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La Suisse délie sa bourse pour sauver la forêt tropicale brésilienne

Une cabane au milieu de la forêt amazonienne
Sous le nouveau gouvernement brésilien, la déforestation de la forêt amazonienne a massivement diminué. Mais comment les choses vont-elles évoluer? Copyright 2019 The Associated Press. All Rights Reserved.

La Confédération s’est engagée dans un fonds qui vise à préserver l’Amazonie en tant que poumon vert de la Planète. Un geste qui répond à l’appel pressant du Brésil qui veut que d’autres États participent aussi au sauvetage de cette jungle essentielle pour juguler la crise climatique.

Lorsque Luiz Inacio Lula da Silva a remporté les élections présidentielles au Brésil en octobre 2022, les défenseurs de l’environnement et du climat ont poussé un soupir de soulagement. Le retour au pouvoir de l’homme de 77 ans après une éclipse de 12 ans a été salué au niveau international comme un gage d’espoir pour la sauvegarde de la forêt amazonienne.

Sous la présidence de son prédécesseur Jair Bolsonaro, la destruction du poumon vert de la Planète avait atteint des records dramatiques. Dès son entrée en fonction, Lula da Silva a annoncé une série de mesures de protection de l’environnement, dont une stratégie de déforestation zéro d’ici 2030. Les premiers succès sont déjà visibles. La déforestation dans la forêt tropicale brésilienne a ainsi diminué d’environ 42,5% depuis son élection.

Le président brésilien a réactivé le Fonds pour l’Amazonie qu’il avait créé en 2008. Cet instrument financier avait été gelé sous le mandat de son prédécesseur. Le fonds est basé sur un mécanisme REDD+ (Reducing Emissions from Deforestation and Forest Degradation).

Il finance des projets autour de la lutte contre la déforestation et l’utilisation durable des ressources naturelles dans la région de la forêt tropicale. Il est géré par la Banque de développement brésilienne BNDES. Il s’agit du seul fonds REDD+ de cette taille pour lequel un pays lui-même, et non une organisation internationale, tient les rênes.

Jusqu’à présent, le soutien a surtout été apporté par la Norvège avec 1,2 milliard de dollars et l’Allemagne avec 68 millions. En raison de désaccords sur l’utilisation des fonds, les deux pays ont temporairement gelé leurs paiements. Ces dernières semaines, un engagement a été évoqué par différents pays, dont les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne. Et la Suisse. Le conseiller fédéral Guy Parmelin avait en effet déjà annoncé lors de sa visite au Brésil le 5 juillet 2023 que la Suisse deviendrait partenaire du fonds amazonien.

Interrogé à ce sujet, le Seco (Secrétariat d’État à l’économie) confirme: «La Suisse soutiendra cet important fonds par un premier versement de cinq millions de francs». Ce mouvement est une reconnaissance de l’engagement du gouvernement du président Lula da Silva en faveur de la protection de l’environnement et de la lutte contre la déforestation.

Discours du président brésilien dans la forêt amazonienne
Le président brésilien Luiz Inacio Lula Da Silva lors du sommet de l’Amazonie à Manaus, le 9 août 2023. A cette occasion, les Etats riverains ne sont pas parvenus à se mettre d’accord sur des chiffres contraignants concernant la déforestation de la forêt tropicale. Copyright 2023 The Associated Press. All Rights Reserved.

Les indigènes s’estiment lésés

Codirecteur de la Société pour les peuples menacés (SPM), une ONG, Christoph Wiedmer salue cette décision. Il fait toutefois remarquer que «le montant reste très modeste par rapport à l’urgence de la situation». Les arbres d’Amazonie permettent de stocker d’énormes quantités de dioxyde de carbone. Cette fonction est toutefois de plus en plus menacée par le défrichement important des dernières décennies. Un cinquième de la forêt a déjà été détruit.

Christoph Wiedmer critique en outre le fait que l’argent du fonds soit le plus souvent destiné à des projets gouvernementaux ou à de grandes organisations environnementales.

Les petits projets dirigés par des groupes de population indigènes ne reçoivent rien. Et ce, alors que le fonds a pour objectif principal de soutenir les populations locales. Les groupes autochtones eux-mêmes dénoncent une participation insuffisante et des obstacles trop élevés pour le financement de projets. 

Contenu externe

Ces communautés pointent aussi des exigences complexes en matière de gestion de projetsLien externe. Des tentatives ont eu lieu pour contourner ce problème, par exemple avec la création d’un sous-fonds pour les petites organisations ou des appels à des projets thématiques.

Malgré tout, selon une analyseLien externe récente de la fondation allemande Friedrich-Ebert-Stiftung, l’accès à ces ressources financières reste «toujours limité et très bureaucratique».

Christoph Wiedmer de la SPM considère que Berne a aussi une responsabilité dans ce domaine. «Nous attendons de la Suisse qu’elle fasse pression pour que les fonds alloués soient directement versés aux organisations de la société civile ou aux organisations indigènes».

Des fonds pour la création de valeur durable

La Suisse n’a aucune influence sur les projets qui seront concrètement soutenus, répond le Seco. «Le comité de pilotage du fonds définit les critères de sélection. Ensuite, une procédure de sélection a lieu sous la direction de la Banque brésilienne de développement.»

La somme de cinq millions correspond à un «montant habituel pour de telles initiatives». En outre, la Suisse verse huit millions à un fonds de la Banque interaméricaine de développementLien externe qui vise à promouvoir la bioéconomie en Amazonie, par exemple avec des chaînes de création de valeur durables et la réhabilitation de paysages dégradés.

L’engagement de la Suisse au Brésil va par ailleurs au-delà de la protection de l’Amazonie. La Confédération participe ainsi à un programme qui promeut une production durable de viande et de soja ou à un fonds d’investissement climatique (Climate Investment Funds). Le fonds pour l’Amazonie n’est qu’un moyen d’atteindre l’objectif de Lula da Silva de mettre fin à la déforestation d’ici 2030.

Début août, le président a invité les huit pays riverains à une conférence commune sur la protection de l’Amazonie dans la ville brésilienne de Belém. À l’issue de cette réunion, les participants ont signé une déclaration finale sur la création d’une alliance amazonienne pour lutter contre la déforestation. Ils ont approuvé la mise sur pied d’un système commun de contrôle du trafic aérien contre le crime organisé. L’accord porte encore sur une meilleure coopération dans les domaines de la science, des finances et des droits de l’homme.

Les parties prenantes n’ont toutefois pas réussi à se mettre d’accord sur des mesures contraignantes. Ainsi, le Venezuela et la Bolivie ont refusé jusqu’à la fin de signer l’exigence d’une stratégie de déforestation zéro du président brésilien. Et c’est paradoxalement le Brésil qui s’est opposé à la demande du président colombien Gustavo Petro d’obtenir une interdiction de l’exploitation pétrolière dans la région de la forêt tropicale. En effet, le groupe pétrolier semi-public brésilien Petrobras planifie un énorme projet offshore à l’embouchure de l’Amazone. En même temps, le même groupe soutient le Fonds pour l’Amazonie avec environ sept millions de dollars.

Traduit de l’allemand par Mary Vacharidis

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