La Suisse en sauveuse de l’Union européenne
La Suisse pourrait-elle représenter «une partie de la solution» à la crise européenne de l’euro grâce au réseau d’accords fiscaux bilatéraux qu’elle met en place? C’est l’impression qu’a eue mardi Micheline Calmy-Rey à l’issue de sa visite d’adieu à Bruxelles.
La ministre suisse des Affaires étrangères, qui quittera le gouvernement à la fin de l’année, a été invitée par la commission des affaires étrangères du Parlement européen à s’exprimer sur le partenariat entre la Suisse et l’Union européenne (UE) avant de participer, dans la soirée, à une grande «soirée suisse» dans une boîte de nuit très branchée de la capitale belge.
Dans ce contexte, les discours prononcés par la Genevoise se sont avérés beaucoup plus rassembleurs, moins provocateurs en tout cas, que d’habitude.
Partenaire solidaire
La Suisse est un «partenaire solidaire» de l’Union, a-t-elle notamment insisté devant les eurodéputés, en notant que Berne contribue financièrement à la réduction des disparités économiques et sociales au sein de l’UE, construit les transversales alpines, participe à des missions de paix en Bosnie et au Kosovo.
Elle joue également un rôle dans la stabilisation de la situation économique en Europe, par l’intermédiaire du FMI et de la Banque nationale suisse, a-t-elle ajouté. Et ce rôle pourrait croître, grâce à «Rubik», nom de code donné aux accords fiscaux bilatéraux que Berne a conclus en août avec l’Allemagne et la Grande-Bretagne.
«Les parlementaires européens ont regardé vers la Suisse comme une partie de la solution (à la crise), à partir du moment où un impôt à la source (prélevé par les banques suisses sur les revenus de la fortune des non-résidents) permettrait d’apporter un peu d’argent aux pays en difficulté. Et pas comme une partie du problème», a-t-elle insisté.
En clair, la Suisse pourrait rapidement accéder à la demande de la Grèce, non seulement exsangue mais également pestiférée (elle a été victime d’une hémorragie de capitaux, que d’aucuns estiment à 200 milliards d’euros), d’ouvrir à son tour des négociations fiscales avec Berne, dans l’espoir de renflouer ses caisses. Des discussions exploratoires sont déjà en cours avec Athènes, ce qui pourrait d’ailleurs donner des idées à la France, voire à l’Italie.
Les points sur les i
D’autres négociations, non moins sensibles, se profilent à l’horizon, l’UE souhaitant donner à ses relations avec la Suisse une dimension institutionnelle qu’elles n’ont pas actuellement.
Pour Bruxelles, il s’agit notamment de créer des mécanismes permettant d’adapter rapidement les innombrables accords bilatéraux sectoriels qui l’unissent à Berne aux évolutions de la législation européenne et de surveiller plus efficacement la façon dont ils sont appliqués par la Suisse.
Micheline Calmy-Rey a appelé ses partenaires à faire preuve de «sobriété positive», dans ce contexte. Et mis les points sur les i.
«Madame Bilatérales» (qui incarne à elle seule la stratégie d’intégration européenne de la Suisse, qui refuse obstinément d’adhérer à l’UE) a certes reconnu que Berne avait elle aussi un «intérêt majeur» à clarifier les règles du jeu, mais pas à n’importe quel prix.
Pas question, par exemple, de brader la «souveraineté» du pays en adaptant automatiquement sa législation aux développements de la réglementation européenne. Pas question non plus d’accorder la priorité à ces questions institutionnelles, alors que la Suisse souhaite conclure de nouveaux accords avec l’UE dans des domaines tels que l’agriculture, l’électricité ou l’accès au marché des produits pharmaceutiques: une «approche globale et coordonnée» doit être suivie.
L’UDC au pilori
Les Européens sont donc prévenus. Mais ils ne sont pas les seuls: Micheline Calmy-Rey, qui, visiblement, se sent désormais libérée d’un certain devoir de réserve, a cloué au pilori l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice), à deux semaines des élections législatives du 23 octobre.
L’UDC souhaite renégocier l’accord que la Suisse a conclu avec l’Union sur la libre circulation des personnes, afin de réduire l’afflux d’étrangers dans le pays. Remettre en cause cet accord, dont bénéficie l’économie, «c’est la chose la plus stupide qu’on puisse dire», a martelé la ministre.
Durant ses 9 ans passés à la tête du Département fédéral des affaires étrangères, Micheline Calmy-Rey a «gagné» toutes les votations fédérales relatives à la politique européenne.
5 juin 2005: le peuple approuve par 54,6% l’adhésion de la Suisse aux accords de Schengen et de Dublin.
25 septembre 2005: 56% des citoyens acceptent l’extension de l’Accord sur la libre circulation des personnes aux dix nouveaux Etats membres de l’UE.
26 novembre 2006: une contribution d’un milliard de francs destinées à favoriser le développement économique et la démocratisation dans les Etats de l’Europe de l’Est est acceptée par 53,4% des Suisses.
8 février 2009: 59,6% des citoyens s’expriment en faveur de l’extension de l’Accord sur la libre circulation des personnes à la Bulgarie et à la Roumanie.
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