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La France touchée par le «virus suisse»

Les frontaliers français sont inquiets du frein à l'immigration voté par les Suisses dimanche dernier. Keystone

Le vote suisse sur la libre circulation inspire la droite française. De nombreuses voix s'élèvent pour réclamer des quotas en matière migratoire. Côté frontalier, l'inquiétude règne mais aussi une certaine «compréhension».

«Le virus suisse». C’est ainsi que le quotidien Libération décrit l’impact en France du vote suisse sur l’immigration. Ceux qui s’attendaient à une indignation unanime après le résultat de dimanche, au traditionnel «swiss bashing», ont été surpris. Les réactions dans l’Hexagone sont bien plus complexes et de très nombreux Français «comprennent» le choix d’une petite majorité de Suisses.

«Parfaitement naturel».  Le premier à être atteint par le «virus suisse» n’est pas un leader de la droite nationaliste, mais un ténor de la droite modérée, rurale et paisible. Lundi matin, l’ancien premier ministre français, François Fillon, trouvait légitime la volonté du peuple helvétique de réduire le nombre d’étrangers sur son territoire.

Partageant l’idée de l’UDC, Fillon souhaite que le Parlement français fixe des quotas d’immigrants, métier par métier. «Il faudrait décider chaque année, en fonction des capacités d’intégration du pays, combien de personnes extérieures il peut accueillir», estime l’ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy.

Par la suite, Fillon a légèrement nuancé ses propos, regrettant la situation difficile des frontaliers. D’autres figures de la droite ont déploré une «dénonciation unilatérale des accords de libre circulation», tandis que la gauche fustigeait le «vent mauvais» venu de Suisse.

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Le Front National applaudit

Mais, éclipsées par les mots de Fillon, ces critiques sont passées presque inaperçues. Le ton était donné. Dans un climat de surenchère à droite, le vote suisse montre l’exemple et conforte ceux qui, tel l’ancien ministre des Affaires européennes Laurent Wauquiez, proposent de sortir de l’espace Schengen. Au Front National, Marine Le Pen applaudit des deux mains le «bon sens» helvétique.

«Le sujet est en train de s’inviter dans la campagne pour les élections européennes», reconnaît la députée Claudine Schmid, qui représente les Français de Suisse à l’Assemblée nationale. Mariée à un Zurichois, née à Saint-Julien-en-Genevois et connaissant parfaitement la Suisse, Claudine Schmid voudrait éviter les amalgames et les mauvaises comparaisons. «Ne nous immisçons pas dans la politique helvétique», plaide-t-elle.

La députée fait confiance au pragmatisme suisse. «Je n’ai personnellement aucune inquiétude pour les Français travaillant en Suisse: ils ne seront pas touchés.»

Le film de Jean-Stéphane Bron, consacré au leader historique de l’UDC, sort sur les écrans français le 19 février.

Une avant-première aura lieu le jeudi 13 février à 20h au cinéma parisien Mk2 Beaubourg, en présence du réalisateur.

Un débat suivra la projection. Il sera animé par Pierre Haski (Rue89)

«Une balle dans le pied»

Pourtant, du côté des frontaliers, on est plus inquiet. «Les frontaliers qui perdent leur emploi risquent d’être les premiers concernés: ils perdront leur permis et, du fait des quotas, auront du mal à le retrouver», estime Jean-Pierre Kawczak, habitant de Thonon, qui a travaillé pendant 38 ans comme informaticien dans l’industrie neuchâteloise, puis vaudoise.

Le vote suisse ne le surprend pas «Ça fait longtemps qu’on entend dire en Suisse ‘Il y a trop de frontaliers’ et qu’on entend parler à Genève de la  ‘racaille d’Annemasse’», note Jean-Pierre Kawczak, qui était déjà en Suisse du temps de l’initiative Schwarzenbach contre la «surpopulation étrangère».

Pour Jean-Pierre Kawczak, la Suisse s’est tirée une balle dans le pied. Plus de la moitié de ses exportations vont vers l’Union européenne. Or, celle-ci pourrait bien changer d’attitude à l’égard de la Confédération. «Son PNB et son quasi plein emploi risquent d’en prendre un coup.»

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Le frein à l’immigration inquiète la presse internationale

Ce contenu a été publié sur Dans son édition internationale, le New York Times affiche le résultat de la votation helvétique sur sa Une: «Les citoyens suisses approuvent de nouvelles restrictions en matière d’immigration». L’immigration est devenue un sujet de polarisation en Europe, explique le New York Times: «Les nations les plus prospères craignent de plus en plus que leur système…

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Un choix «respectable»

La décision suisse ne choque pas l’ensemble des 154’000 frontaliers, loin de là. «Opter pour la préférence nationale n’est pas critiquable, rétorque Alain Marguet, président de l’Amicale des frontaliers de la région Franche-Comté. Après tout, cette préférence existait avant les accords de libre circulation. Ce choix, il faut le  respecter, d’autant plus qu’il émane du peuple.  Si vous posiez la même question aux Français, leur réponse serait identique.»

Avant les accords de libre circulation, il fallait habiter dans une bande  frontalière de 10 km pour pouvoir bénéficier du statut de frontalier. «Aujourd’hui, les gens viennent de régions durement touchées par le chômage, comme la Lorraine, pour travailler en Suisse, note Alain Marguet. Cela peut créer, en cas de chômage, des situations beaucoup plus douloureuses.» Dans l’Arc jurassien, 60% des 45’000 emplois de l’horlogerie sont occupés par des frontaliers.

Les relations avec la Suisse seront «révisées»

Le vote suisse en faveur d’une limitation de l’immigration est une mauvaise nouvelle pour l’Europe, a regretté lundi le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, qui a souligné que l’Union européenne allait devoir réviser ses relations avec la Suisse. «C’est un vote préoccupant parce qu’il signifie que la Suisse veut se replier sur elle-même […], et c’est paradoxal car la Suisse fait 60% de son commerce extérieur avec l’Union européenne», a souligné à la radio RTL le ministre des Affaires étrangères.

«C’est une mauvaise nouvelle à mon avis, à la fois pour l’Europe et pour les Suisses, parce que la Suisse refermée sur elle-même, ça va les pénaliser», a-t-il poursuivi, en estimant que «la Suisse toute seule ne représente pas une puissance économique considérable». «On va revoir nos relations avec la Suisse», après cette décision des Suisses d’introduire des quotas d’immigration, a ajouté Laurent Fabius.

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