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La Suisse est partout et nulle part en Europe

La nouvelle Commission européenne et ses 26 membres bientôt sur le grill. Reuters

Le mot «Suisse» n’apparaît nulle part dans les priorités affichées, à titre individuel, par les membres de la nouvelle Commission européenne en session dès lundi prochain à Bruxelles. Mais l’Union européenne (UE) n’ignorera pas Berne, ces prochaines années. Notamment sur la fiscalité.

Du lundi 11 au mardi 19 janvier, les eurodéputés mettront sur le gril les 26 personnalités que les Etats ont désignées pour siéger dans la nouvelle Commission européenne, sous l’autorité du Portugais José Manuel Durão Barroso. Et les diplomates suisses en poste à Bruxelles «suivront évidemment» les débats, souligne Daniel Klingele, le porte-parole de la Mission (ambassade) suisse auprès de l’UE.

Dans ce contexte, les futurs commissaires européens ont déjà répondu par écrit à certaines questions des parlementaires.

Présente en filigrane

Le mot «Suisse» ne figure dans aucune de ces réponses, où ils décrivent leurs priorités jusqu’à la fin de 2014. Mais en filigrane, la Suisse est omniprésente.

Première constatation: la Commission veut renforcer la coopération entre l’Union et ses principaux «partenaires stratégiques» politiques et commerciaux. La cheffe du service diplomatique de l’UE, la Britannique Catherine Ashton, et le commissaire désigné au commerce, le Belge Karel De Gucht, insistent tous les deux sur cette nécessité, en citant une multitude de pays, des Etats-Unis à l’Ukraine, de l’Inde au Brésil.

Même si elle n’est pas évoquée, la question de la conclusion d’un vaste accord cadre avec la Suisse pourrait bien se poser. L’Espagne, la Belgique et la Hongrie, qui se succéderont à la présidence tournante de l’UE jusqu’à la mi-2011, y ont fait référence en décembre 2009, dans le document exposant leurs propres priorités.

Prendre l’initiative

«Je vois mal la Commission européenne demeurer passive», commente l’avocat Jean Russotto, un des meilleurs spécialistes des relations entre la Suisse et l’UE à Bruxelles. «Si la Suisse ne prend pas l’initiative de restructurer ses relations avec l’Union, Bruxelles pourrait bien lui imposer une certaine discipline.» Notamment dans le domaine, problématique, de la concurrence – et donc des aides d’Etat, à l’origine du conflit sur la fiscalité cantonale des entreprises.

Deuxième constatation: les nouveaux commissaires témoignent tous d’un grand appétit législatif, entre autres dans le secteur des affaires intérieures et judiciaires, où ils disposent de nouvelles compétences depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, le 1er décembre 2009. Membre de l’espace Schengen et associée à la Convention de Dublin, la Suisse ne pourra pas demeurer indifférente.

La nouvelle commissaire aux affaires intérieures, la Suédoise Cecilia Malmström, ambitionne entre autres d’établir un système commun d’asile et de mettre en œuvre une politique d’immigration commune dans l’Union – un thème sensible en Suisse. Parallèlement, elle veut renforcer la sécurité de l’Union et partant, le rôle de l’Agence européenne de gestion des frontières extérieures, Frontex, à laquelle la Suisse participe.

Resserrer les boulons

La Luxembourgeoise Viviane Reding, qui a hérité du portefeuille de la Justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté, mettra quant à elle l’accent sur la suppression des obstacles à la libre circulation des personnes et projette la création d’un Code civil européen.

Ces différentes propositions participent d’une volonté d’approfondir le processus d’intégration européenne et d’une «relance du Marché unique», un projet que portera le Français Michel Barnier. C’est la troisième constatation.

Michel Barnier veut instaurer «une coopération accrue» dans le domaine des services financiers, «contrôler» la bonne application du droit communautaire, «approfondir la question du transfert transfrontalier du siège des sociétés», etc. Il annonce par ailleurs «des initiatives nouvelles», notamment en matière de prêts hypothécaires.

En resserrant ainsi les boulons, la Commission espère «identifier de nouvelles sources de croissance et d’emploi».

Promouvoir la bonne gouvernance

L’une d’entre elles – quatrième constatation – sera d’origine fiscale et ne plaira pas à la Suisse.

«Le renforcement de la lutte contre la fraude et l’évasion fiscale au sein de l’Union et au niveau international sera au cœur de ma politique», écrit sans surprise le Lituanien Algirdas Semeta, qui s’occupera de ce dossier.

«Mon approche (…) sera double», poursuit-il. «Premièrement, je veux promouvoir la bonne gouvernance à l’intérieur et à l’extérieur de l’Union, en particulier en comblant toutes les lacunes de la directive européenne sur la fiscalité de l’épargne et en musclant l’action de l’UE vis-à-vis des pays tiers et des paradis fiscaux. Deuxièmement, j’insisterai pour que soit substantiellement améliorée la coopération entre les administrations des Etats membres» de l’UE. Algirdas Semeta évoque même la création d’un «réseau opérationnel Eurofisc».

Tanguy Verhoosel à Bruxelles, swissinfo.ch

Privilèges. Le conflit entre Berne et Bruxelles tourne autour des régimes fiscaux de certains cantons suisses. L’UE dénonce les privilèges qu’ils accordent.

Déloyauté. L’UE juge déloyale et contraire à l’Accord de libre-échange de 1972 l’imposition des sociétés étrangères à Zoug, Schwyz et Obwald, entre autres.

Position suisse. Berne estime que les procédures de taxation des entreprises d’administrations, de sociétés mixtes et des holdings sortent du champ d’application de l’Accord de libre-échange de 1972. Cet accord concerne uniquement le commerce de certains biens (produits agricoles transformés et industriels).

OCDE. De son côté, l’Organisation de coopération et de développement économique ne voit rien à redire aux régimes fiscaux des cantons suisses.

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