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L’Union Européenne propose d’adapter Schengen

Cecilia Malmström, la Commissaire à l’Immigration, a souligné que les mesures de rétablissement des contrôles doivent être «temporaires, et géographiquement limitées.» Keystone

Sous la pression de Paris et Rome, qui veulent des réformes pour «rendre aux citoyens la confiance dans la libre-circulation», la Commission européenne propose, dans «des circonstances exceptionnelles» de pouvoir rétablir des «contrôles limités» aux frontières.

«Mieux gérer les migrations»,  c’est ainsi que la Commission européenne présente ses propositions, adressées mercredi aux ministres de l’Intérieur de l’Union européenne. Mais aussi, aux trois Etats-membres de Schengen hors UE: la Suisse, la Norvège, et l’Islande.

Plusieurs d’entre elles sont en fait des remises à jour de propositions antérieures qui n’avaient jusqu’alors pas fait recette dans les capitales de l’UE. Mais dans plusieurs pays, le profond différend qui a opposé Paris et Rome sur l’entrée dans l’espace Schengen de 25’000 migrants tunisiens a changé la donne.

Des adaptations temporaires  

Réticente au début, la Commission européenne a accepté de proposer aux 25 pays de Schengen, de pouvoir rétablir «des contrôles limités à leurs frontières dans des circonstances exceptionnelles», comme, «en cas de forte et inattendue pression aux frontières extérieures de la zone Schengen.» Un exemple? La France, qui contrôle très strictement les passages à Vintimille, en raison de ce qu’elle considère comme un afflux massif d’immigrants venus de la Méditerranée.

A l’heure actuelle, le rétablissement des contrôles n’est envisageable qu’en cas de menace grave à l’ordre publique. La Commission propose d’ajouter deux possibilités:  en cas de «défaillance» d’un pays aux frontières extérieures à la zone Schengen ou quand «la poussée migratoire est trop lourde sur un point de ces frontières.»

Mais Cecilia Malmström, la Commissaire à l’Immigration, s’est empressée de préciser: «Ces mesures doivent être temporaires, et géographiquement limitées.»

Ne pas changer les règles

Ces aménagements impliquent que les Etat-membres s’entendent sur la définition des critères. Aujourd’hui, c’est la Commission européenne qui évalue les demandes de rétablissement des contrôles. Jusqu’à présent, elle a toujours donné son feu vert. Une dizaine de fois. Faudra-t-il étendre cette prérogative aux deux nouvelles possibilités ? La Commission le souhaite, en avançant son impartialité. Pas sûr que cela plaise.

«Sinon, il faudra modifier juridiquement les articles de l’accord, ce qui implique de  tenir compte de l’avis du Parlement européen qui sera plus dur que nous. Ce n’est pas dans l’intérêt des Etats-membres», plaide-t-on à la Commission.

Guy Verhofstadt, ancien Premier ministre belge et président du groupe libéral a déjà prévenu: «La réponse aux flux migratoires, ce n’est pas de changer les règles de Schengen. Au nom de la transparence et de la responsabilité, la Commission et le Parlement européen doivent être consultés pour évaluer ce qui relève de l’ordre public.» Et d’ajouter qu’il existe un autre danger, «ouvrir ‘la boite de Pandore’ et risquer un détricotage de la libre-circulation.» Le débat s’annonce rude.

A Paris comme à Bruxelles, on affirme, le cœur sur la main, que l’objectif n’est pas d’actionner ces mesures, considérées comme «une arme de dissuasion pour contraindre les Etats à respecter leurs obligations.» Mais certains d’entre eux ont du mal.

Mieux aider les pays en difficulté  

La Grèce, par exemple, a beaucoup de difficultés à contrôler seule son immense espace maritime à la frontière avec la Turquie. Il faut l’aider, plaide la Commission, en donnant plus de moyens à l’agence Frontex pour la gestion des frontières. Son budget annuel est de 90 millions d’euros. Il en faudrait une vingtaine de plus.

Autre piste: la création d’un système de garde-frontières européens. «Le but n’est pas d’avoir au coup par coup trois garde-frontières suisses et dix polonais qui ne parlent pas la même langue, mais de façonner une culture commune», relève la Commission. Mais le problème est que plusieurs capitales, surtout au nord de l’Europe, font de la résistance.

Pourtant, la Commission insiste: «Nous ne lâcherons sur les frontières intérieures que si nous obtenons plus de moyens pour contrôler les bordures extérieures de Schengen.» Conclusion de Cecilia Malmström qui s’en prend au populisme ambiant en Europe: «La libre circulation des personnes est une des avancées majeures de l’Europe. Il ne faut pas revenir en arrière, mais plutôt renforcer le système»

Toutes ces propositions seront présentées aux ministres de l’intérieur des 25 pays de Schengen. La Suisse aura son mot à dire, mais elle ne votera pas. Au final, se sont les dirigeants de l’Union Européenne qui trancheront, fin juin.

En avril 2011, 1495 demandes d’asile ont été déposées en Suisse. Le principal pays de provenance des demandeurs d’asile est l’Erythrée, avec 376 demandes. Ceci s’explique par la situation politique qui règne dans le pays africain.

Le deuxième pays de provenance est la Tunisie, avec 165 demandes. Un nombre qui reste stable par rapport au mois de mars. Tout comme le nombre de demandes déposées par des ressortissants des autres Etats d’Afrique du Nord et du Proche-Orient (Syrie: 35, Algérie: 26, Maroc: 15, Egypte: 12, Libye: 12, Yémen: 1).

Le troisième pays de provenance est la Macédoine, avec 127 demandes. Celles-ci émanent généralement de Roms qui quittent le pays à cause de l’absence de perspectives socio-économiques. Mais la Macédoine étant considérée depuis 2003 comme un pays sûr, les demandes font en général l’objet d’une décision de non-entrée en matière.

Le quatrième pays est le Nigéria, avec 97 demandes. Un recul de 44% par rapport au mois de mars 2011, que l’Office fédéral des migrations lie à la reprise des vols de rapatriement vers ce pays.

Source: Office fédéral des migrations

Modifications du traité. A l’occasion du 29ème sommet franco-italien, le 26 avril à Rome, Nicolas Sarkozy et Silvio Berlusconi se sont déclarés favorables à «des modifications» au traité de libre circulation de Schengen.

Réfugiés Tunisiens. Cette volonté de modifier le traité, pour pouvoir rétablir, dans certains cas, des contrôles aux frontières nationales, fait suite à l’arrivée massive de migrants Tunisiens sur les côtes italiennes. Et à un différent entre Rome et Paris, dû au fait que l’Italie a octroyé des permis de séjour de six mois aux plus de 20’000 Tunisiens qui ont débarqués dans le pays, via l’île de Lampedusa, depuis janvier, et qui partent ensuite en majorité vers la France.

Réfugiés Libyens. Si près de 25’000 Tunisiens ont quitté leur pays, depuis le départ de l’ancien président Ben Ali, le 14 janvier, la Tunisie, fait face quant à elle à un afflux de réfugiés libyens. Le Haut commissariat pour les réfugiés des Nations Unies (HCR) note que plus de 8’000 Libyens se sont réfugiés durant le seul week-end du 1er mai, dans le sud de la Tunisie.

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