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La Suisse décide de freiner l’immigration européenne

La Suisse réintroduit les contingents pour les travailleurs en provenance de l'Union européenne. Keystone

Le gouvernement suisse active la clause de sauvegarde pour limiter l'immigration liée à la libre circulation des personnes. A partir du 1er mai et durant un an, les contingents s'appliqueront à tous les travailleurs de l'Union européenne.

Le Conseil fédéral (gouvernement) a décidé mercredi d’étendre pour un an à tous les ressortissants de l’Union européenne un contingentement des permis de travail de longue durée, un dispositif qui était déjà en place depuis un an pour les ressortissants de huit pays d’Europe centrale et orientale.

La clause dite «de sauvegarde», fixée dans l’accord bilatéral, permet à la Suisse de réintroduire unilatéralement des contingents pour une durée limitée. Condition: le nombre d’autorisations de séjour délivrées à des travailleurs provenant de l’UE doit dépasser d’au moins 10% la moyenne annuelle des permis émis au cours des trois années précédentes.

Depuis le 1er mai 2012, la Suisse a réintroduit des contingents de permis de séjour pour l’Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Slovaquie, la Slovénie et la République tchèque.

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Faut-il plutôt fâcher le peuple ou l’UE?

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Critiques de l’UE

Pour les ressortissants des autres pays de l’UE, la clause de sauvegarde s’appliquera une fois que sera atteint le seuil de 53’700 permis délivrés en une année, à compter de mai 2013. Passé ce chiffre, plus aucun permis ne sera délivré. En Suisse, les permis B sont attribués à des personnes qui disposent d’un contrat de travail pour une durée de plus d’une année ou de durée indéterminée.

L’annonce l’année dernière de la réintroduction des contingents de permis de travail à l’égard de huit pays européens avait soulevé de vives critiques de l’UE. 

Le gouvernement suisse a procédé à une analyse de la situation et a décidé, en dépit de l’opposition des milieux économiques et de la gauche, de limiter aussi le nombre d’autorisations de séjour délivrées aux ressortissants des autres pays membres de l’UE, cédant ainsi aux pressions de la droite. Selon les principes de base réglant les questions migratoires entre la Suisse et l’UE, la clause de sauvegarde ne peut toutefois être invoquée par Berne que jusqu’à 2014.

Dans une Europe en grande partie en proie à la crise économique, la prospérité suisse agit comme un aimant.
 
En janvier 2013, le nombre d’immigrés en provenance de l’UE-17 a augmenté de presque 33% par rapport à janvier 2012. Parmi les ressortissants de l’UE-8 (pays de l’Est), cette hausse a atteint presque 50%.
 
5500 immigrés de l’UE-17 ont obtenu une autorisation de séjour prolongée en janvier. C’est le 2e plus important afflux mensuel depuis début 2009. Le principal pays d’émigration vers la Suisse est l’Allemagne, suivie de l’Italie, du Portugal, de la France et de l’Espagne.
 
Au total, plus de 79’000 ressortissants de l’UE-17 et 13’500 de l’UE-8 sont arrivés en Suisses entre février 2012 et janvier 2013.

Pas un acte inamical

Devant la presse réunie à Berne, la ministre de Justice et Police Simonetta Sommaruga a reconnu que l’activation de la clause de sauvegarde n’aura qu’un petit effet sur l’immigration. C’est un instrument parmi d’autres pour piloter l’immigration et seule la somme des mesures permettra de régler les problèmes, a-t-elle estimé.

«Ce n’est pas un acte inamical contre l’UE», a déclaré la représentante du Conseil fédéral. La Suisse ne fait qu’appliquer une clause qu’elle a négociée avec l’UE, a rappelé la ministre. «Nous sommes des amis et le resterons.» Les autorités européennes ont été informées dès mercredi, a précisé le porte-parole du gouvernement André Simonazzi.

Le président du Parlement européen Martin Schulz a indiqué avoir de la compréhension pour les craintes de la Suisse face à une immigration trop élevée. L’Allemand émet toutefois des doutes quant au bien-fondé de cet instrument: limitée dans le temps, la clause de sauvegarde a plutôt un caractère symbolique sur le plan politique.

La Suisse est convaincue de l’importance de la libre circulation et les mesures d’accompagnement (anti-dumping) de la libre circulation restent plus importantes que jamais, a quant elle insisté Simonetta Sommaruga. «Il est essentiel que les Suisses puissent bénéficier de logements bon marché, que la protection du paysage soit garantie et que le développement des infrastructures soit poursuivi.»

