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La France marche pour la liberté. Et maintenant?, demande la presse suisse

Dimanche, les Français étaient (presque) tous Charlie. AFP

Ce serait la plus grande manifestation de l’histoire de France. 3 à 4 millions de personnes étaient dimanche dans les rues de Paris et des villes de province, pour la liberté d’expression et contre le terrorisme, après la semaine noire qui a ensanglanté le pays. Revue de la presse suisse.

«Historique. Paris était hier la capitale d’un monde entré en résistance contre le terrorisme, note avec lyrisme ‘La Tribune de Genève’. Les rabbins, imams et prêtres ont fraternisé à l’ombre de la statue de la République. Jamais après un attentat, dans aucun autre pays, il n’y a eu une telle foule rassemblée».

Le quotidien genevois salue aussi la présence à Paris d’«une quarantaine de chefs d’Etat et de gouvernement, dont ceux du Proche-Orient et d’Afrique si souvent confrontés aux attentats. Le premier ministre israélien et le président palestinien ont défilé sur une même ligne, à quelques mètres l’un de l’autre. Tous les premiers ministres européens étaient là, la présidente de la Confédération, Simonetta Sommaruga avec eux».

«C’est d’abord un modèle culturel intangible – dont le dessin de presse est par excellence le symbole frondeur – que les Français, les Européens et bien au-delà, ont voulu défendre aux yeux du monde, se réjouit ‘La Liberté’ de Fribourg. L’irréductible liberté d’esprit à la française, qui remonte à plusieurs siècles, est patrimoine de l’humanité et le restera».

«Paris, capitale du monde»

Pour ‘Le Temps’, c’est carrément «le plus bel acte que la France pouvait réaliser après une semaine noire. Le réflexe républicain a amené les citoyens à communier dans la rue, à se toucher, à se parler, à aimer follement leurs congénères et leur nation. Ce fut un élan magnifique et porteur d’espoir. Comme l’a dit le président français, Paris est devenu en ce dimanche de janvier la capitale du monde. Et même la capitale du monde libre, pourrait-on ajouter».

Le quotidien romand relève également ces «histoires individuelles très fortes, qui ont jalonné ces derniers jours de désespoir. Comme celle de ce policier musulman abattu par les islamistes alors qu’il s’interposait près de la rédaction de Charlie Hebdo. Celle aussi de cet épicier musulman qui a protégé des juifs de la folie d’un autre djihadiste».

Contenu externe

Oui, mais…

Dans un éditorial commun, la ‘Berner Zeitung’, la ‘Neue Luzerner Zeitung’ et une bonne demi-douzaine de journaux alémaniques posent tout de même la question de savoir si «tous les participants au rassemblement portaient le même chapeau. Et ceci pas seulement parce qu’on remarquait par exemple la présence du premier ministre hongrois Viktor Orban, pas précisément un ami de la liberté d’expression».

«A la manif parisienne, les uns exprimaient leur tristesse pour les dessinateurs, les juifs, les policiers assassinés, les autres leur soutien de principe à un magazine satirique que la plupart ne lisent jamais. Le gouvernement français appelait de son côté à l’unité nationale, alors que la communauté internationale voulait en faire une démonstration de fermeté», poursuivent les quotidiens d’outre-Sarine.

Pour la France, cette manifestation «sert notamment à réaffirmer les valeurs d’une société marquée par de fortes tensions et de profondes divisions, qui essaie maintenant de trouver une nouvelle unité sous la pression d’une menace manifeste», analyse de son côté la ‘Neue Zürcher Zeitung’. Mais le monde politique n’est pas parvenu à serrer les rangs, puisque François Hollande a exclu d’emblée Marine Le Pen et son parti de la droite xénophobe.

«Comme il y a maintenant une urgence accrue à redéfinir la cohabitation dans une société mixte, et particulièrement la cohabitation avec les musulmans, il est impératif d’associer deux groupes à la négociation: les Français issus de l’immigration et les Français qui ont des problèmes avec leurs compatriotes issus de l’immigration», avertit le journal zurichois,

Et maintenant, que faire?

