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La Suisse accusée de saper les lois internationales

L'affiche de l'UDC pour son initiative "contre l'immigration de masse" adoptée par les citoyens il y a un an. Keystone

Dans son rapport annuel, Amnesty International pointe du doigt l’affrontement  problématique entre le droit international et certaines initiatives populaires suisses. L’organisation de défense des droits humains reproche également à la Suisse le traitement qu’elle réserve aux requérants d’asile, la situation dans les prisons et une prévention insuffisante de la discrimination.

Publié mercredi, le rapport Lien externerelève une tendance hostile à l’immigration en Europe: «Dans toute l’Union européenne (UE),le marasme économique et la baisse de confiance dans les partis politiques classiques a provoqué une montée des partis populistes situés aux extrémités de l’échiquier politique. L’influence de positions nationalistes teintées d’une xénophobie à peine voilée a été particulièrement nette dans l’adoption de politiques migratoires de plus en plus restrictives, mais a également transparu dans la méfiance croissante à l’égard de toute autorité supranationale.»

La Suisse en particulier est accusée d’avoir attaqué les cadres et les principes établis des droits de l’homme: «Le Royaume-Uni et la Suisse ont mené l’assaut, les partis au pouvoir dans ces deux États s’en prenant ouvertement à la Cour européenne des droits de l’homme et évoquant un éventuel retrait du système européen des droits humains établi par la Convention.»

Le rapport ajoute que les initiatives populaires sur les quotas pour les travailleurs de l’UE et l’expulsion des criminels étrangers sont incompatibles avec les obligations de la Suisse en matière de droit international.

«Une honte»

«C’est une honte que deux pays démocratiques comme la Suisse et le Royaume-Uni, qui ont bénéficié de la Cour européenne des droits de l’homme, la contestent maintenant à cause de pressions exercées par certaines franges de la population», affirme Nadia Boehlen, porte-parole de la section suisse Lien externed’Amnesty International.

«Un mouvement politique soutenu par l’UDC (Union démocratique du centre / droite conservatrice) remet en question la Cour européenne des droits de l’homme et les pactes internationaux en la matière en déclarant que la Suisse est souveraine et  qu’elle n’a pas besoin d’en tenir compte», souligne Nadia Boehlen.

Le rapport d’Amnesty indique que la Suisse doit suivre les recommandations du Comité des Nations Unies sur l’élimination de la discrimination raciale (CERD), soit de mettre en place un mécanisme indépendant pour s’assurer qu’aucun conflit ne survienne entre les initiatives populaires et le droit international.

«Un tel mécanisme indépendant serait utile à plusieurs niveaux, estime Nadia Boehlen. Il permettrait d’écarter en amont les initiatives incompatibles avec le droit international. Il pourrait également aider à l’application des initiatives actuelles qui sont en conflit avec les lois internationales.»

Renvoi et discrimination

Le rapport d’Amnesty cite également les accusations portées contre la police par la Commission nationale de prévention de la torture (CNPT) et les ONG concernant l’utilisation de la force excessive et des moyens de contraintes lors des expulsions. Le danger encouru par les migrants renvoyés est également soulevé avec le cas de deux demandeurs d’asile tamouls arrêtés après avoir été expulsés au Sri Lanka en 2013.

La question du port du voile est également abordée sous l’angle de la discrimination: «En novembre, le tribunal administratif du canton de Saint-Gall a jugé que l’interdiction du port du voile à l’école imposé à une élève musulmane était disproportionnée. En septembre 2013, les habitants du canton du Tessin se sont prononcés en faveur de l’interdiction du port du voile intégral. Celle-ci ne peut entrer en vigueur qu’avec l’approbation du Parlement fédéral.»

Le rapport rappelle également qu’«en mars, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale [ONU] a recommandé au gouvernement d’adopter une définition claire et complète de la discrimination raciale, directe comme indirecte, couvrant tous les domaines de la législation. Il a également appelé le gouvernement à mettre en place un système efficace de collecte de données sur la discrimination et à prendre des mesures pour que nul ne fasse l’objet de contrôles d’identité, de fouilles ou de toute autre opération policière en raison de sa race ou de son appartenance ethnique.»

AI s’en prend également aux conditions carcérales. L’ONG pointe du doigt le cas de deux détenus de la prison de Champ-Dollon (GE) soumis à des conditions «inhumaines» contraires à la Convention européenne des droits de l’homme, selon un verdict du Tribunal fédéral rendu le 26 février.

Détenus trois mois, ces détenus avaient été enfermés 23 heures par jour avec quatre autres individus dans une cellule de 23 m2 conçue pour trois personnes, et sans aucun accès à des activités.

Contenu externe

Contactée par swissinfo.ch, l‘UDC a confirmé avoir à plusieures reprises critiqué la pratique dynamique et à rallonge de la Cour européenne des droits de l’homme. «Ce faisant, la Suisse perd de plus en plus son autodétermination juridique». La mise en œuvre de décisions populaires est de plus en plus entravée en raison de la pratique de la CEDH. C’est notamment pour cette raison que l’UDC a décidé de lancer l’initiative «Pour faire appliquer les décisions du peuple – le droit suisse prime le droit étranger», qui doit clarifier le rapport entre le droit national et le droit international. «La source juridique suprême devrait être la Constitution suisse. Celle-ci devrait primer – sous réserve du droit international impératif – sur le droit international.

 Dans sa prise de position, l’UDC affirme aussi ne pas remettre les droits de l’homme en question. «Ceux-ci sont inscrits dans la Constitution fédérale et ne sont pas respectés et suivis seulement depuis l’adhésion de la Suisse à la Convention européenne des droits de l’homme».

Traduction de l’anglais: Frédéric Burnand

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