Un «placebo» pour la gauche

Comme attendu, les Verts et les socialistes n’ont pas tardé à critiquer la décision du Conseil fédéral, estimant que l’activation de la clause de sauvegarde est une erreur. Dans le meilleur des cas, elle «n’aura qu’un effet placebo», affirment les deux partis. «Pour que la libre circulation des personnes profite à l’ensemble de la population, on ne peut pas se contenter de lui administrer un sédatif. Il faut, au contraire, prendre des mesures d’accompagnement efficaces dont l’application soit dûment contrôlée», a déclaré le président du Parti socialiste Christian Levrat.

Ces mesures d’accompagnement, le PS et les Verts les voient tant dans le marché du travail que dans le marché immobilier, les infrastructures et la formation. Le Parti démocrate-chrétien (PDC / centre-droit) se montre en revanche satisfait de la décision du Conseil fédéral. Sur le fond, le PDC veut même aller plus loin, comme il l’a fait savoir devant les médias lundi.

Le parti défend l’idée, lancée par son président Christophe Darbellay, de négocier avec l’UE une clause de sauvegarde permanente, une solution qui ne correspond toutefois pas selon cette formation à une réintroduction des plafonds annuels des travailleurs étrangers comme la réclame par exemple l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice).

Une décision insuffisante pour l’UDC

Le Parti libéral-radical (PLR) se montre également satisfait, convenant toutefois que le gouvernement a accordé davantage de poids à la situation intérieure qu’extérieure. Son président Philipp Müller comprend dès lors tout à fait que la politique étrangère de la Suisse ne sera certainement pas simple à l’avenir. En étendant l’activation de la clause de sauvegarde à l’ensemble des pays de l’UE et non plus seulement aux huit de l’Est, le Conseil fédéral répond ainsi aux accusations de discriminations entendues l’an dernier, a relevé Philipp Müller.

Pour l’UDC, en revanche, la décision du Conseil fédéral demeure bien insuffisante. Vendue au peuple comme l’«arme miracle» à l’époque de la libre circulation, la clause de sauvegarde montre cependant ses limites, notamment dans la durée, écrit l’UDC dans un communiqué. Le parti conservateur en profite également pour promouvoir son initiative populaire visant à «lutter contre l’immigration de masse», seule à même, selon l’UDC, de véritablement maîtriser l’arrivée d’étrangers en Suisse.

L’accord de libre circulation des personnes entre la Suisse et l’UE a été signé en 1999 et est entré en vigueur le 1er juin 2002 avec les 15 Etats qui étaient membres de l’UE à cette époque (UE-15).
 
Le 1er avril 2006, il a été étendu aux dix Etats qui avaient rejoint l’UE en 2004. Chypre et Malte ont immédiatement été intégrés aux règles valables pour les 15 premiers pays; l’UE-15 est donc devenue l’UE-17. Les huit autres pays forment le groupe UE-8.
 
Depuis le 1er juin 2009, l’accord s’applique aussi aux derniers Etats membres de l’UE: la Bulgarie et la Roumanie (UE-2).
 
L’application de l’accord se fait en trois phases.
 
Dans la première, la libre circulation n’est pas totale, mais est soumise à des contingents.
 
Dans la seconde, la libre circulation est totale, mais la Suisse a la possibilité d’appliquer une clause de sauvegarde (réintroduction de contingents) si le nombre d’autorisations de séjour dépasse d’au moins 10% la moyenne annuelle des autorisations émises au cours des trois années précédentes. La clause de sauvegarde ne peut être activée que sur une période de deux ans au maximum.
 
Dans la troisième, la libre circulation est totale et sans clause de sauvegarde.
 
L’accord de libre circulation vaut également entre la Suisse et les trois pays de l’Association européenne de libre-échange (AELE): le Liechtenstein, la Norvège et l’Islande.

Le Conseil fédéral (gouvernement) a tenu mercredi sa séance hebdomadaire au Château de Prangins, dans le canton de Vaud.  Il est ensuite allé à la rencontre de la population sur l’esplanade du château de Nyon.

«Il est important que le Conseil fédéral vienne à la rencontre de la population dans les cantons», a déclaré le président de la Confédération, Ueli Maurer.

Ueli Maurer s’est prêté de bonne grâce aux nombreuses demandes de photographies du public. La beauté du Château de Prangins, un lieu chargé d’histoire, «nous a permis d’être encore plus efficaces ce matin», a lancé le président de la Confédération.

Le Conseil fédéral a entrepris en 2010 de rendre visite aux cantons pour manifester son attachement aux différentes régions du pays. Il a déjà siégé dans le Tessin, le Jura, Uri, Valais, Bâle-Ville et Schaffhouse.

L’actuel château de Prangins a été érigé dans les années 1730. Voltaire y a résidé. Le bâtiment s’est ensuite transformé en internat avant d’être donné à la Confédération pour abriter dès 1998 l’antenne romande du Musée national suisse

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