La Suisse et le Nigéria géreront ensemble la migration
La Suisse et le Nigéria ont signé lundi à Berne un mémorandum d’entente qui établit un partenariat migratoire entre les deux pays. C’est la première fois que la Suisse établit un tel accord avec un pays africain.
Les deux pays veulent privilégier une «approche globale» de la question migratoire. Le mémorandum d’entente signé lundi par la ministre suisse de la Justice, Simonetta Sommaruga et le ministre nigérien des Affaires étrangères, Henry Odein Ajumogobia, prend donc en compte plusieurs aspects de cette épineuse question. En particulier les renvois forcés, mais aussi l’aide au retour et les programmes d’échange en matière de formation et de perfectionnement.
Un partenariat migratoire entre les deux pays représente un apport particulièrement important. Car en Suisse, les Nigérians constituent le plus grand groupe de requérants d’asile. L’année dernière, 1969 personnes en provenance de ce pays africain, ont déposé une demande d’asile en terres helvètes. Ce qui représente 13% de toutes les demandes.
Pourtant, peu de requêtes sont acceptées. En 2009, la Suisse a octroyé le statut de réfugié à une seule personne. Et celui de réfugié provisoire à seulement six requérants d’asile nigérians.
Attachés et surveillés par la police
Le fait que seule une petite proportion de Nigérians obtienne le statut de réfugié repose sur plusieurs facteurs. Selon Beat Meier, secrétaire général de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSR), durant la procédure d’asile, la plupart des Nigérians racontent des «histoires stéréotypées, courtes et peu crédibles et non pas leur réelle biographie.»
Selon lui, le rejet des demandes d’asile sont dans la plupart des cas justifiées. «Les personnes des œuvres d’assistance qui sont présentes lors des auditions partagent aussi cette opinion», relève-t-il.
Mais les rapatriements constituent un problème, car dans la majeure partie des cas, ils sont effectués sous la contrainte. Sur les vols spéciaux les demandeurs d’asile renvoyés sont généralement ligotés et placés sous la surveillance de la police.
Sans compter que les vols sont généralement infructueux, en raison du fait que le pays de destination peut refuser l’autorisation d’atterrir. L’avion doit alors faire l’aller-retour sans escale vers la Suisse.
Respect et dignité
Le nouvel accord vise, donc, à ce que les renvois soient menés «dans la dignité et le respect», avec une collaboration sur le long terme des deux parties. Ceci, en vue d’éviter les divers incidents tragiques qui ont jalonné ces dernières années. Le ministre nigérien Henry Odein Ajumogobia a affirmé qu’il espérait que ce nouveau partenariat permette d’éviter de nouveaux décès.
Pour rappel, en 1999, le Palestinien Khaled Abuzarifa est mort d’étouffement en allant prendre l’avion de retour. Car, en raison de son refus de monter dans l’appareil, la police l’avait ligoté sur une chaise roulante.
En 2001, le Nigérian Samson Chukwu est mort par asphyxie lorsqu’une unité spéciale de la police valaisanne l’a maintenu et ligoté en vue de son rapatriement. Et en mars 2010 un réfugié nigérian est mort à l’aéroport, alors qu’il devait embarquer sur un vol spécial. Juridiquement, la cause du décès n’est pas encore clarifiée.
Accompagnement et incitations financières
Suite à ce dernier incident tragique, la Suisse a suspendu les vols spéciaux en direction du Nigéria. Ils ont repris le 19 janvier 2011, avec le renvoi contraint de trois requérants d’asile nigérians.
La ministre de la Justice, Simonetta Sommaruga, a affirmé lundi devant les médias, que d’autre vols spéciaux sont projetés. Mais elle a souligné que les mesures de contraintes constituent «la dernière issue.»
D’ailleurs, à partir de janvier 2011, l’accord de Schengen exige la présence d’observateurs neutres sur les vols spéciaux. Pour l’instant, la Suisse n’a pas encore trouvé de réponse à cette nouvelle directive, puisque la Croix-Rouge suisse a refusé l’automne dernier de se charger de cette tâche.
Mais, selon Simonetta Sommaruga, la Confédération mettra sur pied des vols accompagnés vers le milieu de l’année. Elle a ajouté que l’Office fédéral des migrations (ODM) était actuellement en train de sonder les candidats potentiels pour cette tâche.
Selon les propos du vice-directeur de l’ODM, durant la période de transition, des représentants de la Commission nationale de prévention de la torture assureront l’accompagnement. Les Nigérians rapatriés en janvier ont quant à eux été embarqués sur un vol de l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures (FRONTEX). Et les vols Frontex comprennent déjà des observateurs neutres.
Pour éviter de nouveaux cas tragiques et encourager les retours volontaires, les deux parties ont également établi plusieurs prestations pour les demandeurs d’asile refoulés, notamment en matière de réintégration.
La Suisse veut soutenir financièrement les demandeurs d’asile refoulés et les aider à se réintégrer dans leur pays d’origine à l’aide de programmes de formation. Ceux-ci devraient être mis sur pied avec la collaboration d’universités et d’entreprises suisses actives au Nigeria.
En 2009, 43 vols spéciaux ont eu lieu au départ de la Suisse, transportant 360 personnes, principalement vers les Balkans ou l’Afrique.
En 2008, il y en avait eu 45.
Aéroports. Entre 80 et 90% de ces transports se font au départ de Zurich. D’autres, avec de plus petits avions, ont également lieu au départ de Berne.
Les niveaux. Ces vols sont dits «de niveau 4»: ils transportent des personnes dans des avions spécialement affrétés pour eux. Ces personnes ont refusé de quitter la Suisse, seuls, par vol de ligne (niveaux 1 ou 2) ou accompagnés par des policiers (niveau 3).
Le service de la Confédération «SwissRepat» est chargé, à l’aéroport de trouver les compagnies et de réserver les vols.
Les retours. En 2009, 140 Nigérians ont accepté l’aide au retour et sont partis volontairement, 70 ont été rapatriés de force et 215 ont été raccompagnés jusqu’à l’avion.
Dans le domaine de la migration, la Suisse est confrontée aux mêmes défis que les autres pays européens. Ces dernières années, un grand nombre de demandeurs d’asile y a été enregistré, dont la plupart ne répondaient pas aux critères d’octroi de l’asile ou d’un séjour en Suisse.
En septembre 2006, plus de deux tiers de Suisses ont approuvé en votation la nouvelle loi sur l’asile et la loi révisée sur les séjour des étrangers.
La nouvelle loi autorise le renvoi dans les 48 heures de tout demandeur dénué de papiers d’identité en règle et qui ne peut donner de motif valable pour son séjour.
Les demandeurs d’asile déboutés et qui ont épuisé toutes les voies de recours sont exclus de prestations de l’aide sociale et ne reçoivent qu’une aide d’urgence.
Les demandeurs d’asile déboutés, qui ne quittent pas le pays, encourent jusqu’à deux années de détention.
Traduction et adaptation de l’allemand: Laureline Duvillard
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