L’opposant chinois Liu Xiaobo, Prix Nobel de la paix
Vendredi à Oslo, la Fondation Nobel a récompensé cette figure de proue du mouvement démocratique de Tiananmen en 1989. Plusieurs pays appellent à la libération de Liu Xiaobo, alors que Pékin parle d'«obscénité».
Le comité norvégien du Prix Nobel de la paix a choisi de récompenser cet ancien professeur de littérature de 54 ans en raison de «son long combat non violent en faveur des droits fondamentaux en Chine».
Actuellement emprisonné en Chine pour ses convictions démocratiques, Liu Xiaobo était considéré comme l’un des favoris pour obtenir la prestigieuse récompense.
Le statut de la Chine, devenue «la deuxième économie mondiale», «lui impose plus de responsabilités», a déclaré le président du comité Nobel, Thorbjoern Jagland. Pékin s’était officiellement déclaré opposé à l’attribution du Nobel à Liu Xiaobo.
Menaces chinoises
Plusieurs pays et ONG appellent à la libération de l’opposant, alors que Pékin estime que cette attribution est contraire aux principes du Nobel.
Du côté suisse, le ton est plus réservé. «Cette haute distinction contribue à promouvoir et renforcer les droits humains, en Chine et dans le reste du monde», indique le Département des affaires étrangères (DFAE). Le communiqué souligne qu’«avec la Chine, l’engagement de la Suisse dans le dialogue sur les droits humains est régulier et constant».
Cette récompense n’est évidemment pas du goût de la Chine. Elle «est totalement contraire aux principes» de ce prix et va nuire aux relations entre la Chine et la Norvège, a déclaré vendredi le ministère chinois des Affaires étrangères.
Ce Nobel survient alors que la Norvège et la Chine sont engagées dans des négociations bilatérales en vue d’un accord de libre-échange. Les cinq membres du comité Nobel sont désignés par le Parlement norvégien mais ils sont indépendants du gouvernement et de la chambre.
Charte 2008
Il a joué un rôle central dans la rédaction de la «Charte 08», un manifeste publié à l’occasion du 60e anniversaire de la déclaration des droits de l’Homme, par des intellectuels et des militants chinois réclamant la liberté d’expression et des élections pluralistes.
En 1989, de retour des Etats-Unis, où il avait enseigné à la Columbia University de New York, cet enseignant de l’Université normale de Pékin participe au mouvement démocratique de la place Tiananmen, déclenchée par les étudiants. Arrêté après la répression du mouvement, il passera un an et demi en prison sans jamais avoir été condamné.
Il a de nouveau des ennuis avec le régime et est envoyé dans un camp de «rééducation par le travail» entre 1996 et 1999 pour avoir réclamé une réforme politique et la libération de ceux toujours emprisonnés pour avoir participé au mouvement de juin 1989.
Exclu de l’université, il devient un des animateurs du Centre indépendant Pen Chine, un regroupement d’écrivains. Il garde un contact étroit avec le monde intellectuel et même s’il ne peut pas être publié en Chine, ses livres sont notamment diffusés à Hong Kong.
Dans une interview récente, il gardait espoir dans une démocratisation progressive de la Chine: «Cela va progresser très lentement, mais les demandes de liberté – de la part des gens ordinaires mais aussi des membres du Parti – ne seront pas faciles à contenir». Liu Xiaobo est marié et n’a pas d’enfants.
Sans nier des avancées dans la société chinoise depuis 1989, il estime que le Parti communiste sera obligé de s’ouvrir de plus en plus, sous la pression de la population, fatiguée des mensonges officiels. Il a toujours refusé d’écrire sous un pseudonyme.
Libération réclamée
Plus de 120 universitaires, écrivains, et avocats, majoritairement chinois, avaient lancé un appel sur Internet pour que le prix Nobel lui soit décerné. Pékin s’était officiellement déclaré opposé à une telle récompense, en affirmant que M. Liu, qui est marié sans enfant, avait «violé les lois chinoises».
La pétition a circulé après un appel en ce sens émanant de l’ancien président tchèque Vaclav Havel et d’autres leaders de la «révolution de velours» de 1989.
La charte 08 s’inspirait de la «Charte 77», manifeste signé en 1977 par quelque 240 intellectuels, dont M. Havel, pour la démocratisation de la Tchécoslovaquie communiste. Ces dernières années les Etats-Unis et l’Union européenne n’ont cessé de réclamer la libération de M. Liu.
De son côté, l’épouse de Liu Xiaobo s’est déclarée «tellement ravie» en apprenant l’attribution du prix Nobel de la paix à son époux. Elle a demandé « avec insistance » au gouvernement chinois de le libérer de prison.
swissinfo.ch et les agences
Le prix sera remis à Oslo le 10 décembre, date-anniversaire de la mort de son fondateur, l’industriel et philanthrope suédois Alfred Nobel.
Il consiste en une médaille, un diplôme et un chèque de 10 millions de couronnes suédoises (près d’un million d’euros, soit environ 1,5 million de francs).
Le Prix Nobel 2009 avait été attribué au président des Etats-Unis Barack Obama.
Trois Suisses ont gagné le Nobel de la paix.
Henry Dunant, fondateur de la Croix-Rouge, l’a reçu en 1901 lors de la première remise du prix.
L’année suivante, il a été remis à Elie Ducommun et Charles Albert Gobat, secrétaires honoraires du Bureau international permanent de la paix.
Par ailleurs, plusieurs institutions internatinoales ayant leur siège en Suisse ont été distingées, parmi lesquelles le Comité international de la Croix-Rouge (trois fois), Médecins Sans Frontières ou encore le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés.
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