La diaspora helvétique exige un service bancaire de base
La Confédération, par l’intermédiaire de Postfinance, doit garantir aux Suisses de l’étranger un compte bancaire dans leur pays d’origine: c’est ce qu’ont exigé vendredi les délégués de la Cinquième Suisse réunis à Aarau. Ils ont également plaidé pour que l’obligation d’immatriculation soit maintenue dans la nouvelle Loi sur les Suisses de l’étranger.
«Les Suisses de l’étranger continuent de connaître des difficultés dans le maintien de leurs relations bancaires avec la Suisse», a relevé Jacques-Simon Eggly, président de l’Organisation des Suisses de l’étranger (OSE)Lien externe, au premier jour du Congrès annuel des représentants de la diaspora, qui se tient cette fin de semaine à Aarau et Baden.
Ce ne sont pas seulement les riches expatriés qui sont concernés, mais également des «petits» clients qui reçoivent par exemple leur rente AVS ou disposent d’une hypothèque sur leur immeuble en Suisse. Représentant des Suisses du Nigéria, Marcel Grossenbacher a ainsi rapporté que son compte bancaire avait été fermé après 20 ans de relations commerciales avec la même banque. «On m’a simplement envoyé une lettre pour me demander où je voulais transférer mon argent et mes protestations sont restées lettre morte», s’est-il insurgé.
«C’est le problème numéro un des Suisses de l’étranger. Pour certains d’entre eux, cet enjeu est vital», a pour sa part déclaré Beat Knoblauch, représentant des Suisses d’Australie. Selon Roland Büchel, député de l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice), près de 100’000 expatriés seraient concernés par ce problème. Cela fait bientôt six ans que l’OSE interpelle le Conseil fédéral, les banques et l’Association suisse des banquiers à ce sujet. Un travail de sape qui n’a jusqu’ici pas porté ses fruits.
Non à l’initiative Ecopop
Contre l’avis de son comité, le Conseil des Suisses de l’étranger a adopté une recommandation de vote invitant à rejeter l’initiative ECOPOP. Le texte, qui sera soumis au verdict du peuple le 30 novembre, demande de limiter à 0,2% par an la croissance de la population suisse due aux migrations. Si le texte de l’initiative était appliqué à la lettre, il vaudrait également pour les Suisses de l’étranger souhaitant revenir en Suisse.
Résolution votée
Le Conseil des Suisses de l’étranger (CSE), que l’on qualifie souvent de Parlement de la 5e Suisse, a donc décidé de hausser le ton. Les 87 délégués présents à Aarau ont voté à une très large majorité une résolution exigeant de la Confédération qu’elle oblige PostFinance à fournir des relations bancaires de base aux Suisses de l’étranger, pour autant que l’argent ait été déclaré au fisc de leur pays de domicile. Sont concernés les comptes courants, les comptes pour la prévoyance vieillesse, les hypothèques ou encore les crédits immobiliers.
Postfinance est le bras financier de LaPoste Suisse, une société anonyme dont le capital est entièrement détenu par la Confédération. L’ex-banque postale assume donc, selon le CSE, une mission de service public.
Le différend fiscal avec les Etats-Unis est à l’origine du durcissement opéré par les banques, tout comme les règles plus strictes adoptées dans plusieurs pays. «Les risques et les coûts de la gestion de fortune transfrontalière ont augmenté de manière substantielle ces dernières année», explique Thomas Sutter, porte-parole de l’Association suisse des banquiers (ASB), à swissinfo.ch. Conséquence: certaines banques sont arrivées à la conclusion qu’il n’était plus rentable de conserver leurs relations avec des petits clients établis à l’étranger.
