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La Suisse accusée de soutenir le terrorisme

Abraham H. Foxman, directeur de l'Anti-Defamation League. www.jewishsightseeing.com

Le moment est très mal choisi pour faire des affaires avec l'Iran. C'est, en substance, le message que la campagne de presse lancée par l'Anti-Defamation League (ADL) veut adresser à la Suisse, affirme son directeur Abraham H. Foxman.

L’organisation juive américaine accuse la Suisse de financer le terrorisme mondial. Elle fustige en particulier la conclusion d’un accord de livraison de gaz qui a été signé à la mi-mars en présence de la ministre des affaires étrangères Micheline Calmy-Rey à Téhéran.

Approché par swissinfo, Abraham Foxman explique le sens de la campagne de presse qui a été lancée par l’ADL mardi dans les grands journaux suisses et internationaux.

Le mauvais moment

Ce qui pose problème, c’est avant tout le moment choisi par la Suisse pour la conclusion du contrat. Une conclusion qui intervient dans un contexte où l’Europe et les Etats-Unis tentent depuis longtemps de faire pression sur l’Iran pour que ce dernier abandonne son programme nucléaire, explique Abraham Foxman.

L’Union européenne, soutenue explicitement par Washington, a offert à Téhéran d’augmenter son aide économique en contrepartie d’un abandon du programme nucléaire; mais si l’Iran continue dans ses visées, il doit s’attendre à des sanctions économiques.

Une offre que les Iraniens persistent à refuser. Or, «l’attitude de la Suisse ne fait que les encourager à camper sur leurs positions et leur donne le temps de poursuivre leur programme d’armement atomique», dénonce Abraham Foxman.

Et l’Américain de souligner son propos en faisant remarquer que l’Iran vient justement d’annoncer avoir installé près de 6000 centrifugeuses d’enrichissement de l’uranium dans son usine de Natanz.

Mais pourquoi se braquer sur la Suisse alors que d’autres Etats entretiennent des relations économiques bien plus étroites avec l’Iran? Le directeur de l’ADL avance trois raisons qui font de la transaction suisse un cas différent et plus problématique.

«Le montant qui s’élève à 20 milliards d’euros; le moment choisi, juste après l’adoption au Conseil de sécurité de l’ONU d’une troisième résolution de sanctions, et l’aspect politique.»

Une décision irresponsable

Si la campagne s’en prend nommément à Micheline Calmy-Rey, c’est que la ministre suisse a délibérément accepté l’invitation de Téhéran, qu’elle a pris part à une conférence de presse et qu’elle a osé parler d’un «succès diplomatique et économique», justifie Abraham Foxman.

«Sa décision d’aller en Iran était irresponsable. Elle aurait dû se rendre compte qu’elle était manipulée par les Iraniens dans le but d’offrir un démenti à leur prétendu isolement international.»

«Elle incarne la politique extérieure de la Suisse. Et c’est clairement cette politique que nos critiques visent, même si elles d’adressent à la ministre Calmy-Rey.»

Honte à la Suisse

Rendu attentif au fait que la campagne rappelle celle sur les fonds en deshérence, Abraham Foxman se contente de propos évasifs: «Le gouvernement suisse devra assumer la responsabilité de ses actes.»

La déclaration de Micheline Calmy-Rey, qui invoquait la sécurité énergétique du pays pour justifier la signature du contrat, est à son avis ridicule. L’entreprise suisse signataire EGL aurait elle-même reconnu que la plus grande partie du gaz sera destinée à l’Italie.

Le plus honteux pour la Suisse, selon Foxman, c’est que l’Iran se servira probablement de l’argent du contrat pour développer ses armes atomiques, pour fournir le Hezbollah en missiles et financer ses groupes terroristes basés en Europe.

La FSCI informée

Le directeur de l’ADL respecte la position de la Fédération suisse des Communautés israélites (FSCI) qui, par la bouche de son président Alfred Donath, s’est publiquement distancée hier de la campagne de presse. Il précise aussi que la FSCI avait été informée au préalable du lancement de la campagne.

Mais il considère que l’affaire ne se limite pas à une controverse entre la Suisse et les Juifs ou Israël mais qu’elle adresse au contraire un message au monde entier.

«Ce n’est pas le moment de briser le consensus qui unit les pays responsables à propos des pressions à exercer sur l’Iran pour qu’il abandonne son programme nucléaire.»

Une erreur politique

La Suisse s’apprête-t-elle à répéter certaines erreurs de son passé en matière de politique économique extérieure? Tout en évitant de tomber dans l’analogie grossière, Abraham Foxman note quand-même que «l’Iran a menacé de détruire Israël».

Et d’avertir qu’en tant que principal mécène du terrorisme et leader idéologique de l’islamisme radical, l’Iran n’est pas prêt de reconnaître la neutralité de quiconque.

«La Suisse est une démocratie occidentale. En cela, elle ne devrait pas chercher à ruiner les efforts des autres démocraties pour empêcher l’Iran d’acquérir l’arme nucléaire», conclut-t-il.

swissinfo, Rita Emch, New York
(traduction: Laurent Andrey)

Micheline Calmy-Rey s’est rendue en Iran les 16 et 17 mars.

L’objectif de sa visite officielle était triple: évoquer le dossier du nucléaire, aborder la question des droits de l’homme et assister à la signature d’un gros contrat gazier entre la société nationale iranienne et une entreprise suisse.

Le même jour, l’ambassade américaine à Berne a fortement critiqué cet accord, estimant qu’il violait l’esprit des sanctions de l’ONU contre l’Iran. Le ministère israélien des Affaires étrangères a renchéri en parlant d’un «acte inamical à l’égard d’Israël». L’ambassadeur de Suisse à Tel-Aviv a été convoqué.

L’Anti-Defamation League (ADL) a été fondée en 1913 aux Etats-Unis dans le but de combattre la diffamation à l’égard de la communauté juive.

Par la suite, elle a élargi sa lutte contre toute forme de discrimination.

Lors de l’affaire des fonds juifs, l’ADL s’était montrée plus nuancée dans ses critiques que le Congrès juif mondial, reconnaissant notamment les efforts de la Suisse pour faire face à son passé.

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