Sur le même ton, ‘La Liberté’ évoque ces responsables politiques qui «se retrouvent aujourd’hui dans l’inconfortable position de devoir apporter des réponses rapides à des problèmes à long terme, ultra complexes, notamment sur la question de l’inclusion sociale au travers de l’éducation». Et à ce titre, le fait que des élèves aient refusé d’observer une minute de silence jeudi «rappelle la profondeur de la rupture entre la République et certains de ses enfants».

En Suisse aussi

Les «Je suis Charlie» ont beaucoup fleuri en Suisse durant tout le week-end. Dimanche, près de 2000 personnes ont défilé à Lausanne. Quelque 200 personnes se sont rassemblées à Genève à la suite d’un appel lancé sur Facebook. La veille, un cortège rassemblant plus de 2000 personnes avait été organisé dans la cité de Calvin. Des manifestants ont laissé des bougies et des fleurs devant l’entrée du consulat de France. A Bellinzone, quelque 500 personnes se sont retrouvées sur la Piazza Governo.

«Nous ne devons pas nous figer, mais réagir». Et «n’oublions pas que la grande majorité des personnes de confession musulmane sont très bien intégrées», a notamment déclaré Simonetta Sommaruga dans la presse dominicale. La présidente de la Confédération a elle aussi participé à la marche contre le terrorisme à Paris. «La Suisse, comme beaucoup d’autres pays, a fait savoir à la France qu’elle se tient solidaire à ses côtés, a-t-elle dit. La chose la plus importante pour l’instant est que nous défendions ensemble nos valeurs communes.»

De leur côté, le ministre de la Défense Ueli Maurer et le commandement de l’armée restent calmes. Ils ne voient pas de raison de repenser le dispositif de sécurité après les attaques terroristes en France. «Pour nous, cela n’a rien changé», a indiqué Maurer à la radio alémanique SRF samedi.

(source: ATS)

‘Le Temps’ également souligne l’urgence «de réfléchir à la manière d’éduquer, de vivre ensemble mais aussi de mieux surveiller et agir face aux dangers imminents. Ce sera demain. Et les politiques, le président Hollande en tête, lui qui s’est transformé en chef du monde libre pour un jour, savent désormais que cette tâche ne peut pas être reportée».

A mourir de rire

La ‘Berner Zeitung’ et les autres soulèvent une question à plus court terme encore: les survivants de Charlie vont-ils publier mercredi, dans leur prochaine édition, de nouvelles caricatures du prophète Mohamet? «Un vrai dilemme: par principe, la réponse devrait être oui, mais dans les banlieues de Paris, d’où venaient les terroristes, cela ne ferait qu’aviver la colère. Pas facile… peut-être doit-on admettre que si on a le droit d’exprimer librement son avis, on ne doit pas forcément absolument le faire. Et peut-être que Charlie, pour une fois, pourrait rester au-dessus de la ceinture. Car les deux camps peuvent – et doivent – faire un effort, comme l’a montré la présence de nombreux musulmans à la marche de dimanche».

Malgré cela, relève ‘La Tribune de Genève’, «tous les partis et toutes les religions représentés dimanche ont été caricaturés avec irrévérence dans les colonnes de Charlie. Et c’est pourtant ce journal qui les a réunis malgré lui».

Le quotidien romand ‘Le Matin’ quant à lui, appelle aussi à «réprimer l’extrémisme légalement», à «freiner l’obscurantisme par l’éducation», mais surtout à ne «pas oublier de rire». «La barbarie ne se combat pas en rétablissant la peine de mort. La peur est l’arme des terroristes. Celle des Cabu, Wolinski ou Charb, c’était la déconnade. C’est elle qui blesse les intégristes, peu connus pour leur sens de l’humour. La force, ils comprennent, la farce, pas. Hier, tout était digne, beau, mais solennel. On s’est peu poilé. Demain, faites comme Charlie: l’humour, pas la guerre».

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