséquence de modifier la Loi fédérale sur l’énergie nucléaire (LENu) et de présenter au Parlement un scénario d’abandon progressif du nucléaire. Le gouvernement avait déjà mis le 25 mai en consultation un projet allant dans ce sens.

Hâte-toi lentement

La gauche et les Verts auraient voulu désactiver dès à présent ou du moins dans de brefs délais les centrales vieillissantes de Mühleberg et Beznau. Mais leurs propositions ont été rejetées. Le PDC, le PBD et les Verts libéraux sont en effet d’accord d’abandonner le nucléaire, mais seulement graduellement. Sur ce point, ils se sont donc rangés du côté de l’UDC et du PLR.

La Chambre du peuple a également approuvé quelques motions et postulats visant à encourager les énergies renouvelables. Les députés devront encore se prononcer jeudi sur un nombre important de propositions.

Dès la semaine prochaine, la balle passera dans le camp du conseil des Etats (Chambre haute). Si le signal est donné, la partie n’est pas encore gagnée. La révision de la loi devra encore être soumise au Parlement l’année prochaine. Et le peuple pourrait finalement avoir le dernier mot en cas de dépôt d’un référendum.

Thème porteur. Suite à la catastrophe de Fukushima, le 11 mars dernier, une véritables montagne de propositions parlementaires concernant le nucléaire et les énergies renouvelables ont été déposées. Les Chambres fédérales ont donc décidé d’organiser une session extraordinaire sur ce thème.

Deux chapitres. La Chambre du peuple a été la première à se  pencher sur cette question le 8 juin. Au total, 123 interventions parlementaires ont été inscrites à l’ordre du jour – 68 motions, 43 interpellations, 23 postulats – et divisées en deux grands chapitres. Le premier concerne l’énergie nucléaire, le second les énergies renouvelables.

Pas de date. Sur le front de l’atome, trois motions exigeant l’abandon de l’atome ont été approuvées. La première a été présentée par le groupe des Verts, la deuxième par les bourgeois démocrates et la troisième par le démocrate-chrétien Roberto Schmidt. Cette dernière est très proche du projet présenté par le gouvernement le 25 mai. Elle ne fixe toutefois aucune date quant à la désactivation des cinq réacteurs nucléaires actuellement actifs en Suisse.

Approbation. Par manque de temps, la Chambre du peuple n’a pas pu se prononcer mercredi sur toutes les motions et les postulats concernant les énergies renouvelables. Les votes se poursuivront jeudi. Les décisions prises par la Chambre du peuple devront encore être validées par la Chambre des cantons. La session extraordinaire aura lieu le 16 juin.

(Traduction de l’italien: Samuel Jaberg)

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