«C’est le bon moment pour agir. Nous avons réussi à rendre le débat visible sur le plan national et il y a désormais un intérêt public à résoudre ce problème», a indiqué Roland Büchel. Le député UDC et membre du comité du CSE est également l’auteur d’une motion parlementaireLien externe qui demande de garantir aux Suisses de l’étranger le service universel en ce qui concerne le trafic des paiements. Il pourra compter sur le soutien de la Fondation pour la protection des consommateurs . Sa directrice, Sara Stalder, a en effet indiqué dans la SonntagsZeitung étudier la possibilité d’inscrire dans la loi ce service qu’elle juge public.
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Les nouvelles manières de rester en contact
La 5e Suisse veut rester visible
Une possible fin de l’obligation faite aux expatriés de s’annoncer auprès des représentations diplomatiques est l’autre pomme de discorde qui a occupé les représentants de la Cinquième Suisse vendredi. Ils ont adopté à une large majorité une résolution pour que cette obligation soit maintenue dans la nouvelle Loi sur les Suisses de l’étranger.
Le Parlement helvétique est à l’heure actuelle divisé sur la question: le Conseil des Etats s’est prononcé en faveur du maintien de cette obligation, tandis que le Conseil national s’y oppose. Les divergences devant être encore aplanies, le dossier retournera donc une nouvelle fois au Conseil des Etats cet automne.
Dans l’hémicycle du Parlement argovien, les interventions à ce sujet ont souvent été émotionnelles. «Un Suisse qui n’est pas immatriculé n’est qu’un demi-Suisse!», s’est ainsi emporté un délégué du Venezuela. «En Suisse, chaque arbre est enregistré, mais on laisse sans autre les Suisses de l’étranger disparaître du radar», a quant à lui regretté un représentant de la diaspora helvétique en Nouvelle-Zélande.
Congrès annuel
Plus de 400 membres de la «Cinquième Suisse» se réunissent chaque année durant trois jours en Suisse pour leur congrès annuel. La manifestation commence traditionnellement par la séance du Conseil des Suisses de l’étranger, le «Parlement de la Cinquième Suisse», avant d’ouvrir officiellement le vendredi soir. La journée du samedi est consacrée à l’assemblée plénière ainsi qu’à la thématique officielle du congrès, cette année: «Technologies de l’information et médias sociaux: une chance pour la 5e Suisse». La journée dominicale est l’occasion de visiter la région hôte.
Responsabilité individuelle
Nouveau directeur de la section consulaire du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), Jürg Burri a eu la lourde tâche de défendre la position du Conseil fédéral (gouvernement) dans ce dossier. «En aucun cas, l’abolition de l’obligation d’immatriculation n’a été décidée pour décharger l’administration», a-t-il affirmé. Jürg Burri a en revanche tenu à souligner que la responsabilité individuelle figurait au centre de la nouvelle Loi sur les Suisses de l’étranger: «Il ne s’agit pas d’un inventaire quelconque mais de citoyens qui ont leur destin en mains. Et on ne peut pas continuer à imposer une obligation de s’immatriculer s’il n’y a pas de sanctions au bout du compte».
Cette suppression complique la mission de la Confédération, inscrite dans la Constitution, qui est de renforcer les liens entre les expatriés et leur mère-patrie, regrette pour sa part l’OSE. «La responsabilité individuelle nécessite une bonne information. Et pour être informé, il faut être immatriculé», a ainsi relevé Jacques-Simon Eggly. En cas de crises, conflits ou catastrophes, de nombreux expatriés ne pourraient plus être contactés par les autorités suisses, ont également prévenu de nombreux intervenants.
La nouvelle loi prévoit par ailleurs que les expatriés désireux de s’annoncer auprès d’une représentation suisse soient automatiquement inscrits dans un registre électoral. Ce n’est pas le cas à l’heure actuelle: seuls 155’000 Suisses de l’étranger sur 732’000 ont effectué les démarches pour disposer du droit de vote dans leur canton d’origine. L’ancien directeur de l’OSE, Rudolf Wyder, a dit craindre qu’avec cet automatisme, de nombreux Suisses de l’étranger non intéressés à exercer leurs droits politiques dans leur pays d’origine refusent tout simplement de s’annoncer auprès d’une représentation diplomatique